Fibre optique : le département de la Savoie rompt la délégation de service public

Le conseil départemental de la Savoie annule le contrat de délégation de service public (DSP) visant la couverture du département en fibre optique. L’exécutif départemental met en cause l’entreprise Fibréa en la désignant comme responsable de cette résiliation forcée, qui coûtera 6,8 millions d’euros à la Savoie. Un rebondissement supplémentaire dans ce dossier bien mystérieux.

En juillet 2016, le conseil départemental de la Savoie avait confié la DSP à Axione, filiale du groupe Bouygues. Quinze mois plus tard, le même contrat est rompu par la collectivité publique pour "motif d'intérêt général".

Un contrat à 223 millions

La fibre optique devait être déployée dans toute la Savoie d'ici 2026, pour un investissement de 223 millions d'euros, dont un maximum de 133 millions d'euros d'argent public sur dix ans. Le financement public était assuré par le département (32,5 millions d'euros), les intercommunalités (32,5 millions d'euros), la région Auvergne-Rhône-Alpes, l'État et l'Union européenne.

Lorsque la DSP a été signée, les deux contractants savaient que l'entreprise Fibréa avait commencé à poser de la fibre optique en Maurienne. Cette société est une filiale de la société d'économie mixte (SEM) SORÉA, chargée du service public d'électricité par des communes mauriennaises.

Officiellement, 200 kilomètres avaient ainsi été déroulés autour de Saint-Jean-de-Maurienne. La DSP tenait compte de cette pose, puisque le délégataire Axione devait louer le réseau de Fibréa. Cela évitait de poser deux fois des fibres optiques, une pratique de toute façon proscrite pour pouvoir obtenir des financements de la région, de l'État et de l'Europe.

L'énigme Fibréa

Mais depuis juillet 2016, Fibréa a continué de poser de la fibre optique. L'entreprise espérait-elle couper l'herbe sous le pied d'Axione pour l'obliger à lui louer un plus grand réseau ? Toujours est-il que les actionnaires de la SORÉA se sont réveillés il y a quelques mois, découvrant que deux dirigeants exécutifs de Fibréa ont déployé la fibre optique à leur insu, explique en séance Pierre-Marie Charvoz, le maire de Saint-Jean-de-Maurienne et conseiller départemental. Congédiés au cours de l'été, les deux dirigeants sont aujourd'hui poursuivis par la SEM.

Mais il est trop tard pour le département de la Savoie. "L'économie générale de la DSP est déséquilibrée", constate Hervé Gaymard, le président du conseil départemental.

Le groupe d'opposition Savoie pour tous dit s'inquiéter du retard pris par la Savoie dans le déploiement de la fibre optique, par la voix de Jacqueline Tallin, conseillère départementale de Montmélian.

6,8 millions de dédommagements

La résiliation du contrat vaut mieux qu'un avenant qui aurait pu être attaqué en justice par les concurrents d'Axione, rétorquent Hervé Gaymard et Annick Cressens, maire de Beaufort et conseillère départementale en charge de l'aménagement numérique.

Et même, expliquent-ils, un nouveau contrat, même si il ne pourra pas être mis en place avant 2019, permettra de déployer plus rapidement le très haut-débit : les travaux pourraient être achevés en 2024 plutôt qu'en 2026, et à moindre coût, assurent les deux élus ! Comment? Parce que la technologie a évolué depuis deux ans, et que la concurrence s'est intensifiée sur ce marché, expliquent-ils. Axione était le seul opérateur à avoir postulé pour le précédent contrat, pointe Annick Cressens. Et la filiale de Bouygues ne sera probablement plus seule pour le prochain appel d'offres, avance-t-elle.

Mais si tout s'était bien passé, l'Avant-pays savoyard serait déjà équipé, de même qu'une partie de la Combe de Savoie, lâche l'élue. Et il faudra au département verser 6,8 millions d'euros à Axione pour la dédommager. Cette somme représente 21,5 % de l'investissement du département.

Rappelons que l'attribution de cette DSP avait déjà susciter quelques polémiques. En effet, la Savoie, présidée par Hervé Gaymard, avait attribué ce contrat après six ans de procédure à Axione, filiale de Bouygues. Les détails étaient protégés par le secret des affaires, comme le rappel nos confrères du Lanceur.fr. "Clara Gaymard, épouse du précédent, siège au conseil d'administration de Bouygues et détient des actions, mais selon son mari il n'y aurait pas de situation de conflit d'intérêts", détaillait le pure player en juin 2017.

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Commentaire 1
à écrit le 20/10/2017 à 21:31
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Si j'osais j'emploierais bien un mot « présidentiel » pour qualifier l'aménagement numérique du territoire ! Avec tous les encouragements de la « bête » aux internautes savoyards !! https://websdugevaudan.wordpress.com/

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