Michel Destot : "En politique, il ne faut jamais dire jamais"

L’ancien maire de Grenoble et ex-président de l’Association des maires des grandes villes de France (AMGVF), Michel Destot, sort ce jeudi 16 avril, un livre "Ma passion pour Grenoble" revenant sur ses 19 années passées à la tête de la capitale des Alpes. Aujourd’hui député de la 3e circonscription de l’Isère, il est également président du Conseil national du PS et membre du bureau national.

Acteurs de l'économie : Vous aviez choisi, l'an dernier, de ne pas vous représenter après trois mandats à la tête de Grenoble. Pourquoi écrire ce livre aujourd'hui ? Aviez-vous peur d'une certaine façon que votre bilan ne disparaisse ?

Michel Destot : Il ne s'agit pas de graver les choses dans le marbre, mais de marquer ce qui s'est passé pendant 19 ans : je ne me suis jamais glorifié de détenir le record de longévité en tant que maire et député sur Grenoble. Mais c'est ce qui marque une vie, que ce soit la mienne ou celle de mes concitoyens, qui ont dû me supporter pendant 19 ans. Je rencontre beaucoup de Grenoblois qui m'interpellent dans la rue : il était important que je leur donne un signe de ce que nous avons fait ensemble. Grenoble est une ville peu banale, très insérée par ses universités, son économie, ses entreprises et la composition de sa population, venue du monde entier. Il est donc important de pouvoir restituer ce qui a marché pour la ville, au sein d'un débat national et international.

Pensez-vous que le modèle grenoblois puisse s'exporter ? Et quelles sont ses caractéristiques ?

Nous avons essayé, plus qu'ailleurs peut-être, de faire la synthèse entre le développement économique, la solidarité sociale et le développement durable, avec une ville à taille humaine, mieux maîtrisée sur le plan des déplacements et de l'énergie. Grenoble est certainement la ville qui a été le plus primée, et qui peut devenir une référence pour exporter ce modèle, notamment sur le plan de l'ingénierie grâce à ses entreprises.

Michel Rocard a signé la préface de votre livre : est-ce une manière de porter les sujets grenoblois au niveau national ?

Je préside à Paris un club, Inventer à Gauche, dont Michel Rocard est le président d'honneur. Lorsque la question de la préface s'est posée à l'automne, je voulais éviter le nom de personnes actuellement en fonction... Et je recherchais plutôt un socialiste. Michel Rocard n'était pas de Grenoble, mais il a compris ma volonté qui était d'articuler le local et le global.

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Vous souhaitez à travers ce livre développer un bilan de votre action au cours des 19 années passées : quelle est la teneur de ce bilan ? Quelles sont vos principales réussites ?

Ce dont je suis le plus fier, c'est la politique de la ville : d'entrée de jeu, j'ai souhaité pour les quartiers sud comme Teisseire, Mistral ou Villeneuve, que nous ayons un engagement de renouvellement urbain pour éviter les fractures, les ruptures, et une ville à deux vitesses avec des zones qui auraient pu être déclassées. Le revers de la médaille, c'est que nous n'avons pas suffisamment réussi, au niveau de l'agglomération, à obtenir une politique équilibrée en matière de mixité sociale. Il ne suffit pas de reconstruire, même des équipements socio-culturels, il faut aussi qu'il y ait une répartition des populations pour assurer la mixité. Il faut donc travailler à l'échelle d'un territoire plus grand, au niveau de l'aire urbaine.

Les gros équipements, que vous citez régulièrement, sont-ils une pièce maîtresse pour y parvenir ?

Oui car cela donne du sens, des lieux de rencontre, et de rassemblement populaire. Quand nous faisons un stade, nous le faisons pas uniquement pour regarder des personnes qui jouent au foot : mais aussi pour se retrouver. Mes plus beaux moments ont été ainsi de petites choses, comme l'inauguration de la Maison de la culture, la cité scolaire internationale ou de la patinoire... Car si j'ai voulu ces équipements pour ma ville, c'est un peu l'élitisme pour tous. Il est très important que l'on puisse rechercher la qualité à travers la culture, le sport, l'éducation. Tout le monde a droit au beau.

Vous avez fait du développement économique un fer de lance de vos mandats : Eric Piolle a notamment signifié son souhait de réduire la construction, selon lui trop présente à Grenoble, ainsi que les liens avec le milieu des nanos et de la recherche, qu'il considère comme trop étroits. Avez-vous peur pour l'héritage grenoblois ?

J'espère que non, mais je l'entends dire très fortement, à l'occasion de rencontres avec des acteurs du monde économique que j'ai pu avoir depuis un an. Il est vrai que les inquiétudes sont nombreuses. Mais mon livre n'est pas un ouvrage polémique, ou de règlements de comptes : cela n'a jamais été mon style. C'est un livre de valeurs et de convictions que j'ai voulu affirmer. C'est la dynamique qui m'importe, et il faut qu'elle se poursuive sous une forme nouvelle, avec des gens nouveaux, afin d'emmener un cercle vertueux. Mais il est certain que ceux qui préfèrent le « small is beautiful » ne sont pas dans la même dynamique, car l'on va nécessairement vers moins de logements, moins de consommation, ce qui n'est pas un cercle vertueux.

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Vous vous décrivez régulièrement comme un alpiniste : la montagne est-elle un facteur déterminant pour diriger une ville alpine comme Grenoble ? Faut-il être amoureux des montagnes pour comprendre l'écosystème grenoblois ?

Grenoble est la plus grande ville des Alpes, située au cœur des montagnes. Cela donne donc un environnement particulier, où il devient plus difficile d'organiser les déplacements et l'habitat, puisque le foncier y est plus cher et plus rare. Malgré ces contraintes supplémentaires, c'est aussi une chance car les montagnes attirent des gens qui ont de la personnalité, le goût de l'effort. Quand nous sommes menacés et que les rochers ou les glaciers sont devant vous, on ne peut pas s'abandonner : et il est vrai que Grenoble a attiré, grâce à ce milieu exigeant, des personnalités particulières, sportives et qui ont le goût d'entreprendre.

L'an dernier, vous aviez décidé de ne pas vous représenter à la tête de la Ville. Au vu des résultats des municipales, l'avez-vous regretté ?

J'avais annoncé que je serai maire jusqu'au bout. Et nos résultats ont été les mêmes que ceux des villes où les maires sortants ne se représentaient pas, qui ont fait en moyenne -12 %. Nous étions dans une vague nationale. Dans l'entre-deux tours, Jérôme Safar a pris la décision (de ne pas s'associer avec le Rassemblement d'Eric Piolle, NDLR). Et au bout d'un an, je dois dire que les faits ont plutôt tranché en sa faveur.

En plus de votre mandat de député, comment voyez-vous votre avenir dans la politique ?

Je suis en ce moment en mission parlementaire sur le Lyon-Turin et nous sommes aussi en train de réfléchir à la préfiguration d'un Institut de la ville durable, car il est important que la France puisse valoriser ce qu'elle a de meilleur, la conception de la ville à la française, où l'on maîtrise peut-être mieux qu'ailleurs les aspects de développement durable. Cela justifie que nous nous donnions des leviers pour valoriser les compétences de nos entreprises à l'étranger. Je suis également engagé au sein de la fédération hospitalière de France, après avoir été président du CHU de Grenoble pendant 19 ans. De par mon mandat de député, je suis aussi membre de la commission des Affaires étrangères, et administrateur de l'Agence française de développement... Ce sont des champs d'intervention où je peux valoriser l'expérience acquise à Grenoble.

Voyez-vous votre avenir à Grenoble ou à Paris ?

Ce qui m'a toujours porté, c'est cette volonté d'être attentif à tout ce qui se passe. Dans mon livre, je montre qu'il y a des liens et des allers-retours entre le local, le national et l'international. C'est vrai dans ma propre famille puisque j'ai deux de mes trois enfants à l'étranger, à Singapour et New York. De même dans ma formation de chercheur. Ce sont ces allers-retours qui me font dire que tant que j'aurai la force de l'intelligence et les capacités physiques pour faire, tout est toujours possible. En politique, il ne faut jamais dire jamais.

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Vous avez présidé le Conseil national de synthèse du PS, qui se tenait samedi 11 avril. De quelle famille vous sentez-vous le plus proche ?

Je soutiens la majorité, les motions du premier secrétaire Jean-Christophe Cambadélis. Ma filiation est Rocardienne et Strauss-Kahnienne, et je ne suis pas non plus éloigné de Martine Aubry, qui a rejoint la motion majoritaire. Nous avons aujourd'hui besoin de rassemblement et de développement pour notre pays, qui trouve l'équilibre entre le social et l'économie, et pas de débaucher untel ou untel. Ceci n'est pas un congrès de personnes ou de courant, mais doit être un congrès de fond pour que nous puissions bénéficier du retour de la croissance dans les deux dernières années de mandat de François Hollande.

La majorité a été mise en difficultés aux dernières élections. Craignez-vous une nouvelle vague bleue pour les Régionales ?

Sur le plan international, tout le monde reconnaît que le Président de la République et le Premier ministre ont fait du bon boulot. C'est sur l'économie que les élections départementales ont sanctionnée, car les résultats se faisaient attendre. Nous avons peut-être trop attendu : j'avais moi-même attiré l'attention sur le fait que baisser les dotations des collectivités territoriales n'était pas forcément une bonne chose, car elles représentent près de 70 % de l'activité du BTP. Mais l'investissement peut aussi se faire au niveau européen, nous devrons aller davantage en ce sens. Il faut aussi travailler sur le plan social, puisque nous ne faisons pas la croissance pour la croissance lorsque nous sommes à gauche, mais bien pour mener une politique de solidarité afin d'améliorer le plan du logement, de la ville...

Pensez-vous que le PS a une chance de conserver la Région Rhône-Alpes avec la candidature du président sortant Jean-Jack Queyranne, lors du scrutin de décembre prochain ?

Je ne lis pas dans le marc de café, même si je pense que bien sûr, les aspects nationaux continueront de jouer. Si cela s'améliore, tant mieux, je l'espère. Rhône-Alpes Auvergne est une grande région de six à sept millions d'habitants, importante sur le plan économique, qui est aussi la seconde région de France et une grande région européenne. Il faut poursuivre son développement, avec des gens mesurés, qui permettent à la région de rayonner. Je soutiens donc Jean-Jack Queyranne, ce n'est pas un scoop.

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Commentaire 1
à écrit le 16/04/2015 à 13:45
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Grenoble, par sa particularité géographique dans une cuvette, étouffe. La cuvette est saturée, la circulation impossible et les embouteillages quotidiens. Dès qu'un accrochage arrive sur une voie un tant soit peu importante, Grenoble et son aggloméra...

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