Cessons d’accabler le corps social

Le corps social, comme le corps biologique, a besoin qu'on prenne soin de lui. Or, force est de constater que nous n'avons, à son égard, aucune prudence pour l'accabler de nouvelles qui ne font que l'enfiévrer. Par Bernard Devert, président-fondateur d'Habitat et Humanisme.
Bernard Devert
Bernard Devert (Crédits : Laurent Cerino/ADE)

Les scandales à répétition agressent le corps social qui, fracturé, semble désarticulé par des manipulations d'intérêts particuliers au préjudice du bien commun. La société, dit-on, ne serait plus réformable pour être précisément déformée par cette absence du care, un traitement si oublié que la cohésion sociale est en rupture.

Comment peut-il en être autrement quand les plus jeunes de la société s'interrogent sur leur possibilité d'être des membres à part entière de ce corps qui, corseté, ne parvient pas à leur faire de place, observant combien ils peinent à trouver un premier travail, un toit ?

Il y a aussi tous ceux qui se sentent rejetés, à commencer par les enfants, plus de deux millions en France, qui vivent dans les conditions d'une telle pauvreté que leur avenir est compromis.

Société accablée

Le corps social voit sa capacité d'accueil affectée par la crainte de l'autre, d'où une régression qui l'abîme. Ces maux ne peuvent guérir que si ses membres s'inscrivent dans une vigilance réciproque portant le nom de la fraternité. Les peurs s'estompant, une métamorphose s'ensuivra, suscitant une conversion qui ne sera pas étrangère au recul des iniquités.

Le corps social est malade de ces différences, si excessives qu'elles traduisent une insulte pour les plus fragilisés.

Les institutions, colonne vertébrale de ce corps, n'ont-elles pas la responsabilité de réguler ces inégalités qui entraînent la méfiance, l'animosité ? Affaiblie par leurs déficiences mettant en échec l'éthique, la Société est accablée, parfois désespérée, jusqu'à entendre un pessimisme destructeur.

Au nom de l'unité

Le corps social en a assez de ces mots vains pour être sans levain. Teilhard de Chardin rappelait que "tout ce qui monte converge". Qui a le souci de cette unité, ou plus exactement qui s'inquiète de la faire reconnaître pour mieux la faire naître.

Le corps social, fut-il essoufflé, résiste ; on voit, ici et là, les signes d'un surgissement qui donnent des raisons d'espérer et même de s'enthousiasmer rappelant le poème de Paul Éluard : "Il y a toujours une fenêtre ouverte... une main tendue, une main ouverte, des yeux attentifs, une vie - la vie à se partager."

Ce partage, il existe, ô combien, mais on lui donne peu de visibilité si bien que l'on retient le cynisme des uns, le refus de s'ouvrir des autres, la quête de faux biens privilégiant l'individualisme, le virtuel au réel laissant les plus faibles dans des situations d'inquiétude.

"Le profit de l'un est le dommage de l'autre"

Libérer le corps social est sans doute l'un des maîtres-mot pour sortir de l'accablement. Ne serait-ce pas - pour reprendre l'expression si juste de Viviane Forrester dans son ouvrage, L'Horreur économique - de consentir à quitter ce leurre magistral d'un monde disparu que nous nous acharnons à ne pas reconnaître comme tel.

Un exemple : la recherche d'une économie plus solidaire. Elle semblait utopie, il y a encore quelques années, mais voici qu'elle éveille la richesse d'un esprit d'entreprendre mettant hors d'âge la maxime de Montaigne : "Le profit de l'un est le dommage de l'autre".

Jacques Attali parle d'économie positive. Nos regards deviendraient plus positifs pour entendre la forêt qui pousse plutôt que de s'obnubiler sur l'arbre qui tombe. Cette écoute est sans doute l'une des chances de la guérison du corps social. Ne la désertons pas.

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Commentaire 1
à écrit le 14/04/2016 à 18:18
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Merci de ce regard critique mais constructif, il me semble que notre société pourrait avoir besoin de ces discours fondateurs, basés sur nos valeurs républicaines et humaines, l'espoir est un levier puissant, effectuons les réformes indispensables à ...

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