Edition : l'heure cruciale des choix

Le numérique oblige le monde de l'édition à une profonde mutation. Les usages et les lecteurs changent. Les enjeux sont cruciaux pour les maisons d'édition. Par Guillaume Allary, fondateur de la maison d'éditions Allary Éditions

Le marché de l'édition n'est pas à part : lui aussi est en crise, ou plus exactement en mutation. Au cœur des changements, le numérique, qui amène de nouveaux usages de lecture (livres numériques), remet en cause le monopole des librairies physiques (Amazon) et fragilise les médias traditionnels (information gratuite en ligne, médias sociaux). Si le phénomène n'est pas récent, le secteur n'a pas radicalement changé dans la dernière décennie.

Tous les acteurs de l'édition sont conscients qu'Amazon et Apple bouleversent la donne. Mais chacun continue comme avant, cramponné à un système qui tient encore. Les livres numériques, certes en croissance, ne pèsent que 3 % du marché. Les librairies, certes concurrencées, tiennent le choc grâce au prix unique du livre. Les médias traditionnels, certes moins prescripteurs, n'ont pas encore été détrônés par les réseaux sociaux. Bref, tout change, mais rien ne change.

Un marché polarisé

Pourtant, le lecteur n'est plus le même. Le nombre de grands lecteurs (qui achètent plus de 20 livres par an) diminue. Le marché se polarise : d'un côté, les livres qui se vendent très bien (plus de 20 000 exemplaires) et, de l'autre, ceux qui se vendent très peu (moins de 1 000 exemplaires). Entre les deux, plus grand monde. Les titres réalisant des ventes moyennes (entre 3 000 et 7 000 exemplaires) sont de plus en plus rares. Ceci pose problème, car c'est là que se trouvent et se façonnent les auteurs importants de demain.

Le phénomène n'est pas seulement français : observé par les éditeurs du monde entier, il risque de perdurer, voire de s'accélérer. Que lira-t-on demain ? Des best-sellers ou des livres nous concernant directement. Le prochain Ken Follet ou le roman historique écrit par votre tante. Le récit coup de poing de la future Valérie Trierweiler (celle qui racontera sa rupture avec le successeur de François Hollande) ou le récit du divorce de votre meilleur ami, écrit par son ex-femme. Bref, le livre dont tout le monde parle ou le livre dont seul votre entourage vous parle.

Deux logiques

Les maisons d'édition seront alors face à deux logiques : jouer la sélection ou le volume. Publier peu en investissant sur chaque livre ou publier beaucoup en investissant le moins possible. Sélectionner, repérer les sujets et les talents, travailler le contenu et les lancements ou publier les textes presque tels quels, sans aucune ou presque valeur ajoutée éditoriale. Poussée à son terme, la logique du second modèle a un nom : l'édition à compte d'auteur, rebaptisé « autoédition » à l'ère du numérique.

Les éditeurs traditionnels vont-ils y revenir, comme les grandes maisons littéraires d'aujourd'hui le firent à leurs débuts ? Peut-être, mais Amazon s'est déjà imposé comme le leader incontesté de ce modèle grâce au KDP (Kindle Direct Publishing). Demain, les éditeurs risquent d'être encore plus dépendants des best-sellers. Les livres à haut potentiel seront encore plus convoités et, dans cette course au best-seller, les rentes de situation compteront moins que le flair, l'expérience, la chance et le lien de confiance entre auteur et éditeur. L'édition de demain sera moins confortable, mais plus ouverte.

Allary est l'éditeur de Riad Sattouf (L'arabe du futur) et Mathieu Ricard (Plaidoyer pour les animaux)

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Commentaire 1
à écrit le 17/04/2020 à 19:35
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Je voulais savoir si les éditions Allary est à compte d'auditeur ou d'éditeur ?

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