Gérard Collomb nommé ministre de l'Intérieur

L'édile lyonnais occupera - enfin - un poste gouvernemental. Gérard Collomb, soutien de la première heure du nouveau président de la République a été nommé, ce mercredi, ministre de l'Intérieur dans le gouvernement d'Edouard Philippe. Si cette désignation semble répondre au souhait d'équilibre voulu par Emmanuel Macron, entre visages nouveaux et politiques accommodés aux rouages institutionnels, la question de la légitimité à ce maroquin de celui qui est parfois considéré comme un baron local peut cependant se poser. Retour sur une trajectoire - et des choix - qui lui ouvrent aujourd'hui les portes des hautes instances du pouvoir.

Il se rêvait Premier ministre ou ministre de l'Intérieur, et rien d'autre. La place Beauvau échoit à Gérard Collomb qui soufflera ses soixante-dix bougies le 20 juin prochain. Un maroquin au gouvernement, voilà ce qui manquait dans le CV bien rempli du premier édile PS de Lyon, vieux briscard de la politique. Nourrissait-il une rancœur de ne pas avoir été appelé à Paris où il avait vu partir certaines de ses anciens protégés, telle Najat Vallaud Belkacem ? Emmanuel Macron a su combler ce manque en donnant une place de choix - le ministère de l'Intérieur avec un rang de ministre d'Etat - à ce soutien de la première heure, qui n'a pas compté ses heures pour l'accompagner avec une ferveur non feinte pendant plus d'un an. A ce titre, l'accueil du futur Président de la République, alors ministre de l'Economie, à Lyon le 2 juin par l'édile lyonnais, dans un Hôtel de ville bondé, avait été fondateur.

La mairie du IX, un laboratoire

Aux yeux de beaucoup Gérard Collomb était regardé comme un baron local pour toujours. Une chose est sûre, il aime Lyon où l'agrégé de lettres classiques est devenu conseiller municipal pour la première fois, en 1977. Dix-huit ans plus tard, il remportait la mairie du IXème arrondissement, le laboratoire qui lui permettra en 2001 de s'ouvrir les portes de l'Hôtel de ville avec une certaine complicité de Raymond Barre, le maire sortant. Une victoire conquise dans une cité réputée conservatrice.

Ce fils d'un ouvrier métallurgiste CGT et d'une femme de ménage, a entamé en 2014 son troisième mandat à la tête de la ville et du Grand Lyon devenu la métropole de Lyon, le 1er janvier 2016. Et il envisageait un tour de plus, même s'il a annoncé céder la mairie centrale à son "dauphin", le maire du 4e et patron local du PS, David Kimelfeld.

Encarté au PS depuis la fin des années soixante, Gérard Collomb est désigné président du Conseil national en 2003. Défenseur acharné de la ligne "réformiste" du parti, il prendra ses distances avec Solférino dès 2014. Il traversa le quinquennat de François Hollande, sans jamais être appelé au gouvernement, malgré sa brillante réélection aux municipales. Dès février 2013, il exhortait le Président à avoir un "langage clair pour les entreprises", l'appelant à assumer un socialisme de l'offre.

Social-réformiste

Une prise de position en cohérence avec la philosophie économique et politique prônée par l'édile lyonnais depuis deux décennies, qu'il a théorisée en 2011 dans son ouvrage "Et si la France s'éveillait (Plon). Social-démocrate, saint-simonien, irrigué par les principes schumpétériens, Gérard Collomb estime que sans résultats économiques, sans politiques attractives, sans priorité aux entreprises - les PME est le "seul lieu où se crée la richesse" assure-il -, il n'est pas possible de maintenir une politique sociale "ambitieuse". Chantre de la réforme des structures territoriales, de concert avec le centriste Michel Mercier, ancien président du département du Rhône, lui aussi sénateur, il devance en secret la réforme territoriale en récupérant les compétences de l'ancien Rhône sur le territoire communautaire. Un modèle qui pourrait faire école ailleurs.

Lire aussi : Métropoles, un exemple pour l'État ?

Le pragmatique maire de Lyon, qui ne cache pas son appartenance à la franc-maçonnerie, a parié d'emblée sur le partenariat public/privé pour faire avancer la capitale rhodanienne. Qu'il s'agisse de la restructuration du nouveau quartier Confluence, à la pointe de la Presqu'île ou le remodelage de la Part-Dieu, l'étiquette de "bâtisseur" lui est parfois accolée.

En avance sur la réforme territoriale

Si le maire de Lyon est parfois considéré comme l'un des meilleurs élus locaux du pays, tout ne lui a pas toujours réussi. Gérard Collomb a connu sa traversée du désert après avoir échoué, en 1989, à conserver son siège de député dans la deuxième circonscription de Lyon. Sa revanche, il la prendra au Palais du Luxembourg où il s'installera comme sénateur en 1999. Opposant farouche au non-cumul des mandats - il estime que pour porter efficacement les problématiques locales il faut exercer un mandat de parlementaire à Paris-, il siège toujours au Sénat.

C'est notamment cette expérience politique qui a conduit Edouard Philippe à nommer l'élu lyonnais à ce poste régalien. Fidèle à la volonté d'Emmanuel Macron d'assurer un équilibre entre renouvellement des visages, spécialistes, et ministres accommodés aux rouages politiques et institutionnels, Gérard Collomb semble être, dans cette optique, une valeur sûre. Il sait effectivement manœuvrer habilement pour constituer et tenir une majorité, n'hésitant à pas à ouvrir vers le centre, comme il la fait à la métropole de Lyon.

La question de la légitimité de l'élu au ministère de l'Intérieur - qui succède donc à Bernard Cazeneuve - peut cependant se poser. Expert de l'aménagement territorial - un grand ministère englobant la ville était un temps envisagé -, Gérard Collomb a-t-il vraiment le profil pour mener a bien cette mission ? Aura-t-il les épaules et les réseaux pour composer avec les puissants syndicats qui gravitent autour de la place Beauvau ?

Son bilan local peut cependant apporter un éclairage sur sa philosophie et son action en matière de politique de sécurité. Le palmarès des maires, publié par l'Express en 2014 pointait le bilan négatif de l'élu dans ce domaine, s'appuyant notamment sur le taux de délinquance dans la ville. Mais pour Jean-Yves Sécheresse, adjoint PS à la sécurité à la Ville de Lyon :

"Sa conception de la sécurité, c'est de ne rien lâcher et donner les moyens pour être à la hauteur des enjeux. Il utilise tous les outils : la médiation, la prévention des délits et des aussi des moyens physiques comme la vidéoprotection. La place Beauvau est une maison compliquée et il devra établir un rapport avec tous les intervenants. Mais je suis sûr qu'il y arrivera, explique l'élu dans les colonnes de nos confrères de Lyon Capitale.

Gérard Collomb a en effet misé sur une stratégie sécuritaire basée sur le déploiement important de caméras de surveillance. Alors qu'une soixantaine était en place en 2001, plus de 450 sont désormais en service. La ville rhodanienne dispose de l'une des polices municipales les plus fournies de l'Hexagone, avec quelque 300 agents, derrière la très sécuritaire ville de Nice de Christian Estrosi. Longtemps réfractaire à l'armement de la police municipale, Gérard Collomb décidera d'équiper une partie des fonctionnaires, à la suite des attentats de 2015. Un signe supplémentaire de sa capacité d'adaptation et de ses principes de "réalité", qui l'auront - enfin - amené jusqu'aux hautes instances du pouvoir.

 Marie-Annick Depagneux et Maxime Hanssen

 Actualisé à 18:49

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Commentaires 3
à écrit le 20/05/2017 à 19:07
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A quoi mène l'égo de cet homme de réseau, despote et "coupeur de tête", imbu de sa personne, qui a plus envie de terminer son 3ème mandat, essoufflé par les seuls projets du tertiaire (bureaux vides à la Part-Dieu et ailleurs) et pour avoir engager a...

à écrit le 18/05/2017 à 11:07
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Le ministre de l'intérieur, c'est le majeur, non ? "La moralité devient rigide quand le reste ne l'est plus" disait Coluche, mais bon avec Macron, c'est le pognon et les vieux croûtons :-)

à écrit le 17/05/2017 à 20:23
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70 ans... Autrefois la gérontocratie était une tare des pays de l'Est et de l'URSS.

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