Roanne, futur eldorado entrepreneurial

Située au nord du département de la Loire, à moins d’une heure de route de Lyon, Roanne entend se positionner comme un territoire agile propice à l’initiative entrepreneuriale. Plus de 100 millions d’euros devraient être injectés par des entreprises sur ce territoire. Pour casser une image surannée, contribuer à renforcer son attractivité et attirer les porteurs de projet, l’agglomération insiste sur la rapidité des circuits de décision, le faible coût et la disponibilité du foncier. Un futur eldorado pour entrepreneurs.
Michel Troisgros confirme son ancrage en terre roannaise puisqu'il vient d'installer son établissement sur la petite commune de Ouches. (Crédits : Laurent Cerino / ADE)

L'endroit est élégant et envoûtant. Un magnifique corps de ferme au pied de la côte roannaise, entouré de bois, de prairies et jouxtant un étang. Dans ce décor paisible et rural, à huit kilomètres à l'ouest de Roanne, dans la petite commune d'Ouches, Michel Troisgros a décidé d'assurer l'avenir de l'entreprise ligérienne fondée en 1930. Le chef étoilé y a investi huit millions d'euros pour ouvrir, le 18 février, son navire amiral : un restaurant d'une capacité de soixante couverts, le Bois sans feuilles, et la Grande maison, qui abrite quinze chambres de luxe. Dans cet ensemble d'exception, 55 salariés s'affairent. Implantée depuis son origine à côté de la gare de Roanne, la Maison Troisgros devient enfin propriétaire de ses murs. Un nouveau départ.

"À la gare, nous avions tout expérimenté, tant en termes de cuisine que d'aménagement de l'espace, estime Michel Troisgros. Nous avions atteint une limite. Aujourd'hui, ce nouvel environnement va contribuer à faire évoluer notre cuisine, à exciter notre imagination."

Un endettement sur vingt ans doit assurer la relève pour César (30 ans) et Léo (24 ans), les deux fils de Michel et Marie-Pierre Troisgros, la quatrième génération à la tête du restaurant familial.

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Partir ?

Tandis que des étoilés comme Pierre Gagnaire ou Christophe Roure (Neuvième art) ont quitté la Loire pour Paris ou Lyon, Michel et Marie-Pierre Troisgros confirment leur ancrage en terre roannaise.

"Il pourrait être tentant d'aller sur Lyon, mais ce serait une erreur, car l'existence de la Maison Troisgros est intimement liée à Roanne, affirme le chef. Partir d'ici reviendrait à se tirer une balle dans le pied. D'ailleurs, la question ne se pose même, car l'activité est rentable."

La clientèle, issue d'un rayon de 150 kilomètres aux alentours (Lyon, Clermont-Ferrand, Mâcon, Moulins, etc.), est résolument fidèle à l'établissement dont les trois étoiles rayonnent depuis bientôt cinquante ans.

Roanne

Pneumatiques ultra haute performance

Le choix de la famille Troisgros d'investir à Roanne n'est pas une exception. Cette année, plus de cent millions d'euros devraient être injectés par des entreprises sur le territoire. Michelin est l'artisan principal de cette performance. Le groupe clermontois prévoit en effet d'investir quatre-vingt millions d'euros d'ici à 2019 sur son unité roannaise. En 2015, celle-ci a échappé de justesse à une lourde restructuration en raison d'un déficit de compétitivité. Finalement, la direction et les représentants du personnel ont signé un "pacte d'avenir" qui a repositionné l'unité de 850 salariés sur le segment des pneumatiques ultra-haute performance, un créneau de pointe qui progresse de 10 % chaque année au niveau mondial. Autre poids lourd du territoire : Delipapier (groupe Sofidel) a investi quarante millions d'euros sur le territoire depuis 2010. L'an dernier, le fabricant d'articles à usage sanitaire (papier-toilette, essuie-tout, etc.) s'est offert une extension de 15 000 m² de son site de Roanne pour le stockage des produits finis.

À une autre échelle, des PME telles que Barriquand échangeurs - Steriflow (équipements frigorifiques industriels) ou BCGE (emballages plastiques) vont chacune consacrer 2,5 millions d'euros à la modernisation de leur outil de production. D'autres investissent dans le foncier, à l'image de Téléflow qui fait construire un nouveau siège (deux millions d'euros), ou Côté ouverture qui se dote d'un nouvel atelier (un million d'euros). Côté textile, Fremaux Delorme (Nord) a ouvert une nouvelle usine à Sevelinges. Un investissement de 1,8 million d'euros dédié à la production de serviettes-éponges jacquard. "Ce sont les compétences humaines qui nous font rester dans le Roannais", témoigne Philippe Delfosse, directeur industriel du groupe.

Être identifié

Historiquement porté sur l'industrie (textile, défense, papeterie, métallurgie), le Roannais a conservé l'image d'une terre marquée par la crise économique des années 1970. Une épopée dont les derniers grands chocs sont les liquidations de grands noms tels que Bel maille ou Ultranova. Aujourd'hui encore, les fers de lance du territoire sont des industriels (Michelin, Nexter systems), des entreprises agroalimentaires (Valentin traiteur, Révillon, Mons, Pralus) ou du textile-habillement (Devernois, Carré blanc).

Pour casser une image datée et contribuer à renforcer son attractivité, le territoire roannais a lancé fin 2014 sa marque "Roanne tout & simplement".

"Nous avons constaté que les chefs d'entreprise roannais recevaient moins de candidatures à leurs offres d'emploi lorsqu'ils indiquaient Roanne plutôt que Rhône-Alpes sur leurs annonces", souligne Elsa Oblette, chargée de mission chez Roanne territoire.

Portée par la chambre de commerce et les institutions locales, la petite marque ne dispose que d'un budget de 150 000 euros. Hors de question, donc, d'entrer en concurrence frontale avec des acteurs comme Only Lyon ou Auvergne nouveau monde. Roanne tout & simplement a choisi un autre angle d'attaque, délivrant un message axé sur les facilités offertes par le cadre de vie de la région roannaise. Un argumentaire qui transite notamment par un réseau de plus de 600 ambassadeurs, principalement des cadres et des dirigeants. L'un des enjeux du territoire est d'abord d'être identifié sur une carte de France. "Notre candidature a été retenue pour accueillir le barrage de la Fed cup en avril. À cette occasion, le journaliste d'une radio lyonnaise nous a situés en Haute-Loire", soupire Elsa Oblette.

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Opération séduction

Aux yeux des Roannais, Saint-Étienne est davantage perçue comme un chef-lieu administratif que comme une capitale économique. Roanne est donc naturellement tournée vers la métropole lyonnaise, cœur de cible de la marque territoriale. En particulier, les cadres et porteurs de projets dans la tranche 25-45 ans qu'elle tente de séduire avec l'argument de l'agilité.

"Plutôt que de parler de notre tissu industriel fort, nous avons choisi de mettre en avant la qualité de vie, la proximité entre les acteurs économiques et la rapidité des circuits de décision. Un porteur de projet qui s'installe ici peut rencontrer du jour au lendemain le président de la CCI et celui de la communauté d'agglomération", assure le député-maire de Roanne, Yves Nicolin.

Un atout qui a convaincu le groupe polonais Eagle (machines de découpe laser pour l'industrie) d'implanter à Roanne sa filiale française. "Ici, les gens ont été attentifs à nos besoins, affirme le dirigeant d'Eagle France, José Manuel Menargues. Nous avons eu droit à un accompagnement que nous n'avons pas ressenti ailleurs, notamment à Chalon-sur-Saône et à Mâcon." La filiale envisage d'ouvrir un show-room sur Roanne puis, d'ici cinq ans, de disposer d'une unité de fabrication. "Nous sommes déjà à la recherche de locaux plus grands", anticipe le dirigeant.

Campus Roanne Université Jean Monnet

L'université Jean-Monnet de Saint-Etienne dispose d'un campus à Roanne, fréquenté par 1 000 étudiants. Il participe aussi à l'attractivité du territoire. (Crédits : Laurent Cerino / ADE)

Eldorado de l'ouest lyonnais

Dans un contexte global de rareté des espaces, l'autre grand argument du territoire, c'est la disponibilité et le coût du foncier, le tout à moins d'une heure de route de Lyon. "Le grand avantage du Roannais, c'est que l'on peut faire construire un bâtiment de 1 500 m² à des prix raisonnables", résume le directeur général de Téléflow, Guillaume Fazékas. Pour accompagner sa forte croissance (+ 75 % en 2016), la PME spécialisée dans les systèmes de télégonflage de pneumatiques a investi dans un édifice deux fois plus grand que l'actuel. Celui-ci sera basé sur l'écoparc de Bonvert, à Mably. "Les entreprises qui veulent se développer sur Lyon n'ont pas toujours la place nécessaire et doivent le faire à des coûts prohibitifs, tandis que nous disposons de foncier libre à des prix attractifs. Nous voulons être l'eldorado de l'ouest lyonnais", clame Yves Nicolin. Actuellement, 88 hectares sont disponibles dans les différentes zones d'activité de l'agglomération.

"Se positionner comme le faubourg de Lyon nous donne accès à la véritable métropole", estime le président de la délégation roannaise de la CCI Lyon métropole, Guy Delorme. Reste la question de l'enclavement relatif de l'agglomération roannaise et de ses 100 000 habitants. "Tous les hommes politiques de Roanne ont fait leur carrière politique sur cette question", constate Guy Delorme. Le principal verrou est situé en amont du tronçon de l'A89 reliant Balbigny à la Tour-de-Salvagny ainsi qu'au niveau du raccordement à l'A6 au nord de Lyon. "Ces deux problèmes seront résolus au printemps 2018", se réjouit-il. À l'horizon 2035, l'élu espère également voir s'arrêter le TGV en gare de Roanne. "A priori, quel que soit le tracé retenu, la ligne Paris-Orléans-Clermont-Lyon devrait passer par Roanne." Le territoire n'a pas le choix. Le train de sa transformation n'attendra pas.

Vin : la côte-roannaise cultive son identité

Souvent associée aux "petits vins de pays", l'appellation côte-roannaise entend bien être visible sur la carte de France et les cartes des vins. Pour y parvenir, elle associe ses efforts à ceux des petits vignobles voisins. Ainsi, en 2012, les structures gérant les deux AOC ligériennes côte-roannaise et côtes-du-Forez ont fusionné en une seule : l'Association des vignobles Forez-Roannais (AVFR), qui recouvre 330 hectares de vignobles, 35 exploitations individuelles et une cave coopérative. L'AVFR se rapproche désormais des AOC saint-pourçain (Allier) et côtes-d'Auvergne (Puy-de-Dôme). "Nous sommes situés en amont de la Vallée de la Loire et nous travaillons ensemble pour revêtir une identité commune", explique Stéphane Sérol, viticulteur à Renaison et président de l'association.

L'enjeu pour ces petites appellations est d'être lisibles et visibles du grand public et des journalistes spécialisés. Dans cette optique, elles ont engagé un cabinet qui mène actuellement une étude de positionnement. "L'objectif est de savoir qui nous sommes, connaître notre histoire commune et notre géographie", souligne Stéphane Sérol. Les quatre AOC devraient disposer d'une bannière commune d'ici à la fin de l'année afin de pouvoir mener de concert des actions de communication. Elles se retrouvent déjà chaque année, depuis quatre ans, pour organiser un salon professionnel : "Ici commence la Loire".

Afin de doper l'image et la notoriété de ses appellations, l'AVFR met en œuvre des actions auprès de la presse spécialisée parisienne. "Nous développons les relations presse depuis 2008, précise Stéphane Sérol. En l'espace de neuf ans, nous avons vraiment progressé dans les guides des vins et la presse spécialisée." Les efforts de communication portent également au niveau local, où l'image de la côte-roannaise n'est pas toujours flatteuse. L'AVFR travaille notamment sur un projet de rallye touristique dans le vignoble roannais qui devrait être opérationnel à l'horizon 2018.

Le vignoble de la côte-roannaise met en avant son cépage gamay. Objectif : profiter de l'engouement actuel des consommateurs pour les vins plus frais et fruités, moins corsés et tanniques. "Pendant les années 1990 à 2010, le gamay a souffert de la « parkerisation » du vin, analyse Stéphane Sérol. Une tendance qui a poussé à la production de vins « bodybuildés », de bêtes à concours. Aujourd'hui, le gamay revient à la mode, car il permet de faire des vins possédant un degré alcoolique moins élevé, marqués par la finesse et l'élégance des tanins. Nos vignerons sont attentifs à leur terroir et nos vins ont une vraie identité. Ce ne sont pas des vins technologiques ni standardisés." Les productions de la côte-roannaise séduisent désormais les cavistes parisiens et l'export commence à décoller, notamment aux États-Unis, en Europe du Nord et en Asie. Autre atout pour séduire le consommateur : l'AOC côte-roannaise compte 40 % de production bio, soit quatre fois plus que la moyenne nationale.

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