Le pacte de responsabilité ou une ouverture pour l’entreprise.

L’annonce du Président de la République a pour le moins surpris son électorat, mais la Nation prend la mesure de nécessaires innovations pour atténuer le chômage ‘jetant’ une fraction de la population dans la précarité, parfois la misère.
Bernard Devert est fondateur d'Habitat et Humanisme. ©Laurent Cerino/Acteurs de l'économie

L'inflexion du chômage n'est malheureusement pas au rendez-vous ; les « fins de droits » s'accumulent alors que l'UNEDIC atteint une dette record pour être estimée à plus de 21 milliards en 2014. Le pacte de responsabilité impose 50 milliards d'euros à trouver,  entraînant des craintes quant à la diminution drastique de budgets constituant jusque-là un 'amortisseur' qui pour rendre moins dures la fracture sociale a aussi participé à retarder les décisions qui ne pourront pas toujours être différées, sauf à manquer d'équité à l'égard des prochaines générations.

Désenchantement

L'Etat désargenté pour être aussi endetté met les plus pauvres en difficulté et constitue pour les classes moyennes une cause de désenchantement avec le risque du 'chacun pour soi' tant l'avenir semble insécurisé. L'annonce du Président est reçue avec un certain scepticisme, le MEDEF rappelant que l'allégement des charges nécessaire pour entreprendre aura un effet différé quant à la création de l'emploi. La crise économique et sociale a blessé les espoirs. Nous sommes loin de l'ère des lumières. Diderot disait : « Je veux une société heureuse et je veux l'être aussi ». Or, la priorité est souvent mise sur le bonheur personnel quand bien même fût-il un petit bonheur. Comment actualiser la proposition de John Kennedy : « Ne demandez pas ce que la Nation peut faire pour vous, mais ce que vous pouvez faire pour elle ».

Reproches excessifs

Il faut observer les malentendus sur l'entreprise relevés par exemple entre le Ministre du Redressement productif et les dirigeants du Groupe Peugeot accusés publiquement et hâtivement d'erreurs quant à leur stratégie. Ces reproches excessifs ne procèdent-ils pas d'un vide juridique : la société est reconnue, l'entreprise est absente. Ce grand juriste que fut Ripert disait que le monde est peuplé d'êtres nouveaux qui ne sont pas comptés dans le dénombrement de la population et qui pourtant sont aussi vivants que des êtres physiques. Seulement cette « population nouvelle » est recensée de façon réductrice pour offrir aux seules personnes morales, les sociétés, une capacité de plein exercice.

L'espoir de la richesse est une force de création

L'article 1832 du code civil définit la société à partir de deux éléments : l'affectio societatis et la volonté de se réunir, en vue du partage des bénéficies. L'acte d'entreprendre est limité : quel partage de cet affectio societatis pour les salariés, fussent-ils des cadres ? L'espoir de la richesse est une force de création qui se trouve quelque peu annihilée par des captations dirigées davantage vers la société que l'entreprise. Ne nous étonnons pas alors des frustrations de ceux qui, concourant au développement de l'entreprise, voient la société comme une 'citadelle' pour être séparés des Conseils où s'élaborent les décisions.  Cette observation vaut aussi pour nombre d'actionnaires qui se sentent écartés des orientations stratégiques pour relever des seuls Conseils d'Administration.

Entreprises absentes

Les sociétés sont omniprésentes, les entreprises sont absentes, faute d'être instituées ou vraiment représentées. Est-il juste de considérer que les actionnaires sont les seuls propriétaires de l'entreprise. Certes, ils possèdent un titre financier mais cette part du capital peut être cédée en Bourse du jour au lendemain. Une responsabilité aussi limitée dans le temps,  qui s'apparente parfois à un jeu, met en exergue le vide juridique du statut de l'entreprise, confrontée à des obligations plus longues et lourdes, à commencer par ses engagements vis-à-vis des salariés. La société se construit à partir d'une connaissance (affectio societatis), l'entreprise procède d'une reconnaissance de ceux-là mêmes qui, dépassant le court-termisme, l'inscrivent dans une finalité qui n'est pas seulement d'enrichir les associés mais aussi la Cité par le partage des liens économiques, financiers et sociaux. Alors s'opère une recherche du sens qui donne à l'échange la source de nouveaux possibles.Ne sommes-nous pas là précisément dans une approche de l'entrepreneuriat qui ne demande pas à être qualifié de social ou de solidaire dès lors qu'entreprendre durablement c'est désirer « faire société » en incluant davantage de confiance et de solidarité.

Un nouveau chantier

S'ouvre un chantier aux politiques, juristes, économistes et praticiens de l'acte d'entreprendre pour que s'élabore le concept de l'entreprise offrant à ses différents partenaires la reconnaissance de leurs échanges et les conditions favorisant leur développement pour une contribution du bien commun. La société est marquée par des paradoxes et des contradictions ; si elle privilégie la création des richesses, elle est le lieu de l'autonomie du profit, comme elle est source de solidarité mais aussi d'exclusions. La recherche d'un statut de l'entreprise ne permettrait-elle pas de mieux préciser les responsabilités des acteurs de l'acte d'entreprendre en associant davantage ceux-là mêmes qui en son sein contribuent à la création de richesses. Des signes d'ouverture méritent d'être relevés avec le projet de loi Economie Sociale et Solidaire sous réserve que le statut ne soit pas considéré comme le seul signe de la vertu, laquelle relève des impacts sociaux de l'entreprise en ne l'enfermant pas dans des distinctions qui relèvent d'un autre temps.  L'heure n'est pas celle des accusations mais bien de la détermination à trouver de nouvelles conditions plus participatives pour entreprendre. Les obstacles sont réels mais l'homme ne se découvre-t-il pas quand il en prend la mesure l'éloignant ainsi de 'la main invisible'.  Une des questions est comment créer et partager plus solidairement. Une approche novatrice de l'entreprise s'impose ; elle ne serait pas indifférente au pacte de responsabilité trouvant alors une trace en son sein.  





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