Les Savoies, le regard tourné vers la Suisse

Si tout reste à construire avec une Auvergne éloignée à l'ouest, la Savoie et la Haute-Savoie sont habituées depuis longtemps à collaborer avec leurs partenaires proches de l'est. Et la plupart des projets à venir sont bien tournés vers la Suisse voisine, plutôt que vers l'Auvergne.

Nombreux projets sont en construction avec les voisins suisses plutôt qu'avec l'Auvergne et ce, depuis des années. Par exemple le Grand Genève rassemble 212 communes françaises et suisses (dont le syndicat mixte de l'ARC qui regroupe 120 communes françaises du Grand Genève, situées sur les départements de l'Ain et de la Haute-Savoie. Il évoluera en pôle métropolitain en 2017) - qui constitue la seconde agglomération de Rhône-Alpes, derrière Lyon, et la seconde agglomération de Suisse, derrière Zurich -, pour œuvrer à l'amélioration de la qualité de vie de cette agglomération à cheval sur deux pays.

Un autre acteur résolument tourné vers la Suisse est l'USMB, qui a engagé des discussions avec la Haute école spécialisée de Suisse occidentale (HES-SO) en vue de mettre en place des plateformes thématiques, voire d'adopter un logo commun. Des actions partagées en formation continue sont aussi prévues avec l'Université de Genève.

« Les milieux économiques et académiques ont le souhait de travailler ensemble dans les deux pays, souligne Denis Varaschin, président de l'USMB, qui voit une tendance naturelle à se rapprocher de la Suisse, voire de l'Italie du Nord. En Suisse et en Savoie, nous partageons le même pragmatisme. Nous construisons des projets ensemble, créons des liens d'amitié dans une relation de proximité qui a un rôle considérable. »

Qu'adviendra-t-il de cette proximité alors qu'un pôle régional universitaire se tisse sur l'ensemble de la région Auvergne-Rhône-Alpes, sous la forme de l'Alliance de l'Université Rhône-Alpes (Aura), visant à renforcer le partenariat entre les établissements régionaux ?

« Les structures les plus efficaces ne sont pas les plus grandes, estime Denis Varaschin. Ce sont celles de tailles petite ou moyenne, vivant dans des réseaux, et disposant ainsi de moyens importants. Et c'est bien la qualité de la formation qui leur permet de marcher sur leurs deux jambes. »

Denis Varaschin

Denis Varaschin, président de l'USMB.

Quand on lui demande de regarder plus à l'ouest, le président universitaire observe que l'USMB a « peu de relations avec les universités et les établissements clermontois... Peut-être pourrions-nous collaborer davantage avec eux sur le thème de la montagne ? », esquisse-t-il.

La problématique frontalière

Sur le plan économique, la Suisse est un partenaire considérable pour les Savoie.

« La Suisse est un vrai poumon pour l'économie de la Haute-Savoie, souligne Pascal Marchetti, directeur général de la Banque Populaire des Alpes. Ce n'est pas un gadget. C'est une réalité économique et sociale. »

Comment cette réalité sera-t-elle perçue dans l'Allier et dans le Cantal, quand il faudra contribuer au financement d'infrastructures de transport en région frontalière, afin de soutenir l'activité économique dans le Genevois ? Acceptera-t-on d'investir dans un territoire riche ? Bien plus riche que d'autres zones de la grande région Auvergne-Rhône-Alpes ?

« Cette grande région facilitera-t-elle le rebond des territoires ou bien nivellera-t-elle les atouts territoriaux ? » résume Pascal Marchetti.

Du côté des travailleurs frontaliers, l'inquiétude est de mise. Ils sont près de 100 000 résidents de la Haute-Savoie à gagner leur vie en Suisse. Et à bien la gagner : leur salaire médian s'élève à 6 500 francs suisses - soit autant en euros. Mais l'élargissement de la région sème le scepticisme. « Nous craignons une perte de connaissance de la spécificité frontalière », explique Jean-François Besson, le secrétaire général du Groupement transfrontalier européen, qui regroupe 60 000 travailleurs frontaliers. Le responsable connaît déjà les inconvénients d'une vision éloignée de la zone frontalière.

« À Paris, on nous dit déjà que nous n'avions pas besoin d'aides puisque la région frontalière a un des plus faibles taux de chômage en France, rapporte Jean-François Besson. Quand il faudra expliquer les problématiques du logement en zone frontalière à un représentant du Cantal, on ne sera pas du tout sur les mêmes problématiques que celles qu'il rencontre sur son territoire. »

Jean François Besson

Jean-François Besson, le secrétaire général du Groupement transfrontalier européen.

Le secrétaire général du Groupement transfrontalier européen craint également que la fusion régionale diminue encore la réactivité de la collectivité dans son intervention économique, lui qui sait que les Suisses confient la compétence économique à leurs cantons. Ces mêmes Suisses que Jean-François Besson décrit « un peu inquiets ».

« Dans les réunions transfrontalières, vous avez un Suisse, représentant du canton, et face à lui, des représentants du département, du préfet, de la région... qui se passent tous la patate chaude quand personne ne veut traiter le dossier ! »

Des Suisses inquiets ?

Il suffit de lire l'interview de François Longchamp, président du Conseil d'État du canton de Genève, accordée au début de l'année à l'hebdomadaire Le Messager. Le responsable politique brandit la menace de ne plus verser les fonds frontaliers - 230 millions d'euros en 2014, soit le tiers du budget de la région Auvergne — qui contribuent à financer les infrastructures des communes françaises où résident les travailleurs frontaliers.

« Quand on voit que les départements sont amenés à disparaître, et que la région de référence, Rhône-Alpes, va fusionner avec une Auvergne plus modeste et en déclin, nous sommes inquiets. Si nous n'avons pas la certitude que les sommes importantes reversées par Genève sont précisément utilisées à ces fins de voisinage, évidemment nous mettrons fin à cet accord. Il s'agit de construire des infrastructures à Reignier et Annemasse, pas de déneiger les volcans d'Auvergne. »

Vue sur le lac Léman.

Alourdissement en vue

Les premiers effets de la fusion régionale pourraient être plus limitants que créateurs de synergies. Ainsi, le changement de périmètre risque de compliquer la tâche de certains acteurs, le temps que la future collectivité régionale prenne ses marques.

« La mise en œuvre sera sans doute longue et compliquée, prévient Patrick Eveno, directeur de Citia, la cité de l'image en mouvement, basée à Annecy. Cela risque de gripper certains dispositifs de la région. »

Pour autant, il ne se montre pas inquiet quant à l'avenir.

« Cela ne changera rien pour le Festival international du film d'animation d'Annecy ni pour le Marché international du film d'animation. Cela peut même favoriser les possibilités de travailler avec des acteurs auvergnats que nous connaîtrions mal. »

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carte

Population

  • Pays de Savoie : 1 177 000 habitants, soit 15 % de la région Aura (7 695 000 habitants)

Aires urbaines :

  • Lyon : 2 214 000 habitants
  • Chambéry-Annecy-Genevois français : 731 000 habitants
  • Grenoble : 680 000 habitants
  • Saint-Étienne : 513 000 habitants
  • Clermont-Ferrand : 470 000 habitants

Géographie

  • Pays de Savoie : 10 416 km2, soit 15 % de la région Aura (69 711 km2)

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Commentaire 1
à écrit le 09/12/2015 à 18:35
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Les Savoies, le regard tourné vers la Suisse, c'est insuffisant ; L'étape cruciale est que les Savoies votent un référendum pour entrer dans la CONFéDéRATION SUISSE pour sortir de cette France déboussolée, c'est que les Savoies sortent de ...

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