Philippe Barret : "Le groupe Apicil a racheté toutes ses cibles prioritaires"

Bouleversé par des évolutions normatives, le monde de l'assurance et de la prévoyance s'est fortement réorganisé depuis ces cinq dernières années. Dans cet univers en mouvement et ultra-concurrentiel, le groupe Apicil, à coup d'agilité et de stratégie de conquête, a su tirer son épingle du jeu. Désormais détenteur de la taille critique nécessaire pour défendre et assumer son indépendance revendiquée, le lyonnais s'engage dans un nouveau plan stratégique à quatre ans, Défis 2020. Entretien avec Philippe Barret, directeur général.

Acteurs de l'économie-La Tribune : En 2011, à votre arrivée à la tête du groupe comme directeur général, vous avez lancé le plan Convergences, parvenu à son terme fin 2016. Quel bilan en tirez-vous ?

Philippe Barret : En résumé, nous avons réalisé tout ce que nous avions prévu. Un des fils rouges du plan Convergence 2016 a été la mise en place d'un système de management intégré des risques. Une démarche qui s'est concrétisée, en juin 2015, par l'obtention de la certification ISO 9001 et EN 15838 pour l'ensemble des activités du groupe.

Nous sommes le seul groupe de protection sociale à avoir cette certification. C'est très important, car elle garantit notre engagement en matière de qualité de service et d'amélioration de la satisfaction de nos clients.

Une démarche engagée pour conserver et gagner des clients : le développement été un autre axe fort du plan. Là aussi, nous considérons que les succès ont été nombreux : + 40 % de croissance en 2016 avec un chiffre d'affaires de 2,3 milliards d'euros en assurance de personne.

Lire aussi : Apicil : un bilan 2016 positif

Comment expliquez-vous cette croissance exponentielle sur un marché déjà mature ?

Notre croissance organique est globalement de 5%. Mais ce qui fait notre singularité, c'est notre croissance externe. Ce ne sont pas de simples rapprochements au sein du monde mutualiste ou paritaire, mais de véritables acquisitions de sociétés.

Pendant toute la durée du plan, nous avons réalisé 4 opérations d'acquisitions : Coparc, Intervie, Skandia (devenue Intencial Patrimoine) et la branche française de Legal & General au 1er janvier 2016 (devenue Gresham).

Nous avons également renforcé nos activités avec Miel, la mutuelle du groupe Casino à Saint-Etienne et la mutuelle du BTP dans le sud-est et dans le nord. Cet ensemble nous a permis d'augmenter notre volume d'activité, soit 1 milliard d'euros de cotisations.

Êtes-vous toujours dans une phase d'acquisition ?

Nous n'avons pas d'opérations significatives dans les tuyaux. Nous cherchons d'abord à stabiliser nos acquisitions. Nous avons déjà racheté toutes nos cibles prioritaires, mais nous n'excluons pas d'évaluer les opportunités du marché.

C'est envisageable, car nous ne prônons pas un modèle de fusion classique avec une absorption des entités acquises. Je nous compare à une marguerite : un cœur, la SGAPS du groupe, avec des pétales indépendants, ses membres. On peut aisément y ajouter un pétale supplémentaire, que ce soit sur une zone géographique, un modèle de clientèle ou un mode de distribution. Le nouveau pétale s'arrime à la fleur, qui peut continuer de fonctionner comme avant. Ainsi, ce modèle peut permettre de raccrocher de nouvelles entités, sans trop de difficultés.

Cependant, nous ne nous intéresserions qu'à ceux qui viendraient harmonieusement compléter notre dispositif. Il n'est pas question, au vu des règles de solidarité financière qui unissent chacune de nos entités, d'aller ramasser les canards boiteux.

Pourtant, les mouvements se multiplient chez les mutualistes paritaires pour pouvoir répondre aux exigences des critères de gestion des retraites complémentaires ?

Nous sommes à l'écart de ces mouvements. L'accord du 13 mars 2013, relatif aux retraites complémentaires, enjoint les petits groupes gestionnaires de retraite complémentaire, dont nous faisons partie, à se rapprocher pour pouvoir continuer à fonctionner. Or, les fédérations Agirc-Arcco ont considéré que nous affichions des performances de gestion et de coût supérieures à la moyenne. Et que nous étions capables, seuls, de gérer notre part, comme les grands acteurs du secteur de la retraite complémentaire.

Vous réaffirmez donc votre indépendance ?

Oui, c'est définitif, c'est un des acquis du plan précédent. Si la question pouvait encore se poser il y a 5 ans, elle n'est plus d'actualité. Nous avons démontré notre capacité à nous développer plus vite que le marché tout en gardant un haut niveau de solvabilité positif. La gouvernance ne se pose plus la question. Le Groupe Apicil continue donc de tailler sa route et reste maître de son destin. C'est quelque chose qui perdurera encore.

Vous entrez ainsi dans une autre phase de développement qui s'inscrit dans un nouveau plan, Défis 2020. Quelles en sont les grandes orientations ?

En 5 ans, nous avons changé d'ère et de dimension. Même si nous sommes plus gros qu'il y a 5 ans, nous souhaitons rester agiles et garder nos caractéristiques, celles qui ont fait notre succès. Nous continuons ainsi à mettre le client au centre de nos réflexions, c'est notre signature relationnelle, une intimité avec nos clients qui implique proximité, fidélité et confiance.

La partie "dé" du plan signifie "développement rentable". Le "f" et le "i" symbolisent le fonctionnement et l'identité. Ce sera tout l'enjeu du plan à l'horizon 2020 : faire fonctionner ensemble, au nom de l'agilité et de la proximité avec nos clients, un groupe à la culture commune, tout en conservant une pluralité d'employeurs et d'identité. C'est la marguerite à laquelle j'ai déjà fait référence.

L'autre enjeu, c'est conserver l'autonomie de chacun tout en menant des synergies de coûts et de développement pour être plus efficace.

Et en matière d'activité au sens large ?

Nous restons sur l'assurance de personne. Mais nous allons mettre l'accent sur la retraite supplémentaire. L'environnement règlementaire est favorable : il sera possible de créer des fonds de retraite professionnels supplémentaires (FRPS).

Aujourd'hui, elle ne représente que 25 millions d'euros de collecte sur nos 1 milliard d'assurance-vie collectée. Nous voulons atteindre les 100 millions d'euros de collecte d'ici 2020.

Nous allons également créer une société de gestion d'actif à la fin de l'année 2017 pour pouvoir davantage nous frotter au marché. L'idée est aussi de ne plus nous limiter aux fonds en euros mais de réorienter nos contrats vers les unités de comptes, aux meilleures perspectives de performance et moins gourmands en fonds propres.

Enfin, Apicil, via Gresham, est aussi une banque privée. C'est une nouvelle activité qui servira essentiellement les intérêts de l'assurance-vie. Nous travaillons actuellement à un plan de développement. L'objectif n'est pas de faire une banque à compte courant ou à crédits immobiliers.

Ce plan confirme-t-il également votre ancrage régional ?

C'est un de nos éléments de succès, et un de nos fondamentaux qui ne bouge pas non plus. Les conseils d'administration sont très attachés au fait qu'Apicil soit une entreprise dont le siège est à Lyon.

Il est important pour eux, et cela continuera, que les emplois restent principalement dans la région et que les décisions se prennent d'ici, même s'il est indispensable d'être présent sur tout le territoire français et qu'un petit développement se fait à partir du Luxembourg (NDRL : suite au rachat des activités de Skandia dans le pays).

Il est également important que les retombées économiques soient tournées vers la région et que nos actions sociales irriguent ce territoire. Ce sont chaque année 15 millions d'euros que nous consacrons à cette action sociale à but essentiellement philanthropique. Nous n'attendons rien en retour, si ce n'est la satisfaction d'avoir fait du bien et un bénéfice d'image.

Nous sommes également attentifs à investir le plus largement possible dans l'économie réelle. Pour la financer comme pour avoir de meilleurs rendements. Parmi nos sous-poches d'actifs, nous avons le fonds Apicil Proximité, destiné à soutenir les entreprises rhônalpines qui ont le projet de développer l'emploi dans la région. Nous sommes également le principal souscripteur du Fonds Régional d'Investissement (FRI) de la région Auvergne-Rhône-Alpes destiné à soutenir les entreprises en retournement, aux difficultés momentanées. C'est plutôt un succès : pour le moment, aucune n'a définitivement cessé son activité.

Autant d'actions qui s'inscrivent dans le modèle de performance social que vous défendez ?

Social et économique. Nous vivons sur la masse salariale des entreprises. C'est assez légitime, autant que faire se peut, que nos actions permettent aux entreprises d'être plus performantes et donc d'augmenter leur masse salariale.

La question du bien-être au travail, et donc de la performance sociale, a été mise en avant par Apicil, bien avant moi et bien avant que ce soit à la mode. Nous sommes persuadés que le social est un levier de la performance économique.

En interne, comme employeur, nous avons mis en place des choses tout à fait honorables et nous continuons, c'est un chantier qui n'est jamais terminé. Pour l'extérieur, il faut encore prouver, avec des données, que le bien-être des salariés a un impact sur les résultats et la performance.

C'est le sens de la chaire que nous avons mis en place avec l'emlyon. Nous venons de démarcher une vingtaine d'entreprises pour passer à la phase d'étude et d'analyse. Nous attendons les premiers résultats d'ici un an. Cela reste un élément important au cœur de la stratégie de demain.

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