Jérôme Chabannes, il joue du piano debout

Aimer et faire aimer la musique, vivre et faire vivre la musique : voilà le double credo de Jérôme Chabannes, qui a fait de la musique sa vie. Amoureux de piano, ce Lyonnais touche-à-tout s’emploie à transmettre et à faire découvrir "son art" au travers du cycle "Piano à Lyon", dont il mène avec brio l’accomplissement aussi bien artistique que financier. Si les plus grands solistes font escale à Lyon, c’est grâce à lui.

"C'est un organisateur connaisseur, attentif, attentionné avec l'artiste qu'il reçoit, dont la composante humaine égale la composante professionnelle. Il écoute l'artiste. C'est un jeune qui a rajeuni la musique à Lyon, en particulier le piano, comme le public en la matière. Avec lui, le courant passe, dans une ville où cet instrument a toujours occupé une place de choix. Du coup, on aime venir y jouer et y revenir." De la bouche de Michel Dalberto, pianiste de renommée internationale, le verdict tombe, enjoué, visant l'initiateur, créateur, animateur et directeur artistique du cycle "Piano à Lyon", Jérôme Chabannes.

L'avis d'un habitué qui vient et revient. En novembre 2005, le pianiste, issu d'une famille grenobloise, était l'artiste choisi pour donner le coup d'envoi de cette première saison musicale, avec un concert Schubert donné dans le cadre idéal de la salle Molière et de son excellente acoustique. Un pianiste resté un habitué : en juin 2017, il clôturera la saison avec un nouveau concert en compagnie de Beethoven, Franck et Fauré. Une saison qui aura vu et entendu d'autres habitués de la même pointure, ayant suivi plusieurs fois le même chemin, de François-Frédéric Guy, avec Brahms, à Martha Argerich et Stephen Kovacevich, avec Mozart, Debussy et Rachmaninov, en passant par les sœurs Katia et Marielle Labèque, avec Stravinsky et Bartók. Et après que le cycle 2016-2017 a été précédé par l'habituel concert-prélude permettant d'écouter et de découvrir l'un de ces pianistes de la nouvelle génération que Jérôme Chabannes aime aussi faire venir à Lyon et mêler aux grands anciens. En l'occurrence Luis Fernando Pérez, un Madrilène qui magnifia Chopin, Debussy et Granados.

Famille musicienne

Le gone de la Croix-Rousse, où il naît en 1973 avant d'étudier au lycée Saint-Exupéry, mène sa barque, tant financière que musicale, avec succès. Dans la continuité et l'innovation mêlées. Il écoute, voit, choisit, invite, contacte, convainc et trouve des partenaires tant côté mécénat que côté musical. Cet amoureux du piano aime à rappeler les origines de son engagement :

"Ma grand-mère paternelle, elle-même pianiste amateur mais aussi chanteuse, m'a transmis cette passion. De leur côté, mes parents m'ont fait découvrir la musique à travers les grands festivals de France et de Suisse."

Le véritable coup d'envoi est donné par le biais d'une formation universitaire en droit du spectacle, avec licence d'agent artistique et entrée dans la carrière via un poste au réputé bureau Musicaglotz, créé par Michel Glotz, une figure qui fut l'agent des "icônes" Maria Callas et Herbert Von Karajan. Puis Jérôme Chabannes entre chez Sony Music Entertainment, multinationale japonaise, active dans toute une série de domaines, de la téléphonie au jeu vidéo, de l'informatique à la musique et au disque. Une entrée bien évidemment dans ce dernier secteur, où il travaille sur plusieurs enregistrements. Il fait ensuite escale comme chargé de production au Festival international de musique de Salon-de-Provence, "Musique à l'Empéri", où le Lyonnais participe à la communication, aux tournées d'orchestre et de récitals, aux productions discographiques. Puis il revient à Lyon et fait cette triste constatation : alors que le public des cycles musicaux tentent, bon gré mal gré, de se renouveler et de se rajeunir, il n'existe pas, dans sa ville, de cycles de concerts de piano.

Un piano et un lieu

Avec audace, Jérôme Chabannes se lance. Fort de sa formation et de ses contacts, il crée le cycle "Piano à Lyon" en avril 2005, avec un premier concert à l'automne suivant.

"Grâce à sa jauge de 600 personnes et à son excellente acoustique, l'une des meilleures d'Europe, la salle Molière me semblait être le théâtre idéal pour ce genre de programmation. Je crois que les Lyonnais y sont attachés, mais il convenait de leur rappeler son importance. Le premier soir, avec Michel Dalberto, nous avons d'emblée réuni 500 personnes."

Le coup d'envoi est donné, prélude à une suite de saisons, en appelant principalement au piano, à deux ou quatre mains. Après une décennie, l'approche, simple, et une politique dynamique en direction des jeunes attirent un public de plus en plus large. Aujourd'hui, Piano à Lyon sait fidéliser plus de 5 000 spectateurs pas an, dont 40 % d'abonnés. Même si les travaux engagés salle Molière sur plusieurs années ont provoqué le déménagement des concerts dans la plus vaste, mais nettement moins adaptée, salle Rameau. "J'ai suggéré un projet de restauration de la salle Rameau qui aurait pu devenir un pôle culturel du 1er arrondissement, mais la Ville de Lyon n'a pas suivi", signale Jérôme Chabannes. Alors que mille bruits courent sur l'avenir de ce bâtiment Art Nouveau, qui risque de devenir un pôle commercial, une chose est sûre : Piano à Lyon doit retrouver sa salle originelle, enfin restaurée, pour la saison 2017-2018.

Changement de site donc et retour vers l'idéal musical, mais sans changement de programmation ou d'organigramme. D'autant plus que les chiffres ne font pas fausse note, annonçant, pour 13 concerts annuels habituels, un autofinancement de 70 %, avec une participation de la Ville de Lyon de 9 % en subvention et la mise à disposition de la salle, ainsi qu'un partenariat de 2 % avec Radio France, qui retransmet certains concerts sur France Musique. Aussi, Piano à Lyon bénéficie d'un financement porté à 19 % par du mécénat, avec en tête la Compagnie nationale du Rhône (CNR) et le Groupe Axotel, ainsi que la Spedidam, société civile gérant les droits des artistes-interprètes et la fondation Safran pour la musique, qui "accompagne des jeunes musiciens particulièrement prometteurs dans leur formation ou leur essor professionnel".

Thérapie douce

Pour sa part, Axotel qui compte trois hôtels à Lyon, peut revendiquer le titre de doyen des partenaires, comme le rappelle son actif "patron", Roland Bernard, pionnier de la Confluence, conseiller métropolitain et président de l'association Piano à Lyon.

"Dès le lancement de l'idée par Jérôme Chabannes et mon homonyme Roland Bernard, alors maire d'Oullins, mélomane averti et passionné, j'ai répondu présent. La musique n'est pas, pour moi, une passion, mais un plaisir, un remède contre le stress, une thérapie douce sans antibiotique. Une sorte d'anxiolytique qui crée un climat dans lequel on se sent bien."

Ainsi est né ce partenariat d'entreprise, qui amène aide financière, mais aussi achat de places à destination du personnel et des fidèles clients des hôtels, où sont logés les artistes invités.

Dans le cadre de ses diverses activités, l'infatigable chef d'entreprise et homme politique se trouve être en relation avec les grands gestionnaires des fleuves, dont la CNR, dont le siège central se trouve à Lyon et qui a elle aussi rejoint les partenaires de Piano à Lyon. Thomas San Marco, délégué régional, aime à préciser que "si la CNR a pour vocation première de créer une valeur territoriale tout au long du Rhône, de Génissiat à Arles, elle possède également une solide culture d'entreprise qui s'est ouverte récemment vers de nouvelles orientations, comme l'aide aux banques alimentaires, mais aussi le mécénat, à la fois sportif et culturel".

La CNR est donc engagée auprès de l'Opéra de Lyon pour ses activités extérieures, de la Maison de la Danse et de la Fête des Lumières, et accompagne Piano à Lyon. "Investir auprès des institutions culturelles haut de gamme, pour soutenir des initiatives de qualité, bien pensées et bien menées, est notre volonté", souligne Thomas San Marco.

« PIANO AILLEURS »

Ce qui ne peut que combler Jérôme Chabannes, lequel peut revendiquer une décennie de réussite, mais lui a aussi permis de constater une carence :

"Lyon possède une vie musicale intense, très fournie, trop sans doute par rapport au public lyonnais et de la métropole. À côté des grands classiques de la fonction publique, comme l'Opéra et l'Orchestre national de Lyon et d'une brochette d'initiatives privées telle que la nôtre, nous constatons un véritable problème : celui de la gestion, et conséquemment de la location, des salles municipales. Des locataires s'y installent trop souvent pour lancer des programmations de trois ou quatre concerts, de faible niveau, qui n'attirent pas, ne s'imposent pas et disparaissent. Des programmations parasites qui n'apportent rien quant au rayonnement de la cité et rien au niveau économique. Un problème qu'il faudrait s'employer à régler."

Après toutes ces années de réussite, de continuité et de saisons déclinant chaque fois une dizaine de rendez-vous musicaux haut de gamme, le créateur de Piano à Lyon connaît la musique et voit l'avenir du cycle avec optimisme. Intramuros et extramuros.

"Nous avons régulièrement des appels du pied, venant de Paris comme de Saint-Étienne. Des dialogues se sont engagés. Nous envisageons d'exporter une sorte de « Piano ailleurs »."

Autre désir, personnel celui-là, que le jeune Lyonnais aimerait concrétiser prochainement : prendre la responsabilité d'un poste, évidemment musical, lié à une institution lyonnaise tout aussi musicale. Un appel lancé à la collectivité.

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