Romain Meltz : "Laurent Wauquiez se pose en concurrent de l'État"

Professeur en sciences politiques à l'université Lumière Lyon 2, Romain Meltz analyse le discours prononcé par Laurent Wauquiez lors de son investiture à la tête de la région Auvergne Rhône-Alpes, tant sur le fond que sur la forme. En nommant des personnes issues de la société civile à la vice-présidence, le numéro 2 des Républicains a fait "un choix courageux", estime le politologue.
Pour Romain Meltz, le nouveau président d'Auvergne-Rhône-Alpes propose des mesures qui vont "typiquement à l'encontre du Conseil d'État"

ACTEURS DE L'ÉCONOMIE - LA TRIBUNE : Laurent Wauquiez a été élu à la présidence de la région Auvergne Rhône-Alpes, lundi 4 janvier. Au cours de son discours, plusieurs mesures ont été annoncées. Mais sur la forme, qu'en avez-vous pensé ?

ROMAIN MELTZ. Comme on dit "seul le prononcé fait foi". Mais justement, je trouve très parlant l'écart signifiant entre le discours tel qu'il a été prononcé et le discours tel qu'il avait été écrit. Au départ, il avait préparé, lui ou ses conseillers, un discours de politique générale, qui n'était pas cadré par rapport à la région Auvergne-Rhône-Alpes.

Au moment où il lit son propos, il se rend compte qu'il a écrit un discours pour la France. Un constat très net dès le départ puisqu'au premier paragraphe, dans la version écrite, il est inscrit "notre pays, la France, les Français". À l'oral, ces termes ont été remplacés par le mot "région". Ce qui peut parfois donner des formulations ridicules.

Le numéro 2 des Républicains a annoncé qu'il souhaitait réduire le train de vie des élus, en réduisant leurs indemnités, par exemple. Le but : réaliser une économie de 19 millions d'euros. Est-ce une réelle volonté de sa par, ou une façon de satisfaire son électorat ?

Nous pouvons voir deux niveaux de politique dans son discours. Sur la baisse des indemnités, il a lui-même reconnu qu'il s'agissait avant tout d'un symbole et que cela n'aurait aucune influence, si ce n'est cette volonté d'exemplarité.

Mais, il a également annoncé que pendant cinq ans et trois mois, des mesures seront prises pour la formation professionnelle, les TER... En accumulant ces mesures, il entre dans la vraie politique.

Laurent Wauquiez a fait le choix de ne nommer que 15 vice-présidents et deux conseillers. Cependant, quand nous regardons les fonctions attribuées à chacun, notamment économiques, celles-ci sont plutôt éclatées. Est-ce efficace et cohérent ?

Je n'ai pas été choqué par les termes employés pour les vice-présidents. Ce qu'il y a de plus net, par contre, dans son discours, c'est sa volonté de se poser en concurrence avec l'État. Par exemple, lorsqu'il dit qu'il va rétablir la bourse au mérite ou lorsqu'il parle de préférence régionale. Tout le monde pensait qu'il s'agissait d'un thème de campagne, un peu sur l'idée de la préférence nationale du Front national. Mais il l'a de nouveau affirmé dans son discours. Sauf qu'il n'a pas le droit, c'est totalement interdit. De plus, cela va typiquement à l'encontre du Conseil d'État, dont il a été membre.

Vous dites ne pas être choqué par les dénominations des vice-présidents. Même pas par celle de Philippe Meunier, en charge de la chasse, de la pêche, de la sécurité et des partenariats internationaux ?

Je ne comprends pas mieux que vous. Peut-être qu'avec la chasse, il est possible de faire un lien avec les armes. Mais c'est tellement incongru. D'autant plus que chasse, pêche et sécurité ne sont en rien des compétences régionales. Raison de plus pour ne pas trop s'y attarder : Philippe Meunier n'a pas de réelles fonctions et il ne se positionne qu'en neuvième place sur la liste.

Brice Hortefeux, lui, est numéro 2. Pourtant lui aussi dispose d'une fonction qui peut porter à confusion: la solidarité avec les Auvergnats.

C'est tout aussi incongru. Mais, en même temps, l'Auvergne ne pèse pas dans cette région. L'aspect symbolique de cette formulation a du sens. Laurent Wauquiez avait peut-être peur que les Auvergnats se sentent loin et a souhaité afficher que le numéro 2 prenait en compte cette problématique. C'est reconnaître qu'il existe un écart fort de production et qu'on ne les oublie pas.

Auvergne-Rhône-Alpes compte douze départements pour quinze vice-présidences. Pourtant, l'Allier n'est pas représenté et l'Ardèche compte seulement un conseiller. Ne seraient-ce pas eux les oubliés ?

Il est ici question de la représentation et de la représentativité. La démocratie représentative est fondée sur l'idée que l'on représente des opinions. Mais au cours du temps, cette idée fondamentale a dérivé vers plus de représentation. Je ne pense pas qu'il faille s'alerter de cette répartition.

Sept femmes pour 15 postes. La parité est respectée. Mais à y regarder de plus près, ces dernières ont les charges qui leurs sont généralement attribuées : l'éducation, la culture, la jeunesse. Est-ce une parité de façade ?

Dans la politique régionale, les lycées ont un poids considérable. Cette vice-présidence attribuée à Béatrice Berthoux pèse plus lourd que celle de Philippe Meunier, par exemple, qui n'a aucun portefeuille. Et puis, Laurent Wauquiez a fait le pari de promouvoir des personnes qui ne viennent pas de la politique, comme Juliette Jarry, déléguée à l'économie de proximité, au commerce, à l'artisanat, aux professions libérales et au numérique. Il prend là de vrais risques, car si cela ne fonctionne pas, il pourrait y avoir des conséquences. Ce choix est courageux.

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Commentaires 2
à écrit le 15/01/2016 à 18:53
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En bref, tout va très bien. C'est parfait. Ecartons toutes les questions gênantes. Heureusement qu'il ne s'appelle pas Hollande, sinon il en aurait pris plein la figure.

à écrit le 08/01/2016 à 18:00
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Wauquiez garde le mandat de Député qui permet de gagner beaucoup d'argent en brassant de l'air, il aime le pognon, alors le cumul avec uneprésidence de région lui permet d'en gagner encore plus ; la région est de ses moindres intérêts. Il est dans...

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