[Tourisme2050 3/4] L'énième révolution de l’hébergement

Après avoir été mis en difficulté par les plateformes collaboratives type Airbnb, les hôteliers ont entamé leur révolution : concentration des établissement, nouvel expérience utilisateur. Jusqu'à retrouver leur lettre de noblesse en 2050 ? Troisième volet dédié à notre dossier "Tourisme en 2050".

"L'activité hôtelière, si elle reste dans cette configuration, aura, sans plus ni moins, disparue à l'horizon 2050". Contre toute attente, ce constat n'est pas porté par les disrupteurs "traditionnels" du secteur de l'hébergement à l'instar des Airbnb ou autres booking.com, mais bien par un acteur historique, Laurent Duc, président de la branche hôtellerie de l'Umih Rhône. Un témoignage qui signe la prise de conscience des protagonistes face à des évolutions qui sont à la fois d'usages et technologiques.

Plusieurs vitesses d'hébergement touristique

L'hébergement touristique en 2050 se résumera-t-il à une querelle entre les anciens et les modernes, devant aboutir à la mort de l'un des deux ? "Il y a de la place pour tout le monde, l'économie traditionnelle et la "sharing economy". L'un ne vas pas tuer l'autre", estime, dans une étude, Vincent Wermus, ancien directeur général de Homeway france. La projection semble en effet plus compliquée, et de nombreux paramètres sont à prendre en compte.

"Il existera plusieurs vitesses d'hébergement touristique. Il regroupera des notions plurielles. Mais une chose est sûre : la problématique historique ne changera pas. Les gens auront toujours besoin d'un lit. Ce qui sera modifié, c'est la diversité de l'offre, de l'expérience, de l'adaptabilité par rapport au souhait du client", éclaire Benjamin Devisme, organisateur du prochain forum Hotel 2.0.

D'abord, l'activité hôtelière n'est pas (tout à fait) condamnée. Mais une profonde restructuration est à prévoir. Tous les acteurs interrogés s'accordent à dire qu'un processus de concentration sera forcément à l'oeuvre dans les prochaines années. Pour appuyer cette tendance, le responsable de l'Union des Métiers et des Industries de l'Hôtellerie souligne que 3 500 hôtels, en France, ont disparu depuis 10 ans, sans que le nombre de chambres ait baissé. "Les unités économiques sont de plus en plus importantes", synthétise Laurent Duc. En conséquence, "le middle market sera obligatoirement impacté. Se dessinera alors une concentration autour de deux typologies de clients : celui qui a un besoin strict, défini, et celui qui souhaite une expérience, un souvenir", souligne Grégory Pourrin, CEO de Paris Inn group.

Réinventer l'expérience client

C'est sur ces créneaux que les hôteliers, davantage concentrés, auront, demain, des cartes à jouer. Ils devront également faire leur propre révolution. "On est à la fin d'une époque durant laquelle l'hôtellerie pouvait se permettre d'imposer ses lois, notamment en matière d'horaire. La flexibilité sera la règle", assurait dans cette même étude Vivek Badrinath, ancien directeur adjoint de AccorHotels. "L'hôtellerie traditionnelle s'est contentée, pendant trop longtemps, d'attendre le client. C'est désormais à elle d'aller le chercher", enfonce Benjamin Devisme. In fine, "le vrai enjeu de l'hébergement touristique hôtelier est de redonner de la fluidité au parcours client", assure Grégory Pourrin.

Une "fluidité" qui pourrait passer le "day use" : location de chambre à l'heure, services à la carte (conciergerie, laverie, salles de réception, spas) ouvert vers un public extérieur. Mais aussi, l'expérience client sera bouleversée par de nouvelles innovations. Paris Inn Group accompagne ainsi plusieurs startups. L'une d'entre elles développe une application qui permettra de proposer différents services, de l'aéroport aux sorties touristiques, grâce à l'exploitation des données, afin de ne plus connaitre de "rupture" dans la chaîne d'expérience. Laurent Duc imagine même l'intégration de la 3D ou de la réalité augmentée comme une possibilité de voyager de sa chambre d'hôtel. "Ce tourisme virtuel répondra, finalement, à des besoins qui existent depuis de nombreuses années : faire connaitre au touriste un environnement différent".

Vers une régulation de l'économie partagée

Au-delà des nouvelles exigences des clients, les hôteliers peuvent compter sur des atouts anciens. A l'instar des ressources humaines. Si la technologie doit être présente dans les établissements, la main-d'oeuvre qualifiée, au service des clients lorsque ceux-ci ont en besoin, est un levier de différenciation majeur. Ajoutez, aussi, le caractère "social" historique des hôtels, qui se veulent des lieux privilégiés de rencontres.

Cette promesse du lien social est, à la base, un atout mis en avant par les plateformes de l'économie collaboratives. Mais "dans de nombreux cas, certaines offres ont perdu leur côté collaboratif pour verser dans une logique industrielle", souligne une source, estimant que la promesse d'un moment partagé avec son hôte n'est pas toujours respectée, et que "le pacte de service (propreté, sécurité) n'est pas toujours au niveau". Conscience de ces enjeux, Airbnb, par exemple, propose des mises en relation avec des guides, afin d'améliorer l'expérience client.

Ainsi, en 2050, ces grandes plateformes auront-elles toujours le vent en poupe ? "L'économie collaborative va être de plus en plus régulé par les législateurs, comme le démontrent les péripéties Airbnb dans certaines grandes villes, quand il sert de faux nez à une offre industrielle non régulée", soulignait Vivek Badrinath. Cette dernière tendance, ainsi que les révolutions d'usages en cours chez les hôteliers, suffiront-t-ils pour convaincre ces "touristes autonomes", volatiles, ceux de la génération Airbnb qui seront une grande partie de leur clientèle de demain, à retrouver les halls luxueux de leurs hôtels ?

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