Le travail social palliatif, un concept iconoclaste

Sans abris, SDF… quel accompagnement pertinent pour ces populations fragiles, de plus en plus repoussées à la marge ? Le travail social doit se réinventer, on parle aujourd’hui de « travail social palliatif ». Ce concept, débattu le 13 novembre, au cours d’une rencontre proposée par Acteurs de l’Economie (*) dérange.

La salle des mariages de la mairie du 7ème affichait complet, avec la présence de nombreux professionnels du travail social, des représentants de la DDCS (Direction Départementale de la Cohésion Sociale) et même des « hébergés ».

Juste maintenir dans la situation

Marc-Henry Soulet, titulaire de la chaire de travail social et de politiques sociales de l'université de Fribourg, « auteur » de ce concept, n'y est pas allé par quatre chemins : « plutôt que de viser d'emblée l'insertion, l'amélioration, objectifs qui ne seront peut-être jamais atteints, il vaut mieux sécuriser ces personnes, les maintenir dans leur situation, éviter simplement qu'elle n'empire. Les travailleurs sociaux ont des visées éducatives, de transformation mais il faut admettre que tous n'ont pas cette capacité à se transformer, après des parcours de vie tellement difficiles, semés d'échecs ».

Chaîne d'insertion mise en échec

Jérôme Colrat, directeur général de l'association Alynéa dont la vocation est d'accompagner, héberger, remettre en route ces populations fragiles (il est aussi président de la Fédération Nationale des Samu sociaux), convient que le travail social palliatif peut concerner la grande exclusion. « Il y a une telle diversité de vies et de personnes derrière l'acronyme SDF. Certains ne peuvent s'inscrire dans un parcours vertueux d'insertion, doit-on alors les abandonner ? On observe une massification incroyable des personnes sans abri et on en arrive à faire du bricolage. Pour certains par exemple, le système de contrat d'hébergement de 6 mois ne convient pas... on ne les accompagne pas car il ne relève pas du dispositif. Arrêtons avec cette logique du dispositif ! Toute la chaine d'insertion est mise en échec ».

Travail social palliatif

Jérôme Colrat et Marc-Henry Soulet ont échangé sur le concept de travail social palliatif

Une approche globale

Les centres d'hébergement et de réinsertion ont été créés voilà longtemps, le monde a changé, le profil et les besoins des personnes à accompagner s'avèrent différents. Le travail social doit se réinventer pour faire face à ces évolutions. Cela signifie d'autres compétences, de nouveaux enjeux de professionnalisation. Pour Jérôme Colrat, il faut investir ces personnes dans leur globalité, ne pas se cantonner à la seule vision sociale mais introduire aussi une approche médicale, médico-psychologique, culturelle... « mettre la personne au centre, lui donner de la liberté, de l'initiative », défend-il. Marc-Henry Soulet explique : « être d'abord dans la relation, avant de se donner un objectif. Le travail social palliatif ne passe pas par un accompagnement linéaire, projectif ».

Renoncer ou pas

«Le travail social a un objectif : faire monter les gens dans le train. Comment accepter que certains n'y monteront jamais ? Le travail social est fondé sur un espoir pas sur un renoncement. Le travail social palliatif ne peut être un objectif de politique publique », a réagi fermement depuis l'assistance Gilles May-Carl directeur de la DDCS. D'évidence le sujet se révèle sensible, polémique mais impossible à éviter face à cette question de la grande exclusion si mal solutionnée. On le constate chaque hiver... « Renoncer à certains idéaux et enfin voir la réalité en face, accepter d'être impuissant et aller vers une approche globale ». Telle est la démarche des soins palliatifs décrite par Guillemette Laval, professeur associé des Universités au CHU de Grenoble et chef de service à la Clinique de Soins palliatifs.

Un mot dérangeant

On est là dans le strict domaine médical mais pour autant le parallèle avec le champ social s'impose. Les soins palliatifs (synonyme tout de même d'une mort proche) ont émergé parce que la médecine de fin de vie se heurtait à ces trois impasses : l'abandon, l'acharnement, l'euthanasie. « Ces mots font écho à ce que vous vivez dans le champ social » constatait le médecin. Reste le mot palliatif qui bouscule, dérange, alors Marc-Henry Soulet conclut : « le mot palliatif fait peur concentrons nous plutôt sur ce qu'il signfie, sur ce qui est en jeu ».

(*) Avec le concours de la Fondation Gattefossé

Sujets les + lus

|

Sujets les + commentés

Commentaire 1
à écrit le 17/11/2014 à 22:32
Signaler
Etant donné la montée croissante de la grande exclusion , il apparait vitale d'approfondir cette approche palliative . Il faudra"labourer"patiemment comme cela a été fait dans le domaine médical et se servir de tous les canaux de sensibilisations. Me...

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.