COP21 : Le dogme de la séparation entre le commerce et l'environnement doit tomber

L'affirmation des bienfaits de la mondialisation des échanges est un des dogmes libéraux. À tout le moins, le dogme mérite des réserves, tant il est vrai que l'épisode que nous vivons, à l'image du précédent au XIXème siècle, est loin de ne faire que des gagnants. On ne peut pour autant désigner la mondialisation comme le bouc émissaire de dérèglements climatiques. Par Roger Guesnerie, professeur honoraire au Collège de France et président de l'Ecole d'économie de Paris.

Il est vrai qu'en contradiction avec une dimension du dogme libéral, la déconnexion de l'espace de l'État et de celui du marché, exacerbée par la mondialisation, est plus que problématique pour la mise en place d'une politique climatique globale.

L'État-Nation dispose en principe des outils nécessaires pour réguler et contrôler des pollutions dont les sources sont à l'intérieur de ses frontières. Aux outils réglementaires (normes...) s'ajoutent ce que l'on appelle les outils économiques : la taxation de la pollution ; symétriquement, subvention à la dépollution ; et enfin le marché de droits, qui consiste à distribuer des quotas d'émissions, des droits à polluer si l'on veut, alors échangés sur ledit marché.

La logique des instruments économiques fait écho à une analyse libérale, c'est le prix qui suscite les actions vertueuses, et à un savoir économique, c'est l'unicité du prix qui assure une réduction au moindre coût. Mais l'intervention de l'État est décisive et fondée sur ses pouvoirs régaliens, fixation de l'impôt et des droits de propriété

La qualité du climat est un bien collectif mondial et non national

Mais pour revenir à notre problème, la qualité du climat, affectée par les actions de tous les acteurs économiques de la planète et qui touchent tous ses habitants, est un bien collectif mondial et non national ! Et faute d'État mondial, une politique climatique requiert un accord entre États-Nations.

L'approche « top-down », du haut vers le bas, celle de Kyoto, tentait de faire émerger une gouvernance mondiale efficace d'une négociation entre pays, pour l'essentiel entre pays développés. L'échec de Kyoto s'est accompagné après Copenhague, du rejet de la méthode et de l'adoption d'une démarche « bottom-up », du bas vers le haut.

Le dogme : doit-on le qualifier de libéral ?

Aujourd'hui, dans ce cadre, chaque pays affiche les « contributions (nationalement déterminées) qu'il envisage », (INDC), dont l'addition détermine la politique globale. En dépit de cette forte régression dans l'ambition, la solution peut-elle être en ligne avec des objectifs climatiques ambitieux ? Sûrement pas, si les règles du jeu étaient figées dans le marbre jusqu'en 2030 ; et l'accord de Paris devra être jugé à l'aune des dispositions qui autoriseraient une évolution progressive, en temps utile, dans le sens d'une authentique gouvernance mondiale.

Pour revenir aux dogmes, l'un d'entre eux - doit on le qualifier de libéral ?, mais c'est un dogme qui sous-tend les errements actuels de la gouvernance mondiale - celui de la séparation entre le commerce et l'environnement, devra tomber.

Obstacles aux politiques climatiques

Les fuites de carbone des pays engagés dans la lutte climatique vers les pays laxistes sont des obstacles aux politiques climatiques, qui doivent être levés. Non seulement par la mise en place d'ajustements aux frontières , acceptables du point de vue de la logique économique standard, mais par une liaison étroite entre accords sur le commerce et coopération environnementale.

Le refus ou les obstacles au commerce constitueraient ainsi des représailles crédibles aux refus ou aux obstacles à la coopération environnementale. Cette idée iconoclaste a reçu le soutien d'économistes visibles aux États-Unis comme W. Nordhaus. C'est sans doute une entorse majeure à une certaine version du dogme libéral, mais une entorse qui permettrait de faire évoluer, et dans le bon sens, les conditions de la gouvernance mondiale.

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Commentaire 1
à écrit le 02/12/2015 à 9:39
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Faire voyager des marchandises sur toute la planète est un gaspillage. Et faire du local avec des moyens de transports polluants est également un gaspillage et une infamie. N'oublions pas que quoi qu'il arrive, dans une logique monétaire : moins on...

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