Bernard Belletante : L'enseignement supérieur change de monde

Le 23 février, EMLYON entérine à Lyon son partenariat stratégique avec IBM annoncé à New York en janvier. En toile de fond : un nouveau modèle de l’enseignement supérieur, fondé sur la double injonction du numérique et de la globalisation. Par Bernard Belletante, directeur d'EMLYON.

Tout l'indique, tout le démontre : nous sommes face à l'émergence d'un modèle inédit de l'enseignement supérieur, un nouvel « édusystème », qui intègre au niveau planétaire plus fortement entreprises et structures d'enseignement supérieur, et qui est élaboré à partir d'une double réalité : le développement du numérique et la globalisation.

Une nouvelle chaîne de valeur

Le numérique impacte l'éducation en remettant en cause toutes les pratiques actuelles de formation. En premier lieu, l'industrie numérique détruit la chaine de valeur « diffusion du savoir - assimilation - diplôme d'Etat » sur laquelle le système éducatif français se repose depuis deux siècles.

En effet, la mise à disposition gratuite, sans contrainte de temps et de lieu, de tout le savoir disponible a diminué la valeur de la diffusion par l'enseignant et l'intérêt de l'assimilation par strates successives. Elle pose aussi la légitimité d'une certification par un Etat alors que l'émergence du savoir est planétaire. En même temps, l'industrie numérique crée une nouvelle chaîne de valeur, qui est une formidable opportunité. Faisant disparaître l'apprentissage statique dans des espaces clos, le numérique permet de se concentrer sur les profils des apprenants et leurs capacités à s'intégrer dans leur environnement mondial.

La nouvelle chaîne de valeur de l'éducation sera « compétences - actions - sens » ; c'est dans la mise en dynamique des savoirs et dans l'architecture des compétences que devront donc exceller les entreprises de formation.

Le système d'information, « nerf de la guerre »

Deuxièmement, le numérique rompt pour la première fois dans l'histoire de l'éducation l'unité de temps et de lieu. L'éducation connaît la même révolution que les industries de la culture et de l'information. Nous devons passer de l'ORTF (rigidité absolue : un prix annuel, des horaires fixes) à Netflix (flexibilité totale des prix et du temps). Le numérique a permis aux consommateurs de se réapproprier rythme et modalités de consommation. Ce sera la même chose pour les apprenants, quel que soit leur âge.

Enfin, le numérique abolit les frontières et accentue le deuxième changement majeur qui frappe actuellement le monde éducatif supérieur : la globalisation. Aujourd'hui, les institutions de formation indiennes, chinoises, brésiliennes ont atteint les meilleurs standards mondiaux de qualité. Dans les nations émergentes, des centaines de millions de diplômés bac +3/+5 constituent une main d'œuvre très qualifiée, avec un pouvoir d'achat élevé pour un coût du travail inférieur aux diplômés en Europe.

Cela implique de devoir construire l'excellence sur les compétences et l'action (le savoir et sa diffusion ne sont plus distinctifs) et surtout d'être capables de former dans les nations émergentes, notamment en Asie et en Afrique. Et pout atteindre un tel dessein, le « nerf de la guerre » réside dans un système d'information global, agile, flexible, rapide dans son implémentation et son apprentissage permanent.

*Bernard Belletante est l'auteur de : "Education, dernière frontière avant le monde", Editions Eyrolles

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Commentaires 3
à écrit le 20/02/2015 à 17:39
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Je ne vois pas le mal pour l'EM Lyon à disposer, comme partenaire, d'IBM. Pour cette école, ce sera très certainement plus riche d'ouverture que d'embarquer un boulet public. Le critère du nombre de diplômés ayant créé des entreprises d'envergure mon...

à écrit le 20/02/2015 à 14:44
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Quitte à être sponsorisé par une grande firme du numérique, ce qui est discutable en soi c'est à dire se faire phagocyter par une firme (mais bon, admettons, on voit ça ailleurs), je préfèrerais que ce soit Apple ou Google. Quant à votre découverte ...

le 24/02/2015 à 12:48
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Permettez moi plusieurs remarques; sauf erreur, Google ne fait ni "hard" (ordi) ni infrastructure. Dans mon métier de conseil, j'accompagne au quotidiens de très belles structures qui emploient des centaines de personnes, qui sont technologiquement...

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