Chine : quand la réforme l'emporte sur la relance

Ces dernières semaines, la dévaluation du yuan, aura été l'élément déclenchant d'un vent de panique sur les marchés, partout dans le monde. Mais c'est une erreur de lecture qui tient d'abord à l'ignorance dans laquelle sont encore les Occidentaux quant aux modes de fonctionnement de la Chine.

Les dévaluations peuvent se suivre et ne pas se ressembler. Lorsque le Japon et l'Europe ont procédé, en leur temps, à des dévaluations massives de leurs devises (30 et 20% respectivement), cette décision fut saluée par les marchés et interprétée comme une façon salvatrice de combattre la déflation. Ces dernières semaines, la dévaluation du yuan, aura été l'élément déclenchant d'un vent de panique sur les marchés, partout dans le monde.

Pourquoi cette différence de traitement ?

D'abord parce que l'Occident a considéré la dévaluation chinoise comme un événement historique. La dernière opération de ce genre s'était produite au début des années 90. La dévaluation massive du yuan face au dollar avait un objectif : assurer artificiellement la compétitivité des produits chinois après les évènements de Tian An Men. Il s'agissait alors pour Pékin de pratiquer un dumping monétaire, susceptible d'attirer les investissements occidentaux en Chine. Instruits par l'expérience des années 90,  les pays occidentaux ont interprété la dernière dévaluation chinoise comme une sorte de « remake », ce qui a suffi à déclencher la panique boursière que l'on sait.

Mais c'est une erreur de lecture. Elle tient d'abord à l'ignorance dans laquelle sont encore les Occidentaux quant aux modes de fonctionnement de la Chine. Cette dévaluation ne ressemble pas du tout à la sous-évaluation artificielle du yuan des années 90. Au contraire, elle est le signe que les autorités de Pékin acceptent les règles du marché et adaptent le cours de leur devise à la baisse de la croissance chinoise et à la perspective de la convertibilité du yuan.

Évaluer l'ampleur de cette diminution de la croissance

Toute la difficulté consiste à évaluer l'ampleur de cette diminution de la croissance. Les économistes ont sérieusement révisé leur copie et semblent favoriser le nouvel indice dit " Li Keqiang" , du nom du Premier ministre chinois, qui indique une croissance à court terme de 2 à 3% par an. Mais il ne prend que partiellement en compte le développement des services et les efforts de recherche et développement. Or c'est précisément par ce moyen que la Chine entend améliorer sa productivité, qui a chuté de moitié par rapport aux années 2000, pour se situer aujourd'hui autour de 4 à 5 % par an. Une performance insuffisante pour atteindre l'objectif que se sont assigné les autorités : accélérer le développement de la demande intérieure.  Un objectif essentiel que la croissance des salaires de 10% par an devrait favoriser.

Service minimum

Dans cette logique, les dirigeants chinois ne sont disposés qu'au « service minimum » en termes de relance économique, lui préférant une sorte de « qualitative easing », en limitant au minimum requis les injections de liquidités. Ils concentrent leurs efforts sur les trois outils qui, selon eux, permettraient d'améliorer la compétitivité globale de l'économie chinoise, dont la productivité n'atteint aujourd'hui que 20% de celle des Etats-Unis : une meilleure allocation d'actifs de la part du secteur bancaire ; une meilleure productivité du secteur public, au besoin en fusionnant un certain nombre d'entreprises contrôlées par l'Etat ; une meilleure productivité du travail, par le développement des services, notamment dans les technologies et l'environnement.

Les exemples allemand et suisse

En voulant transformer « l'atelier du monde » en « laboratoire du monde », les autorités chinoises (qui consacrent 2% du PIB à la recherche et au développement), veulent s'inspirer des exemples allemand et suisse, deux pays qui, aux yeux des Chinois, ont su préserver leur compétitivité sans jamais recourir aux dévaluations, contrairement à d'autres pays européens, notamment la Grande-Bretagne, la France ou les pays d'Europe du Sud, dont les bouffées d'oxygène éphémères de la dévaluation n'en ont pas fait des pays « gagnants ».

La Chine doit, plus qu'on le croit chez nous, prendre en considération les pressions populaires exprimées notamment au travers des réseaux sociaux. Les dirigeants chinois ont observé que les deux seuls dirigeants européens à avoir affronté avec succès les échéances électorales depuis la crise de 2008 sont Angela Merkel et David Cameron, dont le point commun est d'avoir engagé des réformes de structure dans leurs pays respectifs. Les évènements de cet été en Chine doivent donc être interprétés comme le choix de la réforme, douloureux à court terme, mais très positif à long terme.

 David Baverez est l'auteur de "Génération tonique. L'Occident est complètement à l'Ouest" Editions Plon

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