Dites moi, pourquoi travailler ?

Pour gagner sa vie me répondrez-vous. Obtenir un salaire est bien le motif premier et central qui nous fait "aller travailler". Et pourtant, la définition de travailler va bien au-delà...
Fabienne Autier, est l'auteur de « Travailler, pour quoi faire ? »

Comme l'a si bien mis en en scène une publicité pour la Française des jeux, si nous gagnions un jour une somme d'argent suffisante pour nous mettre à l'abri du besoin, la première décision que nous prendrions serait de dire au revoir à notre travail et à notre patron. Le travail n'a-t-il alors que cette fonction économique de subsistance dans notre vie d'humain ? Peut-on soutenir que nous mettons 7 h ou plus par jour, pendant 40 ou 45 ans, au service de cette seule finalité ? Au moment où l'allongement de la vie professionnelle pointe à l'horizon, la question prend toute son acuité. N'y a-t-il pas un autre point de vue possible ? Je répondrais que si : le travail est aussi un terrain de construction personnelle, un lieu central d'apprentissage et de possible réalisation de soi.

Quel que soit notre poste et notre métier (comptable, responsable logistique, musicien dans un orchestre, etc.), travailler se caractérise par la possibilité de prendre en charge trois grandes familles d'activités : des Obligations, des Initiatives et des Aspirations.

Acquérir des compétences

Le travail requiert tout d'abord la prise en charge d'Obligations : saisir des factures pour le comptable, réceptionner des ordres de livraisons pour le logisticien, savoir exécuter une partition pour le musicien. Ces obligations nous font acquérir des compétences techniques fondamentales (le métier), mais aussi nous apprennent à prendre notre place dans un corps social (celui des collègues, des pairs) et à nous comporter selon des normes établies. La prise en charge des obligations nous apprend également la responsabilité et l'endurance : il ne suffit pas de savoir-faire une fois, il s'agit de savoir-faire à chaque fois que l'activité se présente, encore et encore, de façon fiable et rigoureuse.

Estime de soi

Une fois les obligations maîtrisées, pointe un nouveau besoin chez l'humain au travail. Un besoin d'Initiatives : énoncer et mettre en œuvre des propositions qui nous singularisent par rapport à nos collègues. Proposer une façon plus rapide de saisir les factures ou de les contrôler, tester une nouvelle organisation de la chaîne réception/envoi en logistique, expérimenter une autre approche des répétitions, etc. L'investissement de ces initiatives, parce qu'il permet de se singulariser dans le collectif de travail, est vecteur d'estime de soi et renforce encore la compétence métier et communicationnelle.

Recherche de sa propre utilité

Enfin, dans une dernière partie de la vie professionnelle, la prise en charge réussie d'obligations et d'initiatives ne suffit plus à renouveler la motivation à travailler. Le travail devient aussi un terrain de recherche de nos propres Aspirations : parce que nous en maitrisons bien les tenants et les aboutissants, parce que nous avons acquis des compétences et une reconnaissance de ces compétences, nous pouvons être en mesure de proposer de nouvelles orientations, de nouveaux buts. Le travail devient alors un terrain possible de recherche de sa propre utilité auprès des autres, au-delà du seul enjeu productif : par exemple, devenir, en parallèle de son poste de travail, un tuteur pour des jeunes professionnels.

Terrain d'expression et de construction de soi

Le travail dans les économies mature est donc bien davantage qu'une subordination subie à un impératif économique.
Il est un possible terrain d'expression et de construction de soi. Un terrain dynamique où l'on apprend et investit différents registres selon notre âge et notre expérience. C'est bien ce qui explique le désarroi de ceux qui en sont privés. Priver un individu de travail produit des effets bien plus dévastateurs que la seule perte de revenu. Priver un individu de travail conduit à lui refuser la possibilité de se construire et de se réaliser.
Nous avons ici une explication des dégâts que causent le non accès à l'emploi pour la jeunesse défavorisée aujourd'hui (violences, dégradations, révolte).

Le travail est particulièrement constructeur pour les jeunes, il le demeure tout au long de la vie active. Dénier aux séniors la possibilité d'investir plus large que le seul périmètre de leur description de poste est également dévastateur et constitue une perte nette d'innovation pour les organisations.

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Commentaires 2
à écrit le 28/11/2014 à 12:03
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Je suis persuadée que le travail n'a pas pour seule finalité de subvenir à nos besoins. Si beaucoup souhaiterait s'arrêter de travailler, il n'est pas rare d'entendre une réflexion disant que au bout du compte "tu finirais par t'ennuyer". Je voulais...

à écrit le 27/11/2014 à 19:41
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