« Une fois mères, les infirmiers restent rarement… »

Maïté Castaing, surveillante, s'affaire. Les bagages s'amoncellent, les parents s'activent. Le départ pour la classe verte approche.

Le couloir est large, lumineux. Un salon suspendu, bordé de larges baies vitrées, relie par une passerelle l'espace des chambres à celui des jeux, de la salle de classe, et à une terrasse plantée de pelouse. Aux murs, de nombreux dessins. Des photographies, qui exposent de beaux visages, de larges sourires, et figent des scènes de vie. Sans doute le service pédiatrie est-il le seul du Centre où l'on entend rire. C'est pourtant là que la cruauté et l'injustice de la maladie se font les plus furieuses. « Comment voulez-vous trouver le moindre mot pour expliquer ce drame à un enfant et à ses parents ? » s'interroge un médecin. Principal particularisme de la fonction des soignants, la multiplication des interlocuteurs. A la relation avec la malade se jumelle celle avec les parents - parfois les grands-parents -, qui oblige à adapter, à personnaliser, à équilibre les discours. Invité malgré lui dans l'histoire de la famille, parfois écartelé au milieu des dissensions, il doit « se refuser » à prendre part(i). Et conserver « la priorité » au malade, résister aux tentatives - légitimes et parfois inconscientes - des parents d'accaparer l'attention et de s'approprier la décision, contenir leur volonté d'immixtion, mais aussi tendre vers eux une écoute et une empathie profondes. Chaque partie a ses questions, ses inquiétudes, parfois dissemblables. « On annonce les mêmes informations. Mais avec plus ou moins de développements et des langages différents » précise Christophe Bergeron. Fondamentales, une « totale » cohérence des propos dispensés auprès de chacun, et l'assurance, pour l'enfant, que le soignant est « toujours de son côté » et n'est pas une écueil supplémentaire. Le moindre doute, le premier mensonge ouvrent une brèche au fond de laquelle se noie une confiance patiemment échafaudée. Autant de vigilances qui chez les adolescents prennent une dimension accrue. « Avec eux, il faut savoir faire face à la colère ». A la rébellion. Parfois aussi à la claustration. A une grande solitude, sans doute aussi pour se protéger d'une régression provoquée par des parents qui « reprennent les pleins pouvoirs », réinvestissent l'intimité de leur enfant, et se réapproprient son indépendance. 

C'est cette même confiance qui va permettre aux parents, « peu à peu », de dessangler l'inévitable sentiment de culpabilité qui les envahit dès le diagnostic. « Est-ce nous qui lui avons transmis la maladie ? Est-ce parce que nous sommes divorcés ? ». Le processus se déporte ensuite vers le personnel soignant, surtout lorsqu'il y a échec ou récidive. La raison ? La quête d'identifier « le coupable », de repérer « la cause ». « Ce combat contre la maladie est d'autant plus difficile qu'il n'y a pas de responsable à pourchasser sur lequel pourraient se concentrer les énergies. Notre travail est là : amener les acteurs à accepter cette absence » confie Christophe Bergeron. 

Toutes ces souffrances, mais aussi ces joies et ces guérisons, Maïté Castaing n'hésite pas à confesser qu'elles l'ont construite, sculptée. Transfigurée. « Elles ont fait bien plus que m'apporter. Elles sont dans mon être ». Elles l'ont aussi beaucoup fatiguée. En pédiatrie, le personnel infirmier demeure peu longtemps. « Une fois devenues mères, les jeunes femmes restent rarement »… 

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