Attractivité : comment l'Auvergne s'emploie à attirer les talents

Démographie en regain, première région totalement connectée au haut débit, qualité de vie reconnue : l'Auvergne ne manque pas d'atouts. Pourtant son attractivité reste chroniquement défaillante et les entreprises peinent à recruter. En cause : un fort déficit d'image auprès des Français. Ce handicap, les acteurs publics et économiques s'emploient depuis plusieurs années à le contrer. Mais pour quels résultats ?
A Clermont-Ferrand, Michelin reste le premier employeur de la ville mais rencontre des problèmes de recrutement.
A Clermont-Ferrand, Michelin reste le premier employeur de la ville mais rencontre des problèmes de recrutement. (Crédits : CC Flickr/ Fabien1309)

« Si l'on m'avait dit, un jour, que je viendrais vivre en Auvergne, je ne l'aurais jamais cru ! » Tâches de rousseur et sourire espiègle, cette jeune cadre chez Michelin, originaire de la région parisienne, résume bien, à elle seule, la problématique du territoire. La jeune femme a posé ses bagages à Clermont-Ferrand, en 2008, « en pleurant ». Depuis, elle n'a qu'une peur : être mutée !

La région a beau abriter le numéro un mondial du pneumatique et l'un des leaders européens de l'agriculture, cela ne suffit pas toujours à convaincre l'opinion publique. Michelin et Limagrain sont, certes, des poids lourds économiques redoutés dans le monde, mais ils ne pèsent guère dans la balance face aux nombreux clichés qui collent encore à la pente des volcans d'Auvergne.

Ruralité, enclavement, pays vert peuplé de rugueux rugbymen et de Bougnats en sabots : difficile d'échapper aux traditionnels lieux communs charriés par des années d'histoire, de mauvaise communication, et largement relayés par une presse parisienne souvent ignorante de la réalité du terrain.

Et si l'Auvergne n'était pas seulement un grand plateau de fromages ? Et si elle méritait que l'on pousse la porte pour cesser de regarder à travers un trou de serrure ?

15 000 habitants supplémentaires

Un premier constat démographique vient tordre le cou aux préjugés. Depuis 2000, l'Auvergne a retrouvé un solde migratoire positif. Avec 1,36 million d'habitants, la région ne pèse que 2,1 % de la population française. Mais après une période de baisse continue, la population augmente régulièrement depuis 1999. Entre 2006 et 2011, elle a même gagné quelque 15 000 habitants. Du jamais vu depuis 30 ans, même si le renouveau démographique repose uniquement sur un excédent migratoire.

« Les tendances démographiques récentes sont les plus favorables de ces 30 dernières années, constate-t-on à l'Insee. Les arrivées de population ont été le principal moteur de ce rebond démographique. Si les tendances récentes se prolongent, la population régionale pourrait croître de 8 % d'ici à 2040. »

Mais la dynamique démographique dépendra essentiellement de la capacité de l'Auvergne à attirer de nouvelles populations. Toutes les grandes entreprises régionales l'ont bien compris. Michelin la première. Seul exemple en France de multinationale cotée au CAC 40 ayant conservé son siège social en province, l'équipementier doit faire face à de sévères problèmes de recrutement.

Problème de recrutement

Avec 12 000 emplois directs à Clermont-Ferrand et 700 à Blavozy (Haute-Loire), Michelin reste l'un des poids lourds économiques de la région, mais la manufacture s'est également immiscée dans toutes les sphères culturelles, sportives et associatives régionales. Tout cela dans un seul but : contribuer à l'attractivité de la région.

« L'Auvergne souffre d'un déficit d'image et nous avons souvent besoin de recruter les meilleurs de la planète dans leur spécialité. Nous devons donc leur offrir, à eux et à leur famille, un environnement favorable, confirme sans ambages Gérard Duhesme, directeur des sites Michelin à Clermont-Ferrand. L'attractivité de la région est pour nous un élément clé de la réussite. »

Bibendum est ainsi devenu mécène du Fonds régional d'art contemporain (Frac), partenaire financier du Festival international du court-métrage et des universités auvergnates, sponsor officiel du perchiste champion olympique et recordman du monde clermontois Renaud Lavillenie et, bien sûr, tuteur de l'ASM, équipe phare du Top 14 de rugby. Michelin est également membre du conseil de développement du futur Grand Clermont ou encore fervent militant d'une ligne à grande vitesse. Entre autres.

Place de Jaude à Cermont-Ferrand, lors de la finale du Top 14 en 2009 de l'ASM.

Le problème du recrutement se pose de façon aussi aiguë pour toutes les grandes entreprises ou presque. Sanofi, à Vertolaye (Puy-de-Dôme), a investi 100 millions d'euros au cours de ces dernières années dans son site de recherche qui emploie 700 personnes. Les recruteurs doivent aller à « la pêche aux cadres » pour les attirer jusque dans ce village de 500 âmes du Livradois-Forez ! Idem chez Aubert et Duval, à Saint-Georges-de-Mons, qui peine à convaincre ses chercheurs de s'installer dans les Combrailles, région isolée du Puy-de-Dôme.

« Je ne comprends pas trop cette mauvaise image qui colle à la peau de l'Auvergne, s'interroge le président Georges Duval. C'est d'autant plus incompréhensible qu'une fois installés dans la région, les arrivants, en principe, ne demandent qu'à y rester ! »

Une image positive, mais peu attractive

Une enquête réalisée en 2012, pour le compte de l'association Auvergne Nouveau Monde, montre pourtant que l'Auvergne jouit d'une bonne réputation auprès des personnes... n'y vivant pas. Huit Français sur dix ont une image positive de la région. Un résultat qui la place en milieu de classement national, à la 11e position sur les 22 régions métropolitaines. Pourtant, dans le même sondage, les Français ne sont plus que 18 % à penser que l'Auvergne est attractive pour s'y installer et y vivre !

Plusieurs raisons expliquent ce phénomène. Tout d'abord, un certain nombre de handicaps importants sont attribués spontanément - à tort ou à raison - à la région par les Français qui n'y résident pas. En premier lieu, l'isolement et le manque de desserte sont cités par quatre Français sur dix, qu'il s'agisse du manque de transports ou de l'enclavement géographique. Routes peu nombreuses et escarpées, absence de TGV, manque de transports en commun et de transport aérien : la région est perçue comme mal desservie.

La moitié des ménages sont de jeunes actifs avec enfants

Face à ce constat, l'Auvergne s'est dotée d'une structure inédite dédiée à l'accueil des nouvelles populations : l'Agence régionale des territoires d'Auvergne (ARDTA). Celle-ci innove et propose des outils destinés à soutenir le renouveau démographique et économique de la région. Le new deal, les résidences d'entrepreneurs, l'incubation de start-ups ou, encore plus récemment, le New Deal Biotech destiné à doper la filière en recrutant des porteurs de projets dans le domaine à haute valeur ajoutée ont permis d'installer des actifs dans des territoires en manque de dynamisme.

vichy

Ici à Vichy

« Chaque année, 37 000 nouveaux arrivants s'installent en Auvergne. Plus de la moitié des ménages (65 %) sont de jeunes actifs avec enfants. La région se situe aujourd'hui au 10e rang des 22 régions françaises en matière d'attractivité démographique, à égalité avec la Bretagne, Paca et Rhône-Alpes, proportionnellement à sa population », affirme Pascal Guittard, directeur de l'ARDTA.

Parallèlement, la région a fortement investi ces dernières années dans le numérique. L'Auvergne peut aussi se targuer d'être la première région européenne 100 % haut débit. Elle généralise aujourd'hui le très haut débit. Une politique volontariste qui plaît aux entrepreneurs du net, dont certains sont devenus leaders dans leur domaine, comme Jeuxvideo.com ou Pecheurs.com.

La région compte désormais quelque 900 sociétés dans le secteur du numérique, qui totalise près de 7 000 emplois. Le pays des volcans compte également quelques domaines de pointe comme l'aéronautique (11 000 emplois) ou l'industrie pharmaceutique (1,8 milliard d'euros de chiffre d'affaires et 3 600 salariés). Sans oublier le secteur du luxe (4 000 salariés pour une centaine d'entreprises, dont Louis Vuitton) et bien sûr l'agroalimentaire et ses poids lourds, comme Limagrain et Volvic.

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