Innovation et patrimoine : pour le meilleur et…

Patrimoine et innovation sont deux mots chargés de sens, dont les définitions ont été bouleversées ces dernières décennies. Aujourd'hui, leur association n'est pas toujours gage de solutions.

Prenons d'abord la notion de patrimoine, mot-clé de notre société mondialisée, qui le définit à l'origine comme l'héritage légué à ses enfants. Il résulte d'un amalgame des notions de monument et de monument historique. Le monument est une œuvre créée de la main de l'homme dans le but de conserver vivant le souvenir d'une action ou d'une destinée. Au XIXe siècle, les monuments historiques sont les édifices du passé qu'il faut conserver pour eux-mêmes, sans nécessairement de fonction mémorielle. Ils présentent des valeurs diverses : artistique, historique, etc.

Le patrimoine devient également une ressource à exploiter

Au XXe siècle apparaît une nouvelle valeur qui bouleverse notre rapport au passé : la valeur économique. Alors que jamais auparavant une culture vivante n'avait célébré un objet en soi, mais toujours dans son rapport au passé ou au futur, le patrimoine devient également une ressource à exploiter à l'échelle mondiale comme l'illustre le concept de Patrimoine mondial de l'humanité à partir de 1972.

L'innovation est l'action d'introduire une chose nouvelle. Loin d'être un objet ou un produit, c'est un processus. Comme le suggère Eugène Viollet-le-Duc, un même architecte devrait pouvoir cumuler les deux fonctions de restaurateur de monuments et de constructeur d'édifices appropriés aux usages nouveaux, car dans les deux cas, il s'agit bien d'un projet. L'innovation d'un projet de restauration nécessite une liberté créatrice, propre à chaque édifice et liée à une part de risque, pour inventer de nouvelles solutions, s'adapter à l'histoire ou faire travailler la matière au maximum de ses capacités. Cette notion de risque est parfois en contradiction totale avec les règlementations, les normes et même l'inquiétude du maître d'ouvrage.

Les technologies ne sont pas toujours des solutions

Dans la restauration du patrimoine bâti, en réponse aux problèmes que soulèvent les diagnostics, les techniques de pointes sont élaborées régulièrement par les restaurateurs (architectes, artisans, entreprises), et/ou par des chercheurs comme le Laboratoire de recherche sur les monuments historiques. Elles sont pratiquement aussi diversifiées qu'il y a de bâtiments, et vont de l'analyse structurelle à la numérisation 3D, en passant par l'assistance des robots pour sculpter la pierre, la biominéralisation ou l'utilisation des laser pour nettoyer ou analyser in situ sans destruction.

Cependant, les technologies ne sont pas toujours des solutions et leur emploi, excessif, peut devenir pervers quand, par une extrême professionnalisation, il dépossède l'homme de sa capacité à s'approprier son passé, à l'habiter, à le réparer et l'entretenir. L'innovation dans la restauration du bâti ancien nécessite aussi une capacité d'adaptation au nouveau contexte qu'il rencontre : urbain, paysager, écologique, social, économique. Si c'est toujours le bâtiment et son histoire qui guident les usages contemporains, et non l'inverse, les enjeux actuels de la restauration se situent aussi dans la capacité de faire avec ce qui est là, et avec ceux qui sont là.

Le contexte économique et environnemental ayant changé, l'énergie grise du bâtiment - l'énergie nécessaire à sa construction et à sa démolition - est aujourd'hui à exploiter pleinement, tout comme la capacité de chaque homme à s'investir dans la transmission du patrimoine. L'emploi de techniques traditionnelles ou innovantes simples, avec des matériaux locaux permet cette appropriation sur le long terme. Aussi, l'innovation réside aujourd'hui dans le renforcement du lien entre le patrimoine et son territoire, qu'il s'agisse des techniques, des énergies, des usages et des hommes qui l'habitent.

 

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Commentaires 3
à écrit le 14/05/2014 à 17:18
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Quel éclairage enrichissant Sur un thème pas si simple. Merci !

à écrit le 14/05/2014 à 14:38
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Mais quelle belle analyse !. Faite avec justesse et réalisme.

à écrit le 13/05/2014 à 17:22
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Mais que c'est intéressant et bien dit... Madame Castafiore

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