Vincent Defrasne  (Fondation Somfy)   :  "Offrir l'opportunité d'aider est un beau cadeau pour les salariés "

Les entreprises mécènes sont de plus en plus nombreuses et généreuses. C'est ce que révèle le baromètre du mécénat d'entreprise de l'association Admical. Derrière chaque acte de mécénat, qu'il soit financier, en nature ou en compétences, se cache la volonté d'un homme ou d'une femme qui veut mettre son outil de production - et un bout de sa fortune - au service du collectif. L'entrepreneur productif se transforme alors en entrepreneur philanthrope. Comment passe-t-on de l'un à l'autre ? Que chercher dans un tel engagement ? Qu'en ressortir d'un point de vue personnel et professionnel ? Vincent Defrasne, ancien champion olympique de biathlon aux Jeux olympiques de Turin (2006), aujourd'hui directeur général de la Fondation d'entreprise Somfy et du fonds de dotation Les Petites Pierres, esquisse le portrait-robot de ces philanthropes d'un genre nouveau, à la veille d'une conférence sur le sujet, qui se tiendra mercredi soir au Musée des Beaux-Arts de Lyon.

Acteurs de l'économie - La Tribune. Comment définiriez-vous la philanthropie ?

Vincent Defrasne. Je dirai qu'elle répond à différentes motivations. Il y a celle qui découle d'une vraie culture altruiste de l'entreprise, impulsée à l'origine par un fondateur, un dirigeant, un entrepreneur et qui se perpétue au fil du temps. Et puis il y a celle qui s'inscrit dans une stratégie d'entreprise, parce qu'il n'est plus concevable qu'une entreprise responsable ne redistribue pas une partie de ses profits. Cela fait partie de ses devoirs.

À la Fondation Somfy, nous sommes un mix de tout cela : nos dirigeants et le conseil d'administration ont la fibre philanthropique tout en s'inscrivant dans une stratégie responsable. À cela s'ajoute une véritable culture interne du don : l'implication des salariés est très importante.

Faut-il obligatoirement être un dirigeant pour être un philanthrope ?

Je me sens entrepreneur alors que je ne suis que salarié de notre Fondation. On peut s'engager autrement, pas uniquement pour être productif, même si c'est l'objectif de l'entreprise. On peut s'engager pour une aventure humaine qui permet de développer des solutions et aider les autres.

Notre fondation ne pourrait pas si bien fonctionner sans les salariés volontaires, qui participent à une cinquante de journées d'actions solidaires dans l'année. Ils sont toujours enthousiastes de se sentir utiles. Et je n'ai aucun complexe à leur demander de l'aide. Je pense qu'offrir l'opportunité d'aider est le plus beau cadeau qu'on puisse faire à des salariés.

Vous êtes passés du sport de haut niveau à une fondation d'entreprise, comment franchir ce cap ?

Après mes derniers Jeux olympiques, à Vancouver en 2010, je voulais donner un autre virage à ma carrière. Mais je voulais m'orienter vers un projet définitivement tourné vers les autres, à l'opposé de ce que je vivais jusque-là. Être un sportif de haut niveau, c'est être, d'une certaine façon, très centré sur soi.

Somfy a toujours été un partenaire privilégié et c'est assez naturellement que j'ai accepté de prendre la tête de cette fondation, dont personne n'avait officiellement la charge à l'époque. J'ai eu la chance de pouvoir m'épanouir au service d'une belle cause.

Quelle cause avez-vous choisi de défendre ?

La lutte contre le mal-logement, en France et dans 9 pays. Notre choix s'est porté sur ceux où les salariés peuvent participer à nos opérations. Nous déclinons essentiellement 3 programmes de soutien grâce à un fonds de dotation, constitué via une plateforme de crowdfunding, Les Petites Pierres, qui met en lumière des projets à soutenir. Nous doublons chaque don versé sur le site : en 3 ans, nous avons collecté 1 million d'euros.

Avec un budget de 3,5 milliards d'euros alloué à leurs actions, en hausse de 25 % comparé à 2014, les entreprises investissent en priorité dans le social, la culture, l'éducation et le sport. Comment expliquer cette hausse ?

Il y a une véritable prise de conscience des entreprises. Elles ont un rôle à jouer d'un point de vue social. Le mécénat permet d'allier des enjeux économiques, l'ADN de l'entreprise, et un engagement sociétal.

Par ailleurs, celles qui n'ont pas encore pris ce chemin, prennent confiance par l'exemple positif que donnent les autres entrepreneurs. Elles sont de plus en plus nombreuses à nous solliciter pour avoir des conseils. Nous partageons volontiers notre expérience.

Quels conseils donnez-vous à ceux qui veulent franchir le pas ?

Il ne faut pas vouloir tout faire. Toutes les causes sont bonnes, mais il faut choisir ses combats sous peine de s'éparpiller et de saupoudrer au lieu d'agir en profondeur. Je conseille aussi de s'impliquer dans des domaines d'actions en lien avec son activité.

Cela permet d'aider précisément selon les besoins et, vis-à-vis de l'extérieur, de facilement faire comprendre pourquoi on s'engage dans ce sens, sans perdre sa visibilité.

À quoi faut-il se préparer ?

À affronter le scepticisme ambiant vis-à-vis de la démarche. Souvent, l'honnêteté de l'homme ou de l'entreprise qui s'engage est remise en cause, accusée de prendre cette posture pour réaliser une opération de défiscalisation ou se construire une bonne image extérieure. Or, s'engager dans une démarche philanthropique coûte bien plus cher que de ne rien faire !

Bien sûr, il y a toujours de mauvais exemples, mais il faut rester concentrés sur son action, communiquer sur ses résultats et non sur des intentions. En France, on a le culte de la richesse cachée, tandis qu'ailleurs, il faut le montrer. Mais les choses évoluent. Et l'entreprise philanthropique est de plus en plus reconnue.

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