Sarkozy ne peut pas abandonner le Principe de précaution

Nicolas Sarkozy a annoncé dans son programme vouloir mettre fin au Principe de précaution : juridiquement et politiquement, est-ce possible ? Jean de Kervasdoué, professeur titulaire de la chaire Economie - gestion des services de santé au CNAM et auteur d'« Ils ont perdu la raison » (Robert Laffont), n'y croit pas. Mais exhorte... par précaution, à reconsidérer le périmètre d'application d'un principe devenu « insensé ».

Un tel vœu, je ne le crois pas possible. En tenant ces propos, Nicolas Sarkozy pensait vraisemblablement à l'article 5 de la charte de l'environnement inscrite depuis février 2005 dans la Constitution française et qui, en effet, peut être modifié soit par un référendum (article 11), soit par un vote à la majorité des trois cinquièmes des suffrages exprimés des deux chambres du Parlement réunies en Congrès à Versailles (article 89). Faisant cette déclaration, il devait donc imaginer qu'après un triomphal succès électoral en 2017, les conditions politiques seraient réunies pour abroger toute référence à ce principe indéfini.

Une jurisprudence explicite

Ce faisant, il oubliait toutefois les traités internationaux. Tout d'abord la conférence internationale sur la protection de la mer du nord (1987), mais aussi l'engagement pris par la France au Sommet de la Terre, réuni à Rio par l'ONU en 1992. Il faisait également fi du traité de l'Union européenne signé à Maastricht cette même année 1992 qui, dans son article 174, déclare que la politique communautaire en matière d'environnement est, notamment, fondée sur le principe de précaution. Imaginé à l'origine pour garantir un niveau élevé de protection de l'environnement et permettre de prendre des décisions préventives en cas de risque, la jurisprudence conduit à constater que son champ s'est depuis fortement étendu à la santé, à l'alimentation, à la protection des consommateurs et à l'agriculture.

Il est donc vraisemblable que si un gouvernement français souhaitait faire totalement disparaitre ce principe de sa constitution, la France y demeurerait soumise par ses accords internationaux. En outre, en cas d'abrogation de l'article 5 de la charte de l'environnement, on peut imaginer que, dans de telles circonstances, l'Union européenne demanderait à la France une traduction législative de l'article du traité qui évoque le principe de précaution.

Revenir à la loi Barnier ?

Que faire alors ? Revenir à la loi Barnier du 2 février 1995 qui, dans l'article L 200-1 troisième alinéa, définissait « le principe de précaution, selon lequel l'absence de certitudes, compte tenu des connaissances scientifiques et techniques du moment, ne doit pas retarder l'adoption de mesures effectives et proportionnées visant à prévenir un risque de dommages graves et irréversibles à l'environnement à un coût économiquement acceptable » ? Cet article cadrait, certes sans grande précision, la recherche de la précaution par des mesures qui ne devaient pas dépasser un « coût économiquement acceptable », mais c'était déjà cela !

Protéger médecins, agriculteurs et entrepreneurs

Je ne crois donc pas que ce principe disparaîtra dans un avenir proche du cadre juridique français. En revanche je pense que l'on peut en préciser, et donc en limiter, le champ et les conditions d'application. Un principe indéfini, insensé (comment prendre des mesures « proportionnées » quand les évènements sont « incertains » ? « Proportionnées » à quoi ?)   est dangereux pour tous ceux qui par essence doivent prendre des risques pour exercer leur métier qu'ils soient médecins, agriculteurs ou entrepreneurs. Il importe de les protéger. Par précaution ?

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