[Insertion 1/7] David Kimelfeld : "L'insertion doit être un levier d'attractivité"

En récupérant, en 2015, la compétence sociale du département du Rhône, la métropole de Lyon s'est lancée dans une politique active de soutien au développement d'une ville inclusive afin de lutter contre l'exclusion et la fracture sociale des publics fragiles. Dans ce grand millefeuille, l'insertion est devenue l'un des enjeux forts de la collectivité dont son président, David Kimelfeld, certifie l'idée qu'en accompagnant les publics fragiles vers un emploi ou l'entrepreneuriat, cela contribue à la dynamique du territoire. Début de notre série consacrée à l'insertion, quelques jours avant la conférence "Bienvenue dans l'économie inclusive", qu'Acteurs de l'économie-La Tribune organise, en partenariat avec la métropole de Lyon, le 2 mai au Campus Saint-Paul de l'UCLy.
(Archives)
(Archives) (Crédits : Laurent Cerino/ADE)

ACTEURS DE L'ECONOMIE-LA TRIBUNE. À l'intérieur de la compétence sociale, la Métropole entend soutenir activement le champ de l'insertion. Dans cette optique, vous avez adopté le Programme métropolitain d'insertion pour l'emploi 2016-2020 (PMI'e). Quel est le sens de cet engagement ?

DAVID KIMELFELD. Lorsque le Grand Lyon est devenu Métropole, nous ne possédions pas les compétences dans ce domaine ni la prétention de les connaître. Nous étions déjà engagés sur ce volet du social, mais pas autant que nous le sommes à l'heure actuelle. Pour bien appréhender cette problématique, nous avons donc voulu établir une feuille de route commune avec l'ensemble des acteurs du domaine (élus, usagers, organismes, entreprises, etc.) possédant une expertise et dont l'engagement est quotidien.

Une large concertation a eu lieu. Il était essentiel de s'appuyer sur leur expertise, leur connaissance des points forts et des manques du territoire pour construire un projet adapté. Nous avons voulu considérer l'insertion non comme une charge pour la collectivité, mais, au contraire, comme une ressource économique, comme un levier d'attractivité. Une nécessité pour tout le territoire qui, je crois, a convaincu tout le monde. Le PMI'e est voté pour plusieurs années et va monter en charge progressivement.

L'insertion peut-elle être considérée comme un marqueur identitaire pour l'agglomération ainsi qu'un moteur singulier d'attractivité ?

Une métropole dynamique attire les talents. Mais, elle compte aussi de nombreuses personnes en recherche d'activité qui ne disposent pas des compétences suffisantes et qui peuvent être éloignées de l'emploi. Nous avons donc mission de répondre au plus grand nombre, à tous. Des réponses qui passent par une politique inclusive forte. Ce qui en fait un facteur d'attractivité pour le territoire.

Nous avons aujourd'hui 50 000 allocataires du RSA, il nous faut ramener le plus possible d'entre eux vers l'emploi et c'est ce que nous avons commencé à faire avec le PMI'e et la « charte des 1 000 » entreprises pour l'insertion.

De façon plus concrète, l'idée est de faciliter l'accès à l'entreprise des publics qui en sont le plus éloignés tout en développant l'offre de service proposée aux entreprises de notre territoire en termes de ressources humaines, que ce soit par de l'emploi ou le recours à des structures de l'économie sociale et solidaire et de l'insertion par l'activité économique (IAE).

En soutenant activement une politique sociale sur le territoire, la métropole de Lyon entend-elle devenir à la fois une collectivité exemplaire en matière de ville inclusive ? Un laboratoire d'expérimentations ? Ou tout simplement, remplit-elle son rôle comme toute métropole doit le faire ?

Avant d'être exemplaire, nous voulons d'abord répondre aux besoins et ne pas être contradictoire, car favoriser la mixité sociale reste un facteur de bien-être pour une collectivité. Il n'est ainsi pas sain de laisser des personnes en situation précaire, sans emploi ni formation. Ces conditions peuvent engendrer des tensions. Tous les acteurs ont pris conscience de ces enjeux et c'est notre rôle, en tant que Métropole, d'apporter cet équilibre entre l'attractivité du territoire et l'attention portée aux publics fragiles. En remplissant cette mission, nous nous devons de n'oublier personne.

Quels effets économiques et sociaux souhaitez-vous obtenir en prônant une politique d'insertion dynamique ?

Il existe de multiples intérêts à soutenir l'insertion, mais deux en particulier sont fondamentaux. Les dépenses sociales annuelles pour la collectivité sont en augmentation, il est donc plus raisonnable de pousser les personnes bénéficiaires de ces aides à retrouver une activité économique. Cela représentera forcément - sur la durée d'un mandat - une économie pour la collectivité. De plus, certaines filières rencontrant des difficultés à recruter, nous voulons faire en sorte que les entreprises puissent trouver des réponses à leurs besoins. Il en va de l'équilibre social et économique du territoire, des acteurs et des bénéficiaires.

Orienter certaines personnes vers l'entrepreneuriat peut-il s'avérer un outil idoine pour répondre à la question de l'insertion ?

Notre politique économique en matière de soutien à la création d'entreprises a montré son efficacité. Néanmoins, il ne faudrait pas faire un raccourci trop rapide : créer une entreprise ne réglera pas les problématiques d'insertion de la personne qui souhaite entreprendre. Il faut aller bien au-delà avec un accompagnement sur mesure. L'entrepreneuriat est une manière de répondre à la problématique de l'insertion pour celles et ceux qui en ont surtout l'envie, mais restent freinés dans leur action. Notre rôle est de pouvoir leur répondre favorablement en leur offrant l'ensemble des outils disponibles.

C'est la raison pour laquelle, nous sommes en train de développer des antennes de pôles entrepreneuriaux avec espaces de coworking, pépinières, accompagnements dans les communes de Givors, Neuville et La Duchère afin que la question de l'entrepreneuriat soit prise en compte partout et accessible pour tous.

Les entreprises ont compris que jouer un rôle dans le processus d'insertion leur était bénéfique. Leur présence signifie-t-elle un manque d'implication de l'État, une négligence des pouvoirs publics sur cette question ?

Ce n'est pas la raison d'un manque d'implication des différents gouvernements. Je pense plutôt que les entreprises se mobilisent, car elles ont compris les enjeux du soutien à l'insertion et donc du rôle qu'elles peuvent jouer. Notamment pour combler les problématiques de recrutement dans leur filière, mais aussi pour développer une politique RSE au sein de leur structure. Engagement aujourd'hui essentiel.

"La profusion des dispositifs d'insertion conduit à une illisibilité", souligne François Sarfati, sociologue du travail et de l'emploi au Centre d'études de l'emploi et du travail. Moins de dispositifs, pour plus d'efficacité, est-ce la solution idéale ?

Je suis d'accord avec lui. La simplification - comme dans n'importe quel domaine - demeure la meilleure des solutions. Trop de dispositifs conduit à une incompréhension pour l'usager final.

Quelle est la politique d'insertion idéale pour une collectivité ?

Une politique d'insertion efficace se révèle prioritaire pour une collectivité, mais pour qu'elle soit pertinente et singulière, elle doit pouvoir répondre, en amont, à trois cibles : les personnes très éloignées de l'emploi en les accompagnant vers le retour à l'emploi ; celles qui se trouvent à l'intermédiaire et que nous devons mieux orienter ; enfin les personnes qui sont très près de l'emploi et n'ont besoin que d'un coup de pouce. Suivant les profils, la politique d'insertion est différente pour qu'elle réponde au mieux aux attentes avec un accompagnement et une formation adaptés. L'emploi seul ne suffit pas.

Quelle sera la métropole de 2030 ?

La métropole de Lyon a montré, en transformant ses institutions au 1er janvier 2015, qu'elle savait s'adapter à la nouvelle géographie mondiale. Forte de ses nouvelles compétences héritées de l'ancien département, elle doit inventer des synergies, des croisements entre politiques sociales et insertion d'un côté, et politiques de développement économique, urbanisme et transport de l'autre. Nous savons qu'il existe le risque de voir les inégalités se creuser entre le centre et la périphérie.

L'un de nos enjeux pour 2030 est de continuer à rendre la métropole attractive, d'accueillir plus de sièges sociaux et en même temps de développer notre capacité d'attention aux plus fragiles. Enfin, un autre défi reste de continuer le développement urbain du territoire tout en ayant constamment le souci d'un environnement durable. Car les enjeux du développement durable constituent notre deuxième grand défi.

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