Jacques Fayolle : "Télécom Saint-Etienne doit répondre aux besoins des entreprises"

Reconduit à la tête de Télécom Saint-Etienne pour un mandat de cinq ans, Jacques Fayolle entend faire de l'école d'ingénieurs stéphanoise un acteur régional de référence dans le domaine des technologies et des usages du numérique, dans l'optique prioritaire de répondre aux besoins en compétences des entreprises. Pour y parvenir, celui qui est également vice-président de la Conférence des directeurs d'écoles françaises d'ingénieurs (CDEFI), compte notamment atteindre la taille critique de 800 étudiants et porter la marque Télécom au sein du pôle ingénierie de l'Idex université de Lyon.
Jacques Fayolle : "La recherche est fondamentale, mais ma priorité principale est de répondre aux besoins de compétences des entreprises".

Acteurs de l'économie : Vous venez d'être reconduit à la direction de Télécom Saint-Etienne, l'école d'ingénieurs en nouvelles technologies de l'université Jean-Monnet (Saint-Etienne). Quel bilan peut-on dresser de votre premier mandat à la tête de l'établissement ?

Jacques Fayolle. Si je devais le résumer en une phrase, je dirais que Télécom Saint-Etienne est devenue un acteur clairement identifié dans le paysage académique régional. Nous sommes désormais consultés sur un certain nombre de sujets, en particulier sur le numérique en lien avec les entreprises. Dans les cinq prochaines années, je souhaite que l'école passe d'un statut d'acteur reconnu à celui de référent dans son domaine.

Pour mentionner quelques chiffres, lors de mon mandat précédent, Télécom Saint-Etienne a vu croître le nombre de ses étudiants de 450 à 600, et celui de ses effectifs (enseignant et administratif) de 61 à 75. Dans le même temps, nous avons réussi à améliorer la qualité du recrutement des étudiants en amont. Pour chacun des deux concours (post-bac et prépa), nous avons significativement réduit le rang du dernier intégré. Le placement professionnel des élèves s'est également amélioré : le salaire à première embauche a progressé de 8 % entre 2012 et 2016.

L'offre de cursus a également été développée...

Sur le mandat qui s'achève, le nombre de diplômes que nous délivrons est passé de trois à sept. Dans le cadre de notre stratégie de diversification, nous avons créé des diplômes de spécialité autour de nos cursus centraux : la Design tech académie qui forme gratuitement 25 personnes en difficulté dans les domaines du développement web et des applications, un master design de communication et le diplôme universitaire (DU) Supmediaweb qui forme aux nouveaux métiers du web et des médias. Le petit dernier est un DU dans le domaine de la gestion de l'innovation mixant les publics en formation initiale et en formation continue.

Pour chacun de ces cursus, nous mettons en œuvre la même philosophie, à savoir créer des diplômes qui soient capables de fonctionner de manière autonome, tant du point du vue du recrutement que des moyens financiers.

L'école a-t-elle progressé dans les classements ces dernières années ?

Globalement, les classements distinguent trois groupes d'écoles. En cinq ans, nous sommes passés du troisième groupe au ventre mou du deuxième groupe. Notre ambition d'ici cinq ans est d'atteindre la tête du deuxième groupe, sachant que le premier est généralement réservé aux établissements parisiens. (Selon le classement 2017 de l'Usine nouvelle, l'école ligérienne se classait au 85e rang, NDLR).

Votre premier axe stratégique pour le mandat à venir est de passer de 600 à 800 étudiants. Pourquoi ?

La taille critique de 800 étudiants est ambitieuse mais elle me paraît réaliste. Il s'avère que, dans une certain nombre de rapports, le ministère de l'Enseignement supérieur mentionne régulièrement ce seuil de 800 étudiants. Il assure une certaine forme de reconnaissance au niveau national.

Comment comptez-vous y parvenir ?

Nous avons plusieurs cibles. Tout d'abord, l'accroissement des effectifs de nos diplômes existants. Nous allons optimiser les process en interne pour pouvoir être en mesure de gérer un plus grand nombre d'étudiants dans nos cursus.

Puis, comme on n'attire pas les mouches avec du vinaigre, nous allons proposer des parcours qui intéressent à la fois les jeunes et les entreprises. Or, aujourd'hui, le public étudiant a une forte appétence pour la gestion des données numériques et cela correspond à un besoin des entreprises. Nous allons donc créer une formation dédiée en apprentissage qui accueillera 20 élèves sur trois ans, soit 60 étudiants supplémentaires.

Le troisième levier pour accroître nos effectifs est le rayonnement à l'international de l'école et sa capacité à attirer des étudiants étrangers. Le fait que l'école soit identifiée nous permet aujourd'hui d'avoir de la mobilité entrante. L'objectif est que cela représente 15 % de nos effectifs, soit une cinquantaine d'étudiants.

Et au niveau budgétaire ?

Nous voulons un million d'euros de plus à la fin de la mandature, pour passer d'un budget de 1,7 à 2,7 millions d'euros. Pour cela, nous comptons sur le soutien de nos structures de tutelle, sur le développement de l'apprentissage, de la mobilité entrante, de la taxe d'apprentissage...Cette rallonge nous permettra d'embaucher 12 enseignants-chercheurs supplémentaires ainsi que six administratifs.

Télécom Saint-Etienne peut-elle se faire une place face à la concurrence régionale en matière d'écoles du numérique ?

Nos deux principaux concurrents sont l'Insa de Lyon et l'Ensimag à Grenoble, mais chacun à ses propres spécificités et il y a de la place pour tout le monde. Quand la présidence de la Région affiche comme ambition de faire d'Auvergne Rhône-Alpes une "Silicon Valley" avec à la clé la création de 5 000 emplois (plus de 6 000 emplois seraient non pourvus pour la filière numérique, NDLR), on se dit que l'on ne sera pas de trop pour y parvenir. Et nous contribuerons à notre mesure à cet effort.

Lire aussi : Filière numérique : les leçons du 2e observatoire en Auvergne-Rhône-Alpes

Quid du projet d'Ecole 101, la formation dédiée aux métiers du code lancée par la région Auvergne-Rhône-Alpes avec l'aide de l'Ecole 42 de Xavier Niel ?

La future Ecole 101 ressemble fort à notre formation Design tech académie. A ceci près que notre approche est plus ouverte, notamment en matière de recrutement des étudiants. Quand on regarde bien, beaucoup d'élèves de l'Ecole 42 (qui a inspiré le modèle de l'école 101, NDLR) sont déjà diplômés.

Lire aussi : Xavier Niel va parrainer l'école de codeurs du campus numérique

Vous réaffirmez le positionnement stratégique de Télécom Saint-Etienne comme établissement spécialisé et non généraliste. N'y a-t-il pas un risque de limitation des possibilités de l'école ?

Si aujourd'hui nous sommes identifiés comme école de spécialité dans le domaine des télécoms, alors nous devons continuer de creuser notre sillon. D'autant que le secteur du numérique le permet dans la mesure où il est pourvoyeur d'emplois. Nous positionner comme généralistes risquerait de diluer l'image de l'établissement. Nous ne souhaitons pas pour autant fonctionner en vase clos. Nous allons chercher des ouvertures dans d'autres domaines tels que le design ou le management dans le cadre de doubles diplômes.

Votre plan de mandat parle peu de recherche. C'est manifestement un sujet délicat. Pourquoi ?

En effet, il n'y a pas d'objectif explicite en matière de recherche dans mon programme. La recherche est fondamentale, mais ma priorité principale est de répondre aux besoins de compétences des entreprises. En tant que directeur d'une école d'ingénieurs, je pense d'abord à la formation des jeunes. Personnellement, je ne crois pas que nous puissions aspirer à devenir une "Silicon Valley". Pour notre territoire, attirer des compétences sur la seule recherche est un pari difficile.

Votre équipe de direction rapprochée demeure inchangée. Toutefois, vous avez confié la direction du développement et de l'innovation à Christophe Gravier. S'agit-il d'une création de poste ?

Oui et non. Il y a cinq ans, j'étais directeur du développement de l'établissement, mais le poste a disparu au moment de ma prise de fonction en tant que directeur. J'ai tenté de recréer le poste sur fonds propres au cours du premier mandat, mais sans succès. C'est une fonction importante, notamment face aux défis qui vont se présenter dans le cadre de l'Idex. Nous ne serons pas trop de deux pour défendre Télécom Saint-Etienne. Par ailleurs, Christophe Gravier est un universitaire qui se positionne sur le sujet-clé de la big data.

Justement, quelle place pour Télécom Saint-Etienne au sein de l'Idex université de Lyon ?

Je souhaite que l'école se positionne dans un ensemble cohérent autour de l'ingénierie, car nous sommes d'abord une école d'ingénieurs avant d'être une structure universitaire. Je souhaite également que nous portions la marque Télécom au sein du pôle ingénierie de l'Idex, cela au travers du renforcement des liens avec l'Institut Mines Télécom. Il va falloir que l'on se batte, que l'on soit volontariste. Car si l'on attend qu'on nous dise où nous placer, il y a de fortes chances de ne pas obtenir satisfaction. Etant basés à 60 kilomètres du centre de décision nous risquerions d'être satellisés.

Lire aussi : L'Université de Lyon obtient l'Idex

Quels sont vos liens avec la French tech - Design tech stéphanoise ?

Un certain nombre d'acteurs de la Design tech font partie du conseil de gouvernance de Télécom Saint-Etienne. Et, personnellement, je représente les acteurs académiques dans les instances de pilotage de la Design tech.

Notre école participe à deux groupes de travail. Le premier vise à mettre en place un dispositif, baptisé Format boost, dont l'objectif est de proposer aux startups du territoire des formations courtes ad hoc sur des sujets tels que le big data, le travail collaboratif ou les nouveaux modèles économiques. Nous travaillons sur ce projet avec l'école des Mines et le campus stéphanois d'emlyon. Il sera opérationnel à la rentrée 2017.

Le deuxième chantier sur lequel nous œuvrons est la mise en place des indicateurs de mesure de l'activité de la French tech - Design tech. Un groupe d'étudiants de l'école planche actuellement sur la définition et la collecte de ces indicateurs (création d'emplois, chiffre d'affaires généré, labellisations...). Cela nous occupe depuis près de six mois.

Lire aussi : Juliette Jarry : "Nous devons parler d'une French Tech Auvergne-Rhône-Alpes"

Télécom Saint-Etienne a intégré en janvier 2015 la plateforme Iram (International Rhône-Alpes médias), dont l'existence était chaotique depuis sa création deux ans plus tôt. Avez-vous réussi à lui donner un second souffle ?

Iram est aujourd'hui une marque portée par Télécom Saint-Etienne qui déploie des formations initiales, continues et des projets innovants sur les usages numériques. Depuis son intégration à notre école, le chiffre d'affaires d'Iram est passé de quasiment zéro à 170 000 euros. Il y a de l'activité, même si la marge de progression est encore très grande. En juillet, la plateforme Iram emménagera dans le bâtiment de Télécom Saint-Etienne afin de faciliter son intégration dans nos cursus et lui permettre de rayonner davantage au cœur du campus.

Vous êtes par ailleurs vice-président de la Conférence des directeurs d'écoles françaises d'ingénieurs (CDEFI). Quels enjeux majeurs percevez-vous pour la formation des ingénieurs de demain ?

D'une manière générale, on observe une triple transition : numérique, énergétique et environnementale, qui s'inscrit au cœur de l'industrie du futur. Nous devons donc proposer des formations qui répondent à ces problématiques. Dans ce contexte, la CDEFI a rencontré les équipes des candidats à la présidentielle auprès de qui nous avons défendu la position des écoles d'ingénieurs. Nous voulons notamment augmenter de 50 % le nombre d'ingénieurs diplômés au cours du quinquennat et faire des écoles d'ingénieurs le fer de lance de la compétitivité industrielle. Nos établissements sont certes des petits objets, mais agiles, réactifs et porteurs d'innovation.

Sujets les + lus

|

Sujets les + commentés

Commentaire 1
à écrit le 13/05/2017 à 10:32
Signaler
Une ambition à la hauteur des enjeux de développement et de rayonnement du numérique, du design et de la French Tech du pôle Stéphanois. Il sera largement soutenu par la collectivité et les acteurs économiques.

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.