Objets connectés : pourquoi les "vieux" s'y mettent-ils aussi ?

L'industrie numérique a compris depuis deux ans que sa croissance se trouvait ailleurs, dans les objets connectés. La nouveauté, la vraie, c'est que les "vieux", ces entreprises installées depuis des années sur un marché, s'y mettent, à l'instar de Darty ou AXA.
Olivier Levard est consultant (FLUO CONSEIL), chroniqueur, conférencier et spécialiste des objets connectés. Il vient de publié un ouvrage sur ce thème aux éditions Michalon : Nous sommes tou…a

Aux premiers jours de juin, Apple a annoncé depuis San Francisco une double offensive massive sur ce qu'on appelle l'internet des objets. Ce nouveau réseau qui, après les ordinateurs et les mobiles, va mettre du Web dans tous les objets du quotidien est devenu une des obsessions des géants du Web.

Apple accélère donc le pas avec avec d'un côté, "Healthkit" qui vise la santé connectée et de l'autre "Homekit", qui mettra en réseau tous les appareils de la maison. A la fin du mois, Google posera ses pions à son tour lors de sa conférence I/O, qui promet d'être riche en annonces.

Cette accélération n'est pas franchement une surprise, l'industrie numérique a compris depuis deux ans que sa croissance se trouvait ici alors que les marchés du smartphone et des tablettes commencent à stagner, à des niveaux certes impressionnants.

AXA nous fait marcher

La nouveauté, la vraie, c'est que les "vieux" s'y mettent. Les entreprises de l'ancienne économie semblent s'être passées le mot pour multiplier les annonces. Elles ont compris que, sans nécessairement les produire, elles n'ont d'autre choix que d'intégrer les objets connectés à leurs stratégie et à leur offre. Après la déferlante des "Apps" qui n'a épargné aucune industrie, chacun cherche désormais ses objets intelligents.

Certaines initiatives, quoique prudentes, sont déjà symboliques. AXA a ainsi annoncé la même semaine qu'elle offrait aux 1 000 premiers clients qui souscrivent à sa complémentaire santé Modulango un "Pulse". Ce petit dispositif porté sur un bracelet ou un clip produit par le français Withings permet de surveiller son activité physique au quotidien (marche, sommeil) pour améliorer sa santé. Et parce que marcher c'est bon pour la forme, AXA va plus loin. Elle offrira des cadeaux à ses clients les plus actifs, ceux qui dépassent les 7 000 pas, par jour ! L'opération baptisée "Pulsez votre santé avec AXA", incarne une prise de conscience par les assureurs de la santé connectée du quotidien.

Darty appuie sur le bouton

Cette semaine, c'est pourtant une autre entreprise que tous les Français connaissent et qui a fait sensation : Darty. Pas en annonçant qu'elle se mettait à vendre des objets connectés. C'est déjà le cas depuis un moment. Les ventes de bracelets fitness et autres stations météo connectées pour la maison sont au beau fixe. Non, Darty veut intégrer l'objet connecté au coeur de sa stratégie. Et c'est un bouton qui va incarner cette révolution : un gros bouton carré relié sans fil à Internet. Vendu 25 euros que l'on peut aimanter sur n'importe qu'elle appareil de sa maison, un frigo par exemple.

"Le Bouton? Beaucoup plus qu'un concept : c'est un nouveau geste, un réflexe, un état d'esprit mais surtout un gage de proximité et de réassurance sans équivalent pour les consommateurs avec une enseigne leader dans l'électronique grand public et l'électroménager", se félicite Darty.

Mais encore ? Concrètement, une simple pression sur la chose et Darty vous appelle immédiatement pour vous venir en aide. Une sorte de concierge de palace spécialiste des lave-vaisselles ou tablettes en panne… "Inutile désormais d'appeler à l'aide son petit-fils féru de nouvelles technologies ou de lancer un SOS à son voisin bricoleur : appuyez sur le Bouton et c'est Darty qui vous rappelle, 24h/24 et 7j/7... en moins d'une minute !", vante encore le distributeur qui prépare un lancement massif pour le 15 octobre 2014.

Machine à laver pilotée à distance

Le patron de Darty a trouvé sa formule : le "contrat de confiance 3.0" qui va soulager ses clients tout en limitant le nombre des interventions grâce à de nouveaux modes de dépannage qui permettront par exemple aux clients de montrer leur problème à distance à un technicien via la caméra de leur smartphone. "Il y a une évolution très forte dans notre métier", m'explique le président de la marque, Régis Shultz.

ll y a deux ans le SAV (service après-vente) était surtout du changement de pièce de mauvaise qualité mais aujourd'hui, on répare de moins en moins. Maintenant c'est bien plus souvent du bug, des problèmes informatiques plutôt que du physique. 50 % des problèmes trouvent une solution par téléphone. Avec Samsung, on a mis en place la prise en main à distance avec la télévision, on y travaille pour les machines à laver".

Il y a un os. Cette initiative "tout SAV" ne va-t-elle pas contre le sens de l'histoire ? Les géants de l'informatique et de l'électroménager pourraient bien miser sur l'ascension du dépannage à distance pour se rapproprier le marché du SAV "abandonné" en France aux distributeurs... Régis Shultz n'y croit pas une seconde : 

"Nous sommes un commerçant qui a le supplément d'âme du service. Le SAV est notre force alors que toutes ces entreprises - Apple y compris - sous-traitent ! La nouvelle économie est d'ailleurs très largement une économie d'exploitations des autres, avec ses call center et unités de production dans des pays pas chers. Ils vendent un peu de logiciel, beaucoup de marketing et du design et ne sont pas capables de faire du SAV eux-mêmes. Ils n'ont pas de maîtrise la dessus. Qu'ils passent par nous ou un autre sous-traitant, la tendance reste que plus personne ne veut fabriquer ou s'embêter avec des usines ou du SAV. Les marques veulent faire du design, travailler sur ce qui coûtent peu et se vend très cher, la partie qui coûte plus et se vend moins cher, elles sont prêtes à le laisser."

Qu'ils s'agisse de protéger le gâteau de l'assurance ou l'os à ronger du SAV, ces "vieux" sont bien inspirés pour se bouger. L'innovation reste la meilleure des protections. Les entreprises emblématique de l'ancienne économie font bien de se presser si elles ne veulent pas voir les GAFA - Google, Apple, Facebook, Amazon - et startups de la révolution numérique profiter de cette nouvelle vague du Web, celle des objets, pour venir attaquer leur biscuits. Demandez aux opérateurs téléphoniques de quelle manière, ils se sont vus écarter des services mobiles et autres boutiques d'applications, et à la presse, la manière dont elle les a vu engloutir sa publicité et même ses petites annonces. Ceux qui veulent survivre doivent afficher leur appétit. L'avenir est aux idées.

Sujets les + lus

|

Sujets les + commentés

Commentaire 0

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

Il n'y a actuellement aucun commentaire concernant cet article.
Soyez le premier à donner votre avis !

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.