Entrepreneurs, vous faire aimer dépend de vous !

Le 3 décembre, l'ensemble des organisations patronales appelle leurs ressortissants à manifester contre le gouvernement. Une colère légitime, mais dont l'origine et les coupables ne peuvent être réduits à la cible ici fustigée. Les causes du et les ripostes au désamour supposé de la France pour ses entrepreneurs méritent une auscultation et une (auto)critique minutieuses, auxquelles Denis Payre et René Ricol se livreront le 26 novembre à la CCI Rhône-Alpes. Il est temps pour les entrepreneurs de prendre en main leur responsabilité politique.

Entend-on encore des voix, repère-t-on encore des expertises, existe-t-il encore des défenseurs capables de démontrer que la France couve ses entrepreneurs, est toute entière dans l'accomplissement de leur foi ? Non, comme chaque entrepreneur peut le constater au fond de lui-même comme à l'écoute proche de ses condisciples ou lointaine des médias. France, as-tu abandonné tes entrepreneurs ? La réponse penche spontanément vers l'affirmation ; non parce que la France politique, administrative, syndicale et sociétale aurait récemment et brutalement renoncé à soutenir leurs desseins, mais parce qu'en réalité elle ne les a jamais véritablement aimés. Elle n'a jamais eu confiance en eux. Et cela quelles que soient les formations politiques au pouvoir.

Mercantiliste Nicolas Sarkozy

« L'intelligence et la considération à l'égard des entrepreneurs ne sont pas propriétés de la droite. Loin de là », confie d'ailleurs Denis Payre. Et le créateur de Business Objects et de Croissance Plus d'expliquer avoir éprouvé l'inconsistance du mercantiliste Nicolas Sarkozy - « qu'a-t-il fait pour nous ? Absolument rien. Ce qu'il aime chez les entrepreneurs, ce ne sont pas les valeurs et les trésors de leur aventure mais seulement sa concrétisation pécuniaire. Il ne comprend rien à ce que nous sommes ni à ce que nous aspirons au plus profond de nous » - et, précédemment, les « massacres » perpétrés par l'ancien Premier Ministre Alain Juppé coupable, à ses yeux, d'avoir provoqué l'exode de tout le Who's Who de l'entrepreneuriat français.

Des causes multifactorielles

Non, les racines du mal sont plus lointaines, elles ont prospéré dans une aversion multifactorielles et un terreau idéologique peu propice. Une culture marxiste qui a sédimenté plusieurs générations, une conflictualité endémique des luttes sociales, un marqueur judéo-chrétien enclin à culpabiliser le succès - surtout matériel -, une méfiance voire une répulsion chroniques pour les « riches », la prédominance des valeurs collectives au détriment de celles couronnant la réalisation de soi et l'accomplissement individuel, une ombre malthusienne qui plane sur l'encouragement au risque par ailleurs gravement endommagé par la constitutionnalisation du principe de précaution, un socle éducatif intrinsèquement méfiant voire hostile, une technocratie et une bureaucratie irrespirables, une fiscalité qui décourage jusqu'aux business angels dix fois moins nombreux qu'en Grande-Bretagne, une considération négative et malsaine de l'échec.

Une haute fonction publique inadaptée

Mais aussi un système politique qui confie à des non entrepreneurs la responsabilité de déterminer les conditions de leur destinée. Peut-on s'étonner d'une aussi médiocre considération des entrepreneurs quand les mécanismes de désignation - du cénacle des élus et de la caste de conseillers - se concentrent sur une haute fonction publique endogame certes d'un talent incontestable et, bien souvent, d'une réelle abnégation et d'un sens de l'intérêt général indiscutable, mais totalement imperméable à la réalité entrepreneuriale et nécessairement insensible à chacune des composantes - bonheur, souffrances, rebond, vertiges, précarité, solitude, risques - de « l'émotion entrepreneuriale » ?

Inculture économique et carcans dogmatiques

Le dévastateur passage d'Arnaud Montebourg au ministère de l'Economie en fut une énième démonstration : l'inculture économique et les carcans dogmatiques de la hiérarchie politique constituent un terrible obstacle à la valorisation de l'esprit d'entreprendre et à la prolifération de vocations entrepreneuriales autres que celles contraintes. L'inculture économique des dirigeants, mais aussi les spéculations politiciennes et les rapports de force délétères auxquels les parties prenantes s'exercent volontiers. Et par exemple à quoi Pierre Gattaz joue-t-il, lorsqu'il superpose les surenchères et les provocations au risque, certainement calculé, d'affaiblir un peu plus au sein du Parti socialiste d'une part le courant social-libéral architecte d'un Pacte de responsabilité pourtant plébiscité d'autre part un Premier Ministre qui prit et assuma le risque politique de déclarer publiquement son « amour » pour les entrepreneurs ? Lorsque six mois après la conclusion dudit Pacte un tiers de ses branches n'a pas initié la moindre réunion pour ouvrir les négociations sur la création d'emplois consubstantielle à l'accord, le Medef fait-il lui-même œuvre de responsabilité ?

« Etat bashing »

Espérer revitaliser l'esprit d'entreprendre est vain si la confiance en les entrepreneurs est à ce point anémique ou si elle est otage de rivalités idéologiques. Et si l'« Etat basching » continue de prospérer aussi idiotement qu'injustement. Oui, injustement, car comment nier tout ce que l'Etat initie « aussi » pour soutenir l'entrepreneuriat ?

Toutefois on ne peut circonscrire à cet écosystème objectivement contestable la réalité de l'entrepreneuriat en France. Une réalité en bien d'autres points, cette fois subjectifs, extraordinairement heureuse. Car entreprendre, c'est être en vie et c'est donner vie, « c'est donc être vivant », résume Denis Payre. Pour preuves, chaque entrepreneur qui ose et bâtit, qui rassemble et partage, qui mobilise et essaime, qui réussit ou qui échoue, qui rebondit et qui aide. Et les exemples sont innombrables. Les talents sont pléthore, l'inventivité et le courage sont sans limite, les vocations sont contagieuses. Et c'est avant tout au sein de l'entreprise elle-même, c'est en premier lieu entre les mains des entrepreneurs eux-mêmes, que peut être irrigué le goût d'entreprendre et peut être régénérée la reconnaissance des entrepreneurs.

Une exemplarité fondée sur la réciprocité

Ces entrepreneurs au quotidien font la démonstration qu'ils sont tout sauf les apparatchiks des entreprises du CAC 40 auxquels la vulgate populaire endoctrinée par des idéologues et des médias complices les associe. Au quotidien ils osent, arbitrent, décident, et donc sèment dans le souci d'une récolte partagée et non pas capturée. Au quotidien ils quêtent un sens et prospectent une utilité là encore équitablement cultivés. Au quotidien ils font la preuve, y compris en matières managériale, organisationnelle et de gouvernance, d'une vérité : eux-mêmes ne seraient rien sans la communauté de collaborateurs et d'autres parties prenantes qui contribue à l'édification de l'ensemble.

Bref, ils lorgnent une exemplarité fondée sur la réciprocité qui, si elle était universellement ambitionnée, permettrait de ramifier dans la société un goût d'entreprendre - y compris en tant que salarié - et une reconnaissance des entrepreneurs qui s'imposeraient alors dans les mentalités jusqu'au plus haut sommet de l'Etat, jusqu'au plus profond des systèmes et des organisations y compris publics, jusqu'au plus loin dans les catégories socio-professionnelles. Que les Français placent l'entreprise (plus exactement la PME) et le cénacle politique respectivement aux premier et dernier rangs des institutions en lesquelles ils ont confiance (source Le Monde/Cevipof/Fondation Jean Jaurès) le corrobore.

TPE et collège, un même leadership

Les salariés osent, risquent, innovent, travaillent lorsque celui qui incarne l'édifice lui-même ose, risque, innove, travaille... et simultanément les place dans les conditions d'oser, de risquer, d'innover, de travailler. Cette définition du leadership vaut pour une TPE autant que pour un hôpital, pour une ETI que pour un collège. Pour une nation que pour un Etat. La communauté des entrepreneurs est légitime à pourfendre le cadre législatif et politique ; elle doit aussi identifier en son sein ses propres manquements et les voies d'une reconquête qui s'enracinera dans la majorité des consciences.

A l'heure où le projet politique est dévasté - et ce n'est pas le pitoyable retour de Nicolas Sarkozy aux commandes d'une opposition durablement défigurée qui stoppera la descente aux enfers -, à l'heure où les organisations syndicales - y compris patronales - sont dans les limbes, à l'heure où les institutions intermédiaires sont discréditées, à l'heure donc où la démocratie, gangrénée, s'offre en pâture au Front national, il est... l'heure pour les entrepreneurs d'accepter qu'ils ont une responsabilité "politique", au sens bien sûr de la res publica.

France : as-tu abandonné tes entrepreneurs ? Conférence le 26 novembre à 18h à la CCIR

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Commentaires 3
à écrit le 25/11/2014 à 12:11
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Les représentants patronaux ne sont-ils pas les premiers responsables de l'image négative de l'entreprise qu'ils véhiculent? Les entreprises vont recevoir 41 milliards d'Euro en 3 ans, entre 2013 et 2015 leurs impôts vont baissé de 14 milliards d'Eur...

à écrit le 25/11/2014 à 11:32
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contre les CDI voyez !!!!!!!!

à écrit le 25/11/2014 à 10:38
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Faux, complètement faux, dans un Pays qui compte plus de fonctionnaires que ses voisins notamment Britanniques et Allemands, qui attend tout et n'importe quoi de l'Etat Protecteur, mais aussi obèse, dépensier et irréformable, une majorité de Français...

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