[Insertion 6/7] "La profusion des dispositifs d'insertion conduit à une illisibilité"

Sociologue du travail et de l'emploi au Centre d'études de l'emploi et du travail, François Sarfati, analyse l'évolution des politiques d'insertion qui, selon lui, ne sont pas encore au rendez-vous. Cinquième volet de notre série consacrée à l'insertion.
(Crédits : DR)

ACTEURS DE L'ECONOMIE-LA TRIBUNE. L'insertion professionnelle demeure un sujet sociétal et politique majeur qui, malheureusement, ne semble toujours pas avoir trouvé de voix commune. Pour quelle raison aucune solution ne semble-t-elle efficiente ?

Le lien est très fort entre insertion sociale et insertion professionnelle. Évoluer dans la société, c'est être intégré dans la vie sociale. Quant à l'insertion professionnelle, elle est attachée à l'idée que le processus d'insertion sociale passe par le processus d'insertion professionnelle. Malheureusement, le chemin de l'insertion professionnelle est de plus en plus tortueux et sinueux et affecte donc l'insertion sociale. L'une des raisons majeures demeure la multiplication des dispositifs d'accompagnement.

Tour à tour, de nouvelles propositions apparaissent et tentent, à leur manière, de répondre aux difficultés rencontrées par les jeunes. Conséquence : la profusion de dispositifs conduit à une illisibilité. Entre l'État central − qui ne veut plus prendre en charge certaines activités et préfère subventionner des organismes −, les missions locales pour l'emploi, ou encore les associations, la palette d'aides est devenue très, voire trop large. Cette multiplication des actions et des acteurs amène à une division des tâches à l'échelle des territoires. L'idéal serait de rompre avec ce millefeuille, mais le vieux serpent de mer est loin d'avoir trouvé la solution.

L'insertion professionnelle est donc une sempiternelle problématique à laquelle les gouvernements successifs tentent de répondre. Prennent-ils la mesure des enjeux ?

Elle régit la politique depuis une trentaine d'années avec plus ou moins de résultats. Sous l'ère de Nicolas Sarkozy, Martin Hirsch, alors haut-commissaire à la jeunesse, cherche à impulser une politique de la jeunesse. Elle consistait à promouvoir une méthode de travail originale, fondée sur une approche transversale associant les ministères et les acteurs de la jeunesse. Contrairement à ce qui était entrepris auparavant, ministère par ministère. Une première.

Travailler sur la jeunesse la plus en difficulté repose avant tout sur le développement d'une approche globale. Malheureusement et malgré plusieurs axes de travail sur des formes d'orientation sociales, tous les résultats n'ont pu être mis en œuvre puisque les budgets ont été limités. Parfois aussi, on a pu subventionner des dispositifs qui relèvent plus du gadget que d'un apport pertinent. Mais c'est un risque à prendre que d'expérimenter.

Dans ce contexte, l'entreprise a pris de plus en plus de place dans la chaîne de l'insertion professionnelle, du moins souhaite-t-elle y jouer un rôle important. Est-ce une solution pertinente ?

Il faut reconnaître que de nombreux acteurs de l'entreprise ont « des choses à dire » là-dessus et souhaitent participer à cette question. D'autant plus que le rapport de force est de leur côté en ce moment. Mais reconnaissons aussi que les entreprises sont très promptes à émettre, et de manière persistante, des critiques vis-à-vis de l'école et de la formation.

Je rappelle seulement que la vocation de l'école est de former des citoyens : "On ne sait pas ce qu'est le travail avant d'avoir travaillé."

Les entreprises doivent accepter ce temps de formation et d'adaptation. Néanmoins, leur rôle dans l'accompagnement est indéniable. En retour, en s'ouvrant à une plus grande mixité, elles deviennent plus compétitives.

L'insertion professionnelle peut-elle passer par une politique active de soutien des jeunes pour encourager l'esprit d'entreprendre ?

L'insertion sociale par l'entrepreneuriat relève davantage de discours que de faits. Elle ne représente pas grand-chose aujourd'hui, car créer son entreprise, la rendre rentable et la développer est particulièrement difficile pour les jeunes moins dotés de diplômes et décrocheurs. Leur environnement rend l'initiative plus compliquée.

Il vaut mieux soutenir des actions qui leur permettent un accès à l'emploi et à la formation. Et si rien n'est fait dans ce sens, nous observerons des quantités de jeunes délaissés, entraînant un risque de désespérance.

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