Musée des Tissus : la Région et la CCI mettent une rallonge pour sauver l'institution

Le Musée des tissus et des arts décoratifs de Lyon est sauvé. Ce patrimoine lyonnais, propriété de la CCI de Lyon qui n'a plus les moyens d'assurer son fonctionnement, était menacé de fermeture depuis 2015. La chambre consulaire et la région Auvergne-Rhône-Alpes prennent en charge la contribution financière des collectivités lyonnaises, ces dernières refusant de participer un projet qu'elles jugent non viable.

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Presque trois ans de discussions, des réunions innombrables et interminables, des remises en cause et des revirements, pour finalement, une issue positive qui a le goût de la sueur, de l'inquiétude et du combat politique : les Musées des tissus et des arts décoratifs de Lyon sont sauvés. Alors que la situation était dans l'impasse vendredi, au soir de l'ultime et "dernier" comité de pilotage visant à maintenir en vie cette institution culturelle lyonnaise réunissant plus de 2,5 millions d'œuvres, le président de la CCI Lyon Métropole Saint-Etienne Roanne, Emmanuel Imberton à trancher durant le weekend, comme il l'a annoncé ce lundi, dans la cour de l'institution. "Ma responsabilité était d'assurer la pérennité de ce patrimoine qui représente l'ADN de notre ville. J'ai décidé de choisir la seule solution qui me semble possible, à la fois ambitieuse mais réaliste.", a-t-il expliqué, rappelant que la chambre consulaire n'avait plus les moyens de financer seule cette structure, dans un contexte de baisse de subventions et de ressources pour les CCI.

La Région Auvergne-Rhône-Alpes et la CCI en pôle

Des deux scénarios présentés par le cabinet In extenso fin mai, c'est le projet numéro 1 qui a été choisi. Il prévoit le maintien des collections dans les hôtels particuliers actuels tout en proposant une nouvelle approche artistique et scénographique. Pour le mettre en oeuvre, une association sera constituée dès la fin de la semaine, avant la fondation d'un groupement d'intérêt public. Ce scénario était plébiscité par la majorité des acteurs concernés et notamment porté par la Région Auvergne-Rhône-Alpes avec le soutien du syndicat des professionnels du textile Unitex. La Métropole et la Ville de Lyon, en désaccord avec celui-ci, avaient bien présenté mercredi dernier un contre-projet. Mais la réunion de vendredi n'a pas permis de concilier les positions. "J'ai tout essayé pour rapprocher les points de vue", explique Emmanuel Imberton. Les protagonistes se passent donc des contributions lyonnaises - et de leur participation financière - pour assurer la "renaissance" de ce lieu.

Ce projet, d'une enveloppe globale d'investissement de l'ordre de 30 millions d'euros, vise à faire évoluer les musées actuels "vers des musées du XXIe siècle qui allient à la fois ambition culturelle et scientifique de haut niveau". Ce scénario prévoit notamment le passage dans le giron régional du patrimoine mobilier. Les deux hôtels particuliers qui hébergent les musées - d'une valeur de "16 millions d'euros" - seront cédés d'ici la fin de l'année par la CCI à la région pour un euro symbolique. La collectivité régionale apportera  - comme prévu depuis plusieurs mois - 10 millions d'euros d'investissement, l'Etat 5 millions d'euros. Reste donc à trouver 15 millions d'euros de financement. "Nous ferons appel au mécénat privé. J'ai déjà des contacts très sérieux. Les mécènes attendaient un vrai projet", avance Laurent Wauquiez, président de la région Auvergne-Rhône-Alpes. Le syndicat Unitex créera également un fonds de dotation avec un amorçage initial d'un million d'euros. Cette structure a pour vocation de collecter les autres participations privées, et, entre autres, les fonds qui seront levés via une opération de crowdfunding actuellement en cours d'élaboration.

Le projet lyonnais lyonnais isolé

Toujours au niveau de l'architecture financière, le budget annuel de fonctionnement sera assuré par la participation de la région Auvergne-Rhône-Alpes à hauteur d'un 1,3 million d'euros, la CCI de Lyon prend en charge 500 000 euros, l'Etat participe à hauteur de 300 000 euros pendant trois ans. Le ministère de la Culture a donc supprimé sa condition de participation, qui exigeait un cofinancement de toutes les collectivités locales concernées. In fine, les 600 000 euros manquant liés au défaut lyonnais sont absorbés par la CCI et la Région. "Dans le contexte actuel, c'est un effort colossal de notre part", explique Emmanuel Imberton. Ce dernier a cependant assuré que la participation de la chambre consulaire tiendra "le temps qu'il faut", mais qu'à terme, l'argent privé devra prendre le relais. Le déficit d'exploitation est estimé à 1,9 million d'euros,

Ainsi, la ville et la Métropole lyonnaise ne voulaient pas contribuer à ce projet qu'elles estiment trop onéreux, tout en proposant une autre approche culturelle. Elles défendaient une mise en scène itinérante des expositions avec des parcours entre le Musée des Beaux-Arts, le musée des Confluences. La vente de l'Hôtel Villeroy, actuellement dédié au musée des Tissus, devait être cédé (à un privé) pour un prix estimé à 8 millions d'euros. Somme qui contribuerait à rénover l'hôtel de la Croix-Laval et à aménager un centre de conservation des tissus dans un bâtiment (1500 à 2000 mètres carrés) que la Métropole mettrait à disposition sur son territoire pour un total de 18 millions d'euros.

Les collectivités lyonnaises attaquées

Une présentation qui n'a pas convaincu les autres partenaires. "C'était un projet sans lieu, sans chiffres. C'était un projet de spéculation immobilière et d'éparpillement des collections", a déclaré Laurent Wauquiez, qui appelle les collectivités lyonnaises "à reprendre leurs esprits et à revenir vers [nous]. La main est toujours tendue", a-t-il assuré. Contacté ce lundi, le président de la métropole de Lyon, David Kimelfeld, - en déplacement à Francfort -,n'était pas joignable.

Selon Laurent Wauquiez, le projet choisi est un "investissement pour l'avenir", avant de détailler les premiers éléments de celui-ci :

 "Ce projet de renaissance contient cinq priorités : faire vivre le patrimoine en ouvrant les hôtels particuliers sur la ville ; repenser la présentation des collections, notamment grâce à la digitalisation afin de faire de ces espaces des vitrines de l'excellence muséographique; permettre à ce lieu de devenir un espace événementiel ; favoriser la création au sein de ces établissements en résonance avec des musées internationaux ; enfin, nous voulons que les musées soient des hauts lieux de la culture capables d'accueillir des expositions internationales."

Cette approche culturelle devrait permettre aux musées d'augmenter leurs recettes - actuellement d'environ 800 000 euros par an - grâce à une hausse de la fréquentation. A terme, les responsables tablent sur 125 000 visiteurs annuels, contre 60 000 aujourd'hui.

Les salariés en attente

Mais ce projet caractérisé d' "ambitieux" par ses promoteurs ne lève pas toutes les inquiétudes au sein de la vingtaine de salariés, présents lors de l'annonce. Même si "c'est une excellente nouvelle", comme l'affirme une employée du bout des lèvres, "la route est encore longue", poursuit une autre, soulignant que ces annonces peuvent "s'apparenter à une vision à court terme". Cette salariée, semble-t-il éprouvée par ces longs mois d'inquiétude, se questionne notamment sur les moyens alloués au budget de fonctionnement "par rapport aux ambitions du projet". Reste également à mettre en place une nouvelle direction, alors que le directeur général, Maximilien Durand, est parti en juin. Et à lancer les travaux, d'ici 2019, assure Laurent Wauquiez. L'accessibilité du site devrait être en partie maintenue pendant sa transformation.

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