Le Couvent de la Tourette, un aimant pour l'Extrême-Orient

À vingt kilomètres à l'ouest de Lyon, le Couvent dominicain de la Tourette attire un public international. Les uns viennent pour la notoriété de son architecte, Le Corbusier, les autres pour la dimension spirituelle du lieu. Mais, paradoxalement, le Couvent attire peu les visiteurs locaux. D'où une nécessaire politique de médiation culturelle.

Leur présence a quelque chose d'incongru sur le quai de la petite gare de L'Arbresle (Rhône). Courbés sous le poids de leurs lourds sac-à-dos, des étudiants japonais demandent leur chemin en anglais : « Le Corbusier ? » Il va leur falloir gravir les flancs des Monts du Lyonnais à pied pour aller jusqu'au Couvent de la Tourette, à trois kilomètres de là. Le bâtiment de béton, inauguré en 1959 et rénové de 2006 à 2013, draine chaque année 12 000 visiteurs, dont plusieurs milliers d'Asiatiques, essentiellement Japonais et Coréens, parfois Chinois.

Séjourner au couvent

« Ce public extrême-oriental, observe le frère Marc Chauveau, historien d'art, est sensible à l'architecture minimaliste de Le Corbusier, à l'épure de son dessin, aux jeux de lumière, ainsi qu'aux imperfections qui modifient la texture des murs. » Ce sont pour la plupart des étudiants en architecture ou des architectes en activité. Ils viennent pour étudier in situ une œuvre architecturale majeure, comme le font aussi de nombreuses écoles d'architecture, françaises ou étrangères.

Fidèles à la vocation d'origine du couvent, qui était un lieu d'étude pour les Dominicains, les frères qui l'habitent aujourd'hui ont choisi de privilégier un public studieux. Outre les écoles d'architecture, ils accueillent aussi des séminaires d'entreprises, organisent des rencontres, des colloques, des expositions, des retraites spirituelles.

Pour cela, ils disposent d'un atout unique : les visiteurs peuvent être logés sur place. Car outre les salles de cours, de réunions, la bibliothèque et le réfectoire, le bâtiment, intouché depuis son inauguration, comprend 60 cellules dévolues à l'hôtellerie. « C'est un des rares monuments historiques dans lequel on peut séjourner, explique le frère Chauveau. Les visiteurs peuvent ainsi faire l'expérience de l'habiter. »

Dans les cellules au sobre confort, tous vérifient par curiosité que les mesures ont été calculées grâce au système « modulor » mis au point par Le Corbusier : levant un bras, ils constatent qu'ils touchent le plafond, les écartant, qu'ils atteignent les murs latéraux. Les repas sont pris avec les religieux du couvent et les hôtes qui le souhaitent peuvent assister aux offices. Une leçon d'architecture imprégnée d'une dimension spirituelle, qui ne laisse aucun visiteur indifférent.

 Itinéraires de découverte

Pour autant, le public local ou de passage, les promeneurs du dimanche et les établissements scolaires ne doivent pas être délaissés. Car le paradoxe est manifeste : « On vient depuis l'autre côté de la planète pour visiter notre couvent, sourit le frère Chauveau, alors que j'entends souvent les promeneurs s'écrier : «Que c'est moche, ce béton !» »

« Pour faire changer le regard », des visites guidées sont donc organisées tous les dimanches après-midi ainsi que sur demande pour les groupes. Dans leur politique de médiation culturelle, les Dominicains sont, entre autres, soutenus par une initiative touristique originale. Développé par la Région Urbaine de Lyon (RUL), le projet des « Utopies réalisées » met en réseau cinq sites de la région emblématiques du mouvement moderne en architecture.

>> A lire : Firminy-Vert, chef-d'œuvre méconnu de Le Corbusier

Ce sont, par ordre chronologique, la cité Tony-Garnier à Lyon, le quartier des Gratte-Ciel à Villeurbanne, le Couvent de la Tourette, Firminy-Vert et la Cité des étoiles à Givors. Audioguides téléchargeables, visites thématiques, expositions itinérantes, « l'objectif est de mettre ce patrimoine du XXe siècle à la portée du plus grand nombre », explique Anne Dubromel, directrice de la RUL. Une façon aussi de souligner qu'il n'y a pas que le Vieux-Lyon ! Une démonstration à inverser pour retenir le public extrême-oriental féru d'architecture, qui pour l'heure échappe aux radars des offices du tourisme. Doté de ses propres réseaux, il suit son fil rouge « Le Corbusier » sans prêter attention aux autres richesses du patrimoine.

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