Olivier Exertier : "Le cancéropôle Clara doit s'ouvrir davantage aux entreprises"

Auvergne Rhône-Alpes compte parmi les régions les plus avancées en matière de recherche contre le cancer avec un écosystème structuré et reconnu tant sur le plan national qu'européen. C'est donc dans cet environnement qu'Olivier Exertier a pris la responsabilité du cancéropôle Clara, organisme qui fédère et valorise les acteurs privés et publics du secteur, en septembre 2016, dans l'optique de consolider la structure et de la développer auprès, entre autres, des entreprises.

Acteurs de l'économie-La Tribune. Vous êtes arrivé en septembre 2016 au poste de secrétaire général du cancéropôle Clara, remplaçant Amaury Martin parti pour prendre la direction de la valorisation à l'Institut Curie. Quelles missions vous ont confiées vos trois présidents : Jean-Pierre Claveranne de la fondation Bullukian, Véronique Trillet-Lenoir qui préside le comité de direction et Thierry Philip, le comité exécutif ?

Olivier Exertier. Mon prédécesseur a fait un travail de restructuration tant sur la rationalisation du cancéropôle, que sur sa performance. Des process ont été mis en place et aujourd'hui, nous sommes arrivés dans une phase où nous devons redévelopper le Clara.

Pour y parvenir, les chantiers sont nombreux, en particulier sur la structure elle-même. Je travaille à court terme sur une simplification de la gouvernance composée, actuellement, d'un réseau d'acteurs complexes et nombreux (collectivités, centres de recherche, entreprises, fondations et associations, et hôpitaux). Nous devons ainsi passer de six instances à trois. De plus, dans le but de faciliter les levées de fonds, le modèle juridique de la structure va évoluer. Le cancéropôle Clara est hébergé dans la fondation Bullukian et nous devrions choisir un schéma de fondation abritée au sein de celle-ci. Car malgré l'appui des pouvoirs publics, leur financement a tendance à se réduire alors que nous souhaitons soutenir davantage de projets. A nous d'aller chercher des ressources ailleurs.

Le Clara a la mission d'accompagner des projets dans la lutte contre le cancer. Quel bilan faites-vous de l'année 2016 ?

Dix-neuf projets ont ainsi été financés pour un montant de 1,9 million d'euros. Le Clara a aussi fourni des contributions pour le projet d'Idex de Lyon notamment sur l'École de cancérologie, ainsi que pour le Schéma régional d'enseignement supérieur de recherche et d'innovation (SRESRI 2017-2021).

Afin de les accompagner, nous avons trois grands dispositifs que nous souhaitons renforcer davantage. Nous pouvons ainsi financer à hauteur de 40 000 euros pour un projet du programme "Emergence" à 400 000 euros sur "Preuve du concept". Pour le premier, nous soutenons de jeunes chercheurs sur des thématiques émergentes dans le but de préparer le futur de la recherche. Sur "Projets structurants", nous identifions des thématiques à forts enjeux et finançons par exemple des chaires de recherche. Et avec "Preuve du concept", nous finançons des équipes de recherche qui s'inscrivent dans une logique industrielle afin de passer du brevet à la licence. Un dispositif phare du Clara par lequel nous avons levé, depuis sa création, 16 millions d'euros de fonds publics face auxquels les partenaires privés ont ajouté 30 millions d'euros.

Derrière, l'effet de levier est encore plus fort puisque les entreprises ayant participé à ce dispositif ont levé plus de 320 millions d'euros. Enfin, lorsque certains projets ont des perspectives plus importantes d'internationalisation notamment, nous travaillons avec Lyonbiopole pour les orienter vers les guichets nationaux.

Le Clara dispose-t-il de moyens suffisants pour mener à bien ses missions ?

Il bénéficie d'un budget global de quatre millions d'euros. Notre fonctionnement et travail d'animation scientifique est couvert par le financement de l'Institut national du cancer. Ce que nous souhaitons, en revanche, c'est augmenter le financement des projets en levant des fonds par différents canaux : auprès de partenaires industriels sous la forme de mécénat par exemple ou de partenariat sur projet ; auprès des mutuelles intéressées par des programmes de prévention.

Mais également auprès de fondations et associations tournées vers la lutte contre le cancer comme l'Arc, et la Ligue contre le cancer. Enfin, nous aimerions en collecter auprès du grand public en imaginant un partenariat avec des organismes dont c'est le métier. Ce que nous ne savons pas faire aujourd'hui.

Vous souhaitez accélérer votre soutien en menant en parallèle le développement du cancéropôle. Pour réaliser ces chantiers, quel est votre calendrier ?

Rapidement, nous allons écrire notre nouvelle feuille de route pluriannuelle 2018-2022, en vue de la contractualisation avec l'Inca avec les éléments cités plus haut. Notre volonté est de faire plus dans une période économique difficile, c'est la raison pour laquelle, en multipliant les partenariats avec les industriels, je souhaite augmenter le nombre de projets.

L'ambitieux plan d'actions marque ainsi la volonté du Clara de favoriser dans la durée le transfert des résultats de la recherche vers les entreprises régionales, dans un objectif de développement économique des territoires et aussi, de donner un meilleur accès des malades aux innovations thérapeutiques.

La région Auvergne Rhône-Alpes dispose d'un écosystème structuré dans la recherche contre le cancer avec des spécificités sur les quatre principaux pôles hospitalo-universitaires que sont Lyon, Saint-Etienne, Grenoble et Clermont-Ferrand. Là aussi, dans son rôle d'animateur scientifique, le Clara doit-il renforcer ses missions dans les territoires ? Mais aussi à l'international ?

Notre champ d'actions est régional et nous devons faire en sorte que les animations scientifiques du Clara le soient davantage. Nous sommes encore trop lyonnais. Nous voulons donc être présents sur l'ensemble des territoires notamment à Annecy ou Valence, des secteurs dynamiques, tout en collaborant avec des grands acteurs régionaux qui ont une appétence dans la santé. Ainsi nous discutons avec le pôle Minalogic à Grenoble, membre du comité exécutif du cancéropôle, pour travailler ensemble.

Au-delà de cet aspect, le Clara a aussi une vocation européenne et internationale. Un point sur lequel nous allons aussi axer notre stratégie. A ce jour, il existe une collaboration scientifique et pédagogique historique avec Shanghai que nous allons réactiver en 2017. Et j'en souhaiterais une avec le monde universitaire et médical d'Amérique du Nord.

Le 4 février symbolise la Journée de mondiale contre le cancer. Une maladie qui reste la première cause de mortalité en France malgré les avancées dans la recherche. Quelle est sont évolution ?

Ma vision est celle de manager et non de médecin. Le cancer a basculé dans le champ des maladies chroniques. Désormais, le cancer est une maladie liée à l'individu, ce qui implique de développer des protocoles personnalisés en fonction des personnes atteintes. L'approche de la prise en charge des patients est plus globale et prend en compte d'autres aspects comme la nutrition, l'activité physique, la psychologie, etc.

Lire aussi : Jean-Yves Blay : "La transformation d'un cancer en maladie chronique est à portée de main"

C'est pourquoi, le cancer s'inscrit dans une démarche dite de médecine 4P : préventive (prévenir qu'il y ait de moins en moins de cancers), participative (le patient est acteur de son traitement), personnalisée (vers une meilleure articulation entre le diagnostic et le traitement), et prédictive (identifier là où il y a un risque de cancer). Les cancers sont de plus en plus nombreux mais on le traite de mieux en mieux individuellement, donc les gens en meurent moins ou vivent plus longtemps avec. C'est tout l'enjeu.

La recherche sur le cancer est à l'origine de nombreuses avancées dans le domaine de la santé selon vous...

Avec d'autres également, mais la recherche contre le cancer a eu un rôle novateur qui a essaimé sur différentes disciplines médicales, s'illustrant dans de nombreuses avancées majeures. C'est avec la recherche contre le cancer que l'on a revu  les modèles d'organisation des soins dans les établissements hospitaliers afin de sortir de la logique d'organe. Cela s'est traduit aussi par l'aménagement des hôpitaux, ou encore le développement des nouvelles technologies, de l'imagerie, de la radiothérapie.

Votre profil est distinct de celui de votre prédécesseur Amaury Martin, qui affiche un parcours de biologiste, puisque vous êtes issu du monde du conseil. L'acclimatation est-elle évidente ?

J'ai toujours eu deux champs d'intérêt dans ma vie professionnelle : l'énergie environnementale et la santé. Pendant 15 ans, j'ai travaillé chez Algoé comme consultant et j'ai très rapidement travaillé sur des missions de politique d'innovation dans la santé à savoir la lutte contre le cancer et la lutte des maladies infectieuses. C'est à ce moment que j'ai connu le Clara pour lequel j'ai travaillé en durant deux années. Mon parcours s'est donc fait à l'interface de plusieurs sujets : travailler sur des gros projets d'innovation publics/privés ; dans la lutte contre le cancer ; sur les clusters et réseaux. Je ne suis donc pas scientifique, mais je perçois les enjeux.

Et mon regard de gestionnaire, ma dimension santé marché, me donne la capacité d'animer une équipe de spécialistes et de travailler avec des scientifiques. Il n'est pas question de les challenger sur ce qu'ils connaissent, car ce sont les meilleurs mais de les aider sur d'autres champs sur lesquels ils sont moins outillés comme le marketing, les marchés, les montages financiers, la gouvernance.

Ne pas disposer de ce bagage scientifique, apporte-t-il un autre regard sur le domaine ? Et par conséquences, provoquent-ils des lacunes ?

L'avantage c'est qu'avec Véronique Trillet-Lenoir, nous nous complétons. Naturellement, nous sommes sur nos champs de compétences respectifs. J'interviens là où les médecins-chercheurs ont besoin d'appuis. J'amène cette dimension entrepreneuriale qui existait moins auparavant. Je rencontre des difficultés lorsque les médecines utilisent leur langage scientifique, ce qui semble logique. Néanmoins, en évoluant dans ce milieu, j'ai des repères.

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