Arnaud Bucaille, 23 ans et étudiant en 5ème année à l'ESDES, s'est laissé entrainer par une idée, comme une évidence plutôt que par un réel désir d'entreprendre. Puisqu'il ne trouvait rien de satisfaisant sur la Toile pour se loger, pourquoi ne pas créer un site dédié à la sous-location ?

A 19 ans, et encore étudiant en 2ème année, il fonde le site e-sublet sous statut d'auto-entrepreneur, deux ans plus tard il s'associe à un ingénieur informatique dans une SAS. « Alors seulement je me suis senti entrepreneur. Au départ, c'était plutôt une question d'orgueil, j'ai une idée, pourquoi ne pas le faire ? » On sent cette exaltation (un doigt d'inconscience ?) propre à la jeunesse, bien qu'Arnaud revendique avant tout une nécessaire persévérance pour construire un projet.

Juste le risque de réussir

« A vingt ans, on ne risque rien à entreprendre sinon le risque de réussir. On n'a pas de charge de famille, pas de prêts, c'est le moment où jamais », plaide Clarence Thierry, 29 ans. Dotée d'un Master marketing de l'ESDES, elle se « sentait » depuis longtemps entrepreneur, même si l'objectif demeurait flou. Son stage de fin d'étude dans un grand groupe l'a vaccinée contre le salariat : « il s'est mal passé, je n'étais qu'un pion. En étant entrepreneur, je maîtrise tous les enjeux, je suis mon propre chef ». La rencontre avec son associé, « un serial entrepreneur qui a connu l'échec », l'a conduite à cofonder en 2009 Sydo, agence conseil en pédagogie. Cette SARL, de 12 personnes aujourd'hui, aide les entreprises à « mieux former ».

C'est bien le désir d'autonomie qui les a conduits sur ces chemins, « pouvoir gérer tous les paradigmes de leur société », confirme Carole Granade-Segers, présidente de BoostInLyon, accélérateur de startups lyonnaises. Ces jeunes parlent aussi de se faire plaisir en travaillant, de donner du sens à leur emploi, bien de leurs « collègues » plus âgés revendiqueraient les mêmes choses. Voilà un frein néanmoins à se lancer si jeune : manquer de réseau et se cogner à une certaine solitude.

Arnaud a trouvé au sein de l'incubateur de l'ESDES ce réseau rassurant et plus encore : « un endroit où travailler, un accompagnement. Par exemple j'ai pu grâce à l'incubateur élaborer des conditions générales de vente « béton », elles se sont révélées précieuses lorsque j'ai vu débarquer la Répression des Fraudes ». Clarence irrigue son réseau, en particulier pour doper sa clientèle, auprès des anciens de l'Ecole, « ils sont tous dans des grandes boîtes… »

Vive l'échec

Et cette fameuse expérience, ce vécu forcément plus minces à cet âge ? « On n'est pas entrepreneur tant qu'on n'a pas viré quelqu'un, manqué de cash pour payer ses salariés, embauché. Ce sont des moments fondateurs », souligne Carole Granade-Segers. Sylvain Audureau, reponsable de la filière « développer et entreprendre » au sein de l'ESDES, ajoute : « on ne se connaît pas ou peu à 20 ans. Or savoir qui on est compte beaucoup pour entreprendre ». Et d'insister sur les vertus fondatrices de l'échec, « c'est très bien de se prendre une première veste, même sérieuse ».

L'échec ne semble pas leur faire peur, « de toute façon j'ai tellement appris en cinq ans », témoigne Clarence Thierry. Et ils se projettent dans l'avenir, Arnaud dans son équipe de quatre personnes compte diversifier son offre, Clarence espère aller jusqu'à 20 salariés, mais pas au delà pour préserver le côté humain. Ces témoignages optimistes ne doivent pas masquer cette réalité mise en avant par Carole Granade-Segers : «surtout pas de glorification de l'entrepreneuriat, tout le monde n'est pas câblé pour ça ».