"L'IA peut aussi aider les fonds d'investissement à s'améliorer" (Alexandre Ouimet-Storrs, Solvay Ventures)

Pour sa 22ème édition, le Forum 5i, qui se tenait ce mardi et mercredi au WTC de Grenoble, a une nouvelle fois fait le plein du côté des startups des deeptechs et des investisseurs. Avec, comme point d’orgue de ce grand rendez-vous annuel organisé par Grenoble Alpes Métropole, le Venture 5i, où un comité d’investisseurs français et étrangers ont étudié les dossiers d’une vingtaine de jeunes pousses. Un comité présidé par Alexandre Ouimet-Storrs, managing director EMEA du fonds Solvay Ventures.
(Crédits : DR)

Pourriez-vous nous présenter Solvay Ventures en quelques mots ?

Solvay Ventures est le bras armé du capital risque du groupe belge Solvay qui pèse 10 milliards d'euros de chiffre d'affaires pour près de 25 000 employés à travers le monde. Je suis responsable de l'investissement pour l'Europe, avec une équipe de 9 personnes. Nous travaillons dans un certain nombre de domaines, tels que l'agriculture, les matériaux composites, le home and personnal care. Nous disposons d'un fonds de 100 millions d'euros Evergreen, ce qui signifie que si on perd de l'argent, notre base d'investissement baisse et si l'on gagne de l'argent, elle augmente. Cela force ainsi tout le monde à être très rigoureux.

Comment avez-vous perçu votre rôle en tant que président du Venture 5i ?

C'est un honneur pour moi d'être président du comité de sélection. Je connais bien la région car dans mon ancien job (venture-capitalist au fonds Truffle Capital, NDRL) j'avais deux sociétés du secteur dans mon portefeuille. Je sais que l'écosystème dans la région est très riche au niveau technologique, et notamment dans les deeptechs. Mon rôle a été d'amener au sein de ce comité des gens différents qui ne se croisent pas souvent et qui viennent du Royaume-Uni, des Pays-Bas, de la Suisse, des Etats-Unis, de la France, de l'Allemagne.

Comment l'intelligence artificielle s'inscrit dans la stratégie d'investissement des fonds ?

L'IA est une thématique qui a de nombreuses applications et qui intéresse donc beaucoup de monde, car on voit bien le potentiel pour faire avancer la société. Cela va devenir la prochaine révolution industrielle. Mais il y a aussi beaucoup de gens qui disent faire de l'intelligence artificielle, et qui font en réalité uniquement du big data, soit du training en tournant les données et en optimisant sa modélisation mais dont le système n'apprend pas. Et c'est là la principale différence entre les deux.

Ces startups présentent-elles de vraies opportunités capitalistiques ?

Il existe bien entendu des modèles capitalistiques, mais cela dépend beaucoup de la verticale que l'on souhaite adresser et de la société en question. Pour nous, dans le domaine de la chimie, cela peut aller de la découverte de nouvelles routes pour obtenir une molécule, des enzymes ou des protéines données. Car en tant qu'humains, on peut faire de la recherche, mais l'IA peut permettre d'aller un peu plus vite.

Les fonds doivent-ils s'organiser différemment pour juger des dossiers en lien avec l'intelligence artificielle ?

Nous avons effectivement des data-scientists en interne. Ce sont ces gens qui nous permettent de dire si ce qu'on nous propose est de bonne qualité. Car il y a beaucoup de personnes qui affirment faire de la blockchain ou de l'IA, et qui n'en font pas vraiment en réalité. Parmi l'ensemble des dossiers que l'on étudie, on estime qu'il y en a seulement 1 sur 10 qui sont vraiment du ressort de l'intelligence artificielle.

Les cycles de développement des startups de l'IA sont-ils plus rapides que dans d'autres secteurs ?

Je pense que cela peut aller relativement vite : lorsqu'on fait de l'IA, les cycles peuvent être plus courts que dans d'autres domaines comme les matériaux, où il faut compter le temps pour industrialiser, délivrer, etc. Nous essayons d'entrer tôt et de faire de l'amorçage en série B, pour avoir aussi un impact. Car les acteurs du capital-risque essaient non seulement de financer mais aussi d'aider les startups dans leur démarrage, en les accompagnant.

Quels sont les défis rencontrés par ces startups ?

Au niveau du financement, c'est un peu plus facile car l'intelligence artificielle suscite l'intérêt, notamment des grands groupes comme Google ou IBM . Il y a de l'argent disponible. Mais les défis sont plutôt du côté du marché : il faut trouver une application monétisable, qui permette de créer une rupture et de gagner de l'argent. L'objectif reste de posséder une technologie très disruptive que l'on puisse vendre à un gros acteur ou l'inscrire dans une boite qui génère un CA important.

Est-ce que tous les fonds de capital-risque vont progressivement s'intéresser à l'IA ?

Il existe des fonds spécialisés dans l'IA et d'autres qui vont se casser les dents sur des dossiers. Certains pourront aussi apprendre de leurs erreurs et devenir plus forts. Mais tout le monde n'en fera pas. Aujourd'hui, on estime qu'environ 10 à 20 % des fonds sont positionnés sur ce segment.

L'intelligence artificielle peut-elle également aider les investisseurs à s'améliorer eux-mêmes ?

On peut également avoir de l'intelligence artificielle pour détecter des startups. Je sais que le fonds de Xavier Niel, Kima Ventures, dispose déjà d'un algorithme propriétaire qui leur permet de trier rapidement les dossiers. L'IA peut en effet aider les fonds à mieux trier les startups et à trouver la perle rare. Car chez Solvay Ventures par exemple, on reçoit 1000 à 2000 dossiers par an, et parfois, certains passent à la trappe.

L'IA peut donc également aider les VC à s'améliorer, dans un contexte de concurrence qui reste fort à la fois sur le plan de la clôture des deals, mais aussi dans la recherche, plus large, d'une meilleure performance.

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