Olivier Bianchi : "Clermont-Ferrand doit polariser l'Ouest régional"

À la tête de la ville de Clermont-Ferrand et de Clermont Communauté depuis deux ans, Olivier Bianchi (PS) a pour ambition de changer la ville. Les projets vont bon train. Candidate au titre de Capitale Européenne de la culture en 2028, à la labellisation French tech, en ordre de marche pour la constitution d'une métropole dépassant les frontières du département, la capitale auvergnate veut absolument prendre sa place au sein du nouvel ordre régional. Quitte à bouleverser les équilibres en place.
Olivier Bianchi (PS), maire de Clermont-Ferrand, et président de Clermont Communauté.

Acteurs de l'économie - La Tribune. Vous n'avez jamais caché vouloir hisser Clermont-Ferrand dans le top 20 des grandes métropoles françaises. Cette ambition est-elle réaliste alors que depuis la création de la grande région, la ville perd des batailles : le siège de la Chambre régionale d'agriculture, et peut-être, certaines directions de clusters régionaux ?

Olivier Bianchi. Le fait métropolitain n'est pas lié à la capitale politique. Grenoble est une grande métropole sans être une capitale politique. Il ne faut pas regarder les choses comme une sorte de déchéance. La métropolisation clermontoise existe déjà.

Le fait métropolitain, c'est le fait d'additionner sur son territoire des fonctions stratégiques liées à la culture, à l'enseignement supérieur, à la recherche.

Aujourd'hui, Clermont-Ferrand est devenue une métropole. Les atouts de cette ville résident dans les 7 000 chercheurs, le centre de recherche monde de Michelin. Ce sont aussi nos universités, cette effervescence culturelle avec la scène nationale, le festival du Court Métrage, entre autres.

L'objectif est de polariser l'Ouest régional. Dans cette nouvelle région qui est en train de se dessiner où il existe une capitale politique, stratégique, économique qui est Lyon et dont personne ne peut discuter la suprématie, deux grandes métropoles d'équilibre doivent émerger, l'une à l'Est, Grenoble, et l'autre à l'Ouest, Clermont-Ferrand.

Pour cette raison, j'ai décidé de transformer la communauté d'agglomération en communauté urbaine pour finalement disposer du même panel de compétences que nos voisins. La stratégie est maintenant de conforter notre pôle hospitalier, notre pôle universitaire et notre positionnement en matière industrielle et culturelle.

Un positionnement de nature à vous mettre en compétition avec Saint-Étienne ?

Saint-Étienne essaie aujourd'hui de trouver sa place à la fois en proximité avec Lyon et en dégageant sa propre personnalité. Je ne crois pas à la compétition des territoires, je crois à la distinction. Chacun a sa place et son rôle.

Nous sommes suffisamment éloignés de Lyon pour ne pas être aspirés et nous sommes suffisamment proches pour bénéficier des avantages. En plus, nous avons notre histoire de capitale de l'Auvergne et donc de polarisation de ce territoire.

"L'objectif est de polariser l'ouest régional", ambitionne le maire de Clermont-Ferrand.

Une grande métropole peut-elle exister sans sièges d'administrations centrales ?

Ce ne sont pas les fonctionnaires d'État qui font une métropole, même si nous avons gardé des postes de commandement. La DRAAF est positionnée à Clermont-Ferrand. Le ministère de l'Intérieur vient de décider d'y implanter un des cinq pôles de cartes grises en France.

Clermont-Ferrand a échappé à sa destinée manifeste de petite ville de province grâce à deux faits : une première fois quand Michelin a créé la Manufacture. Cette initiative a permis le boom industriel de la ville. La deuxième fois, lorsque les élus municipaux ont décidé au début du XXe siècle de créer une école municipale de droit et une école municipale de médecine jetant les bases d'un pôle universitaire.

Aujourd'hui, Clermont-Ferrand accueille 40 000 étudiants et compte 50 000 habitants de moins de 25 ans. Désormais l'idée c'est de conforter Clermont-Ferrand dans son rôle métropolitain.

Vous envisagez une grande métropole, de Vichy à Clermont-Ferrand voire Brioude. Pourquoi ?

On considère aujourd'hui qu'il y a, avec cet axe Allier, une sorte de colonne vertébrale. De plus, il existe un véritable bassin de vie entre Vichy et Clermont-Ferrand. Il y a donc là une communauté de destin, c'est pourquoi nous avons créé ce pôle métropolitain qui est un organe de dialogue entre nous. J'encourage tout ce qui va dans le sens de la mise en cohérence territoriale, mais est-ce que demain, ce territoire deviendra une métropole ? Je ne sais pas.

D'abord il y a le temps politique. Clermont-Ferrand aura sa communauté urbaine au 1er janvier 2017. Ensuite, pour faire autre chose qu'un pôle métropolitain, il faut l'accord de tous les acteurs, puis une étape administrative pour redessiner les territoires. Dans le Puy-de-Dôme, là où nous comptions neuf Établissement public de coopération intercommunale (EPCI) sur le territoire du Grand-Clermont, nous serons quatre dans un an. Tout cela va générer un long travail d'harmonisation.

De mon point de vue, cela prendra le temps du mandat. S'il y a une volonté politique des élus en charge à ce moment-là, ce sera donc plutôt après 2020. Moi j'y suis favorable, mais je sais qu'on ne procède pas à des mariages forcés.

Cette stratégie "de groupe" ne risque-t-elle pas de vous faire perdre du pouvoir alors que le gouvernement avait parlé d'un statut "exceptionnel" qui permettrait à la ville de devenir une métropole à elle seule ?

Ce statut exceptionnel semble abandonné. Par ailleurs, la question du pouvoir ne se pose pas puisque Clermont-Ferrand ne peut pas être à elle seule une métropole, puisqu'elle ne remplit pas les conditions. Nous commençons donc à amorcer des coopérations intercommunales fortes et des discussions à l'échelle du pôle métropolitain.

Il faut savoir avancer avec la bonne temporalité. Cela prendra du temps, mais que l'on soit métropole ou pas, armé des mêmes outils et fort de ce phénomène de métropolisation, je crois que c'est déjà assez correct.

Bianchi

Olivier Bianchi (PS) est maire de la ville depuis 2014.

Sans liaison ferroviaire rapide avec la capitale, Clermont-Ferrand peut-elle rivaliser avec les grandes villes de la région ?

Il y a deux sujets sur la liaison ferroviaire avec Paris. D'abord, celui de l'actualité, qui passe par l'amélioration de cette ligne. La SNCF a annoncé l'installation de nouveaux matériels roulants en 2017 et Il y a des travaux pour rénover l'infrastructure. Tout ça est acté.

Le deuxième sujet, c'est la LGV Paris-Orléans-Clermont. Viendra le temps de cette liaison qui nous connectera à Paris dans des délais meilleurs, mais aussi à Lyon qui est un territoire sur lequel aujourd'hui le train n'est pas compétitif avec la voie autoroutière. Je suis favorable au tracé médian. Nous avons un travail de lobby à engager. La prochaine étape est la nomination d'un préfet préfigurateur. Je souhaite que ce soit le préfet de la région Auvergne Rhône-Alpes : il me semble que ce serait logique par rapport aux enjeux de cette ligne.

La candidature à l'Idex pour l'université n'a pas été un succès. Allez-vous représenter un dossier ?

L'Université a en effet de nouveau fait acte de candidature, même si la municipalité n'est pas directement aux manettes sur ce sujet. Il est capital pour notre ville d'avoir une université reconnue. Nous prendrons donc notre part pour faciliter l'obtention de ce label.

Alors que les écoles de commerces de Lyon et Grenoble se rapprochent, que l'Université de Saint-Étienne prend de plus en plus de poids dans la COMUE de Lyon, les universités clermontoises peuvent-elles rester isolées ?

Je suis favorable à tout ce qui fera réseau dans cette nouvelle région, donc à l'université comme ailleurs. Je pense que les universitaires auvergnats comme les universitaires rhônalpins en ont bien conscience et que se tissent progressivement des réseaux dans les centres de recherche et ailleurs.

Par ailleurs, partout où je suis en responsabilité de le faire, je travaille pour que des réseaux se créent. C'est le cas à l'École Supérieure d'Art qui est entrée dans le réseau des écoles supérieures d'Art de Rhône-Alpes.

J'ai également participé à la mise en place des agences d'urbanisme de Rhône-Alpes et Auvergne dont je suis le président. Ces réseaux sont la chair et le sang de cette nouvelle région. Aujourd'hui, cette nouvelle région répond à une décision administrative. Maintenant il faut qu'elle soit le terrain de jeu de chacun des acteurs comme un espace de coopérations.

Certains grands projets clermontois à l'image de celui de l'Hôtel-Dieu ou de la Scène nationale trainent en longueur. Cette dernière est sur les rails. Qu'en est-il de la réhabilitation de l'Hôtel-Dieu ?

La Scène nationale est effectivement en route. Le projet de l'Hôtel-Dieu avance. Nous signerons, avant le 30 juin, l'acte d'achat de la partie qui permettra de construire la grande bibliothèque. Pour le reste, nous avons fait un projet d'aménagement. Nous raccorderons ce site au reste de la ville, ce sera une zone de transition entre le jardin Lecoq et la place de Jaude qui jouera son rôle en terme commercial et d'habitation.

À partir de 2018, le nouveau visage du site se concrétisera. L'objectif est que d'ici cinq à six ans ce quartier soit bien dessiné. Nous allons aussi engager d'autres grands projets, notamment celui des Pistes, ces équipements sur lesquels autrefois Michelin testait ses pneumatiques. Ce patrimoine industriel est la "Tour Eiffel" de Clermont-Ferrand.

Le quartier des Pistes sera le quartier du XXIe siècle. Ce site industriel a vocation à devenir un grand quartier où l'on pourra positionner des équipements publics, faire de l'innovation, mais aussi habiter. Nous commençons à le dessiner avec Michelin qui, lui aussi, a une vision de ce projet.

La place de Jaude, coeur de la ville, continuera de jouer un rôle majeur dans le projet urbain municipal du 21e siècle.

Justement, Michelin, viens d'annoncer près de 500 suppressions de postes dans ses sites clermontois, cette décision n'est-elle pas de nature à fragiliser le tissu économique local ?

Michelin, a annoncé, sur une partie de ses activités soumises à forte concurrence, la fin de production. Le sens de l'histoire de Michelin, ici, c'est que Clermont-Ferrand ne soit plus une ville de cols bleus, mais une ville de cols blancs.Cela ne veut pas dire qu'il ne faut pas avoir une attention particulière pour la tradition et la culture ouvrière, mais c'est le sens de l'histoire.

En même temps, Michelin crée 800 emplois sur d'autres sites, donc nous n'affrontons pas une décision semblable à la grande désindustrialisation de la sidérurgie du Nord. Ce n'est pas attentatoire au développement de Clermont-Ferrand.

Ce que je constate de Michelin aujourd'hui, c'est une attention très particulière au territoire, une inscription de plus en forte dans les projets de la ville, qu'ils soient culturels, sportifs et plus généralement un accompagnement des politiques économiques. On est dans une autre phase de l'histoire de la ville et de l'entreprise. La période de méfiance réciproque est révolue, laissant place à une phase où chacun occupe ses propres fonctions et où nous avons un centre d'intérêt partagé, le développement du territoire.

Le label French Tech, pour lequel l'industriel s'engage, est-il un exemple de ces liens ?

Bien sûr. Nous sommes candidats à ce label et Michelin est l'un des acteurs essentiels de cette candidature.

En début de mandat, vous avez augmenté les impôts de 9 % à la ville en promettant que ce serait la seule hausse du mandat. Cette position est-elle tenable, notamment avec la hausse du point d'indice ?

Je n'ai qu'une parole. Je confirme donc que je n'augmenterai pas les impôts, même si cela aura des conséquences.

Lesquelles ?

Nous avons décidé de gérer cette ville avec sobriété, de vérifier que les dépenses soient nécessaires et pas secondaires. Mais nous maintiendrons la qualité des services publics. Nous continuerons à développer trois grandes politiques publiques : celles du social, de l'éducation et de la culture. Sur d'autres champs, comme l'espace public et les frais de fonctionnement, nous ferons des choix.

Sur le plan budgétaire, les voyants sont au vert pour que les collectivités relancent en 2016 leurs projets d'investissement, assurait Christian Eckert, le secrétaire d'État au Budget, lors de la présentation des chiffres du déficit public pour 2015. Clermont-Ferrand fait-elle partie des villes qui vont relancer l'investissement ?

Nous baissons l'investissement. Il était en moyenne de 50 millions d'euros ces dix dernières années, une période faste. Nous passons à 35 millions d'euros à la Ville. Sur l'agglomération, nous sommes sur 40 millions d'euros par an. Ce volume d'investissement devrait se maintenir sur tout le mandat.

La capitale auvergnate mise sur la culture pour renforcer son attractivité

Clermont-Ferrand est candidate en tant que capitale européenne de la culture. Est-ce à dire que vous misez principalement sur la culture pour faire rayonner la ville ?

Je mise sur la culture pour deux raisons. La première parce que je pense qu'en matière d'attractivité du territoire, la culture est fondamentale. Et dans une ville comme la nôtre où les réussites sont déjà nombreuses, je pense au Festival du Court Métrage, à Europavox et d'autres.

Lire aussi : Clermont-Ferrand, la belle endormie

Nous avons des atouts à faire valoir. Je le fais aussi parce que pense que dans notre société contemporaine, nous avons besoin de faire grandir les citoyens, de leur proposer de l'émotion artistique. La culture, dans un modèle de résistance à une société qui devient de plus en plus abêtissante, est un enjeu politique majeur.

Durant la campagne électorale, vous n'aviez de cesse de répéter : "Je veux que Clermont-Ferrand change". A-telle déjà changée en deux ans ?

Au bout de deux ans, nous n'avons pas encore démontré totalement et dans la réalité de la ville que les choses changent. Il va falloir que des projets sortent de terre, mais je pense que les Clermontois sentent un dynamisme nouveau, une volonté politique claire, une vision. Déjà, ces actes sont de nature à démonter qu'il se passe quelque chose à Clermont-Ferrand.

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Commentaires 5
à écrit le 29/11/2016 à 10:56
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il y a beaucoup de jeunes à Clermont Ferrand et ces derniers, en plus d'une grand partie des autres habitants, voudraient une ville plus culturelle, et si l'on rénove la ville, c'est avec les dernières trouvailles en matière écologique... Et n'oubli...

à écrit le 14/06/2016 à 16:15
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Très étonné , Monsieur le Maire, que vous ne mettiez pas en valeur le meilleur atout de la ville de Clermont Ferrand, qui repose sur une cout très raisonnable de l'habitat, grâce une politique du logement très réussie depuis plusieurs décennies. Tr...

à écrit le 23/04/2016 à 15:33
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La parole de monsieur BIANCHI ne vaut rien : que des promesses....... Ce qui a changé en 2 ans c'est le carrefour de la rue ou réside le maire et la rue des Chanelles, il n'est plus obligé de s'arreter Pour les impôts locaux concernant l'aglo il ne...

à écrit le 21/04/2016 à 18:08
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C'est un article du gorafi ? -grosse rigolade !!

à écrit le 21/04/2016 à 17:44
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Polariser l'ouest régional. Quid ? Le maillage de villes est à la fois l'originalité et la force de notre nouvelle région. Renforçons les infrastructures de liaison de cette armature, valorisons les atouts de chacun et cessons ce jeu mortifère de...

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