Taux de remplissage

L’un dirige un théâtre public, l’autre une entreprise industrielle. Les deux se sont retrouvés autour des mêmes valeurs à l’occasion du débat « Art et Management » organisé le 21 février par l’IAE et Acteurs de l’Economie.
De gauche à droite: Geroges Fontaines, Bernard Jacquand, Jean Lacornerie ©Laurent Cerino/Acteurs de l'économie

Jean Lacornerie avoue sans fards avoir le regard rivé sur le taux de remplissage - « un mot vilain » - du Théâtre de la Croix-Rousse à Lyon, qu'il dirige depuis trois ans ; même si bien-sûr, il choisit aussi des spectacles « pas évidents, ni consensuels », avec le risque d'une salle à moitié vide. Et aujourd'hui il déplore de voir le nombre d'abonnés se tasser, les spectateurs se décider à venir à la dernière minute. Georges Fontaines, qui a créé l'entreprise industrielle Techné (joint d'étanchéité et robinetterie industrielle) n'oeuvre certes pas dans la culture, mais il reçoit ces mots cinq sur cinq : « moi aussi, je dois remplir mon carnet de commande, avec des clients de plus en plus dans le court-terme. Par exemple, avec l'industrie automobile, je ne sais pas huit jours avant, quelle sera ma production ». Ces nouveaux comportements s'inscrivent dans un contexte où l'argent se raréfie, avec des subventions en berne côté théâtre public et des banquiers frileux côté entreprise. Finalement, la complicité et le dialogue ont coulé de source entre deux interlocuteurs immergés dans des mondes, à priori éloignés.

Au diable, la hiérarchie

D'autant que les deux placent l'homme au cœur de leur organisation. En son théâtre, Jean Lacornerie travaille entouré de 26 permanents et œuvre en tandem avec une directrice adjointe. Il est aussi, parfois, metteur en scène et producteur de spectacles et entraîne dans cette fabrication une foultitude de spécialistes : décorateur, costumière, éclairagiste, perruquiers, vidéaste… ensuite une équipe autonome fera tourner le spectacle sur le territoire. Il est de ces metteurs en scène bien présents en amont auprès de ses équipes, « je veux savoir comment ça se passe, les petites décisions ont des conséquences sur l'artistique. » Ceci sur un mode partagé, car le théâtre attire des gens passionnés, « ils ont choisi cet univers, ils ont ce désir commun de réaliser un spectacle, il n'y a pas de hiérarchie. » « Je suis incapable de diriger, j'ai toujours refusé la hiérarchie dans mon entreprise », rétorque Georges Fontaines.

Enfant de l'humanisme lyonnais

Fils de syndicaliste, passé au moule du Centre des Jeunes Dirigeants, il a voulu faire de Techné une utopie réaliste où la pointeuse n'existe pas, où transparence et liberté sont érigées en valeurs emblématiques, où les bénéfices sont partagés… « C'est la gestion par le « pourquoi ». Le « comment », c'est l'opérateur qui le sait. Je me considère comme un enfant de l'humanisme lyonnais. Le but de mon management est d'utiliser au mieux l'intelligence de chacun, c'est un potentiel fantastique ». Autour de lui, aux débuts de Techné, on a souri. Maintenant que l'entreprise totalise 350 salariés, a ouvert une usine en Chine et annonce un chiffre d'affaires de 350 millions d'euros en 2013, sans avoir rien renié de ses valeurs fondatrices, on applaudit. Et Georges Fontaine pense, en voyant le fort développement de la RSE (Responsabilité Sociétale des Entreprises) dans le monde économique, que son utopie était bien vue. Pour Jean Lacornerie, l'utopie semble vitale, lui qui s'écrie : « le théâtre est inutile et magnifique. On a besoin du superflu, on vit pour le superflu… »

 

 

 

 

Sujets les + lus

|

Sujets les + commentés

Commentaire 0

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

Il n'y a actuellement aucun commentaire concernant cet article.
Soyez le premier à donner votre avis !

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.