La preuve dans l’environnement numérique

L’environnement numérique est devenu le territoire de contentieux de plus en plus nombreux. Dans ce domaine il n'est pas toujours simple d'apporter la preuve crédible pour faire pencher la balance.
Albane Lafanechiere est avocate au cabinet Colbert

En matière de contentieux il ne suffit pas d'avoir raison, encore faut-il le prouver.  La preuve des faits est libre et peut donc être apportée par tous moyens pourvu qu'ils soient loyaux. Alors que l'environnement numérique est devenu le territoire de contentieux de plus en plus nombreux en matière de contrefaçon, de concurrence déloyale ou de diffamation, le juge attend des éléments de preuve crédibles, sachant qu'une certaine méfiance est de mise eu égard aux manipulations et erreurs possibles dans cet environnement.

 Copie d'écran

Une simple copie d'écran réalisée par la partie qui s'en prévaut a ainsi été considérée comme insuffisante pour établir l'usage illicite d'une marque sur Internet. Des copies d'écran ne sont toutefois pas dénuées de force probante en elles-mêmes. Le juge les examine au regard des autres éléments de preuve apportés, afin de déterminer si l'ensemble constitue un faisceau de preuves convergentes.

Fiabilité et précautions

Aujourd'hui les tribunaux admettent largement à titre de preuve les constatations réalisées sur Internet dans des conditions permettant de s'assurer de leur fiabilité. Assez couramment, les intéressés font appel pour cela à un huissier de justice, légalement habilité à effectuer à la demande de particuliers « des constatations purement matérielles, exclusives de tout avis sur les conséquences de fait ou de droit qui peuvent en résulter ».
Mais les tribunaux admettent également comme preuves valables des constats réalisés par des sociétés privées disposant d'une compétence particulière (tels que des tiers de confiance) ou par les agents de l'Agence pour la Protection des programmes. Certaines précautions doivent avoir été prises : en particulier l'ordinateur utilisé pour les constatations ne doit pas être relié à un serveur proxy et sa mémoire cache doit être vidée, à défaut de quoi le navigateur risque d'afficher des pages Internet mises en cache et qui ne se trouvent plus en réalité sur le site Internet d'origine.

Délai

Il est parfois essentiel de pouvoir déterminer à quelle date un contenu particulier s'est trouvé divulgué sur Internet. Tel est le cas notamment en matière de diffamation où il est nécessaire d'agir dans les 3 mois de la publication des propos litigieux, et en matière de dessins et modèles, puisqu'un modèle peut être annulé s'il est prouvé qu'il a été communiqué au public avant d'être déposé.  A cet égard, la fiabilité du site américain archive.org, site d'archivage qui « photographie » à intervalles réguliers le contenu des sites Internet et bien utile pour retrouver des pages anciennes, est diversement appréciée par les tribunaux. Les juridictions de Paris l'ont considéré comme un site d'archivage exploité par une personne privée sans autorité légale et dont les conditions de fonctionnement sont ignorées, et donc dépourvu de force probante. D'autres tribunaux ont au contraire jugé valables les constatations faites sur ce site par un huissier, rien ne permettant d'établir l'existence d'une manipulation qui aurait faussé les constatations de ce dernier. Ainsi la preuve sur Internet demeure encore incertaine, et peut présenter un coût non négligeable compte tenu de la nécessité de faire appel à des prestataires extérieurs.

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