Les Salaisons d’Auvergne décrochent l’IGP, une bonne affaire ?

Aboutissement d'une démarche engagée depuis les années 1990, l'Indication géographique protégée (IGP) pourrait ouvrir de nouveaux débouchés aux producteurs de jambon et de saucisson d'Auvergne. Mais ce label engendre des surcoûts qui pourraient refroidir certains fabricants.

Après 20 ans d'attente, il arrive en Auvergne. Le label Indication géographique protégée (IGP) pourrait bientôt être apposé sur les produits Jambon d'Auvergne. Le dossier a été validé par l'Institut national de l'origine et de la qualité au mois de juin. La saucisse sèche et le saucisson de la région pourraient également être concernés. C'est désormais aux instances européennes de se prononcer.

L'IGP ouvre de nouveaux marchés

Bernard Lépinay, animateur au sein du consortium des Salaisons d'Auvergne, détaille l'importance stratégique de ce label :

"Cela donne un accès au marché national pour des produits dont les producteurs n'ont pas forcément les moyens et la force de frappe pour se positionner. C'est un véritable vecteur commercial."

L'IGP contribue à préserver un savoir-faire et à démarquer les produits des entreprises engagées dans la démarche.

"Acquérir une Indication géographique protégée est non seulement un vrai atout en termes de reconnaissance qualitative, mais surtout le fruit d'un travail de longue haleine", précise Marguerite Martin, responsable marketing de l'entreprise auvergnate de salaison Môssieur Polette, une entreprise de salaison Auvergnate.

Une filière dynamique

Pour obtenir ce signe de qualité, le cahier des charges requiert des savoir-faire traditionnels qui se sont prolongés dans l'artisanat puis l'industrie. Le label consacre ainsi une production existante dans une zone géographique précise.

Cette certification, une fois définitive, sera ainsi pour les Salaisons d'Auvergne une vraie opportunité de développement. D'autant plus que la filière est déjà dynamique.

La salaison sèche représente aujourd'hui plus des 4/5e de l'activité des entreprises régionales de charcuterie. En Auvergne, la production de saucisson sec et de jambon constitue 85 % de la production totale de charcuterie de la région, contre 12 % en moyenne en France. Et 25 % de la production française du saucisson sec "Label rouge".

"Le jambon d'Auvergne à une carte d'outsider à jouer"

Cependant, les produits en cours de labellisation ne devraient pas bénéficier des mêmes perspectives de développement. Le jambon d'Auvergne, dont la production sur le marché français est encore confidentielle par rapport à son concurrent de Bayonne ou Italien, a "une vraie carte d'outsider à jouer pour se développer", estime M. Lépinay.

Cette perspective d'obtention du label IGP, qui pourrait ouvrir de nouveaux marchés, toucher d'autres publics et donc favoriser la demande, a entraîné un renforcement des investissements afin d'assurer une hausse potentielle de la production. En effet, l'objectif de production sous IGP d'ici deux à trois ans est de 2 000 tonnes pour le jambon sec et de 5 000 tonnes pour le saucisson sec.

"Depuis qu'il n'y a plus de remise en cause sur l'obtention de l'IGP, certaines structures ont accéléré les investissements. Cantal Salaison avait ainsi lancé un programme d'extension il y a plusieurs années. Et depuis l'annonce du mois de juin, deux programmes d'extension sont actuellement en cours, et un autre est en projet", explique Bernard Lépinay.

Cependant pour le saucisson d'Auvergne, qui représente "huit fois plus de volume que le jambon", l'évolution possible est plus mesurée. "Les capacités de production sont déjà en avance, estime M. Lépinay. Le basculement vers une production IGP sera plus lente, avec un amorçage plus lent."

Label ou pas label ?

En effet, les gros volumes de production engendrent un risque de mutation plus important, notamment pour les opérateurs principaux. Les contraintes supplémentaires liées au label peuvent augmenter les coûts de fabrication.

De plus, pour être "en adéquation médiatique avec le label", précise M. Lépinay, les transformateurs se sont engagés, dans un contexte de difficulté de la filière porcine, à travailler à partir de cochon français (environ 1,40 euro/kilo), plus onéreux que ceux espagnols ou allemands (1,12 euro/kilo) hollandais (1,02 euro/kilo). C'est notamment cet écart de prix que dénoncent, dans la crise actuelle, les producteurs français de porc.

Mais ce soutien français, ainsi que les autres contraintes du label, pourraient aussi avoir un prix sur le produit final, sans être certain pour les producteurs qu'ils s'y retrouveront.

"Le produit aura sensiblement le même au goût, alors que les coûts de production augmenteront. Est-ce que la distribution ou les clients suivront cette évolution, pour l'étiquetage de ce label, alors que le goût ne changera pas énormément ?" s'interroge M. Lépinay.

Ainsi, si le compte n'y est pas, les transformateurs pourraient renoncer à ce label, estime  M. Lépinay. "Si le bénéfice est inférieur au surcoût, certains abandonneront l'IGP et produiront leur saucisson sous leur nom de fabrique", conclut-il.

Sujets les + lus

|

Sujets les + commentés

Commentaire 0

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

Il n'y a actuellement aucun commentaire concernant cet article.
Soyez le premier à donner votre avis !

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.