Tombouctou, du courage et des idées

Pour redresser une économie malienne mise à mal par deux ans de guerre, les groupements d’intérêt économique se multiplient à Tombouctou. Un bémol : la formation professionnelle des jeunes. Quatrième et dernier épisode de notre série consacrée à entrepreneuriat à l'étranger.
Drissa Coulibaly, organisateur du Salon des jeunes entrepreneurs de la zone UEMOA. Crédits : François Rihouay

« Le talisman du chasseur, c'est sa persévérance. » Ce proverbe bambara, cité par la directrice du FMI Christine Lagarde lors de son passage à Bamako, résume la ligne de conduite tenue par les habitants de Tombouctou au lendemain d'une crise sans précédent. Aujourd'hui portée par la reprise timide, mais prometteuse, de la croissance au niveau national, la région mise sur ses secteurs porteurs : l'agriculture, l'élevage et le commerce. Il faut oublier l'artisanat et les services touristiques, première source de revenus de la région jusqu'à l'arrivée des groupes armés dans le nord du pays.

Les femmes au coeur de l'entrepreneuriat 

Fer de lance d'une force de travail qui doit se réinventer, les associations de femmes présentent sans relâche des dossiers auprès des bailleurs de fonds. Selon la chambre de commerce et d'industrie du Mali, les premières victimes du fondamentalisme religieux sous l'occupation sont aussi les plus promptes à entreprendre depuis la libération.

En misant sur la transformation de produits agricoles, les femmes de Tombouctou permettent à une main-d'œuvre qui manque de qualifications de peser dans la balance de l'économie locale. Dans ces cas de figure, l'union fait la force - elles peuvent être plus de 70 sur un même projet, rapporte la chambre des métiers et de l'artisanat. Entreprendre relève alors d'une force de cohésion sociale hors du commun, d'une patience et d'un acharnement au travail rares, assurent-elles. Là où l'industrie est absente, le nombre de bras mobilisés à la tâche prend la relève.

Peu de structures opérationnelles

Dans la première région productrice de blé au Mali, la pâte de la céréale devient vermicelle, couscous, et farine entre les mains de ces groupements d'intérêt économique, ou GIE, véritables PME qui se font et se défont au gré des opportunités. La flexibilité de ces structures permet aussi de mettre à contribution, au cours de l'année, la plupart des volontaires.

La lenteur du retour des institutions de l'État dans les localités éloignées de cette région grande comme la France est compensée par la reprise de l'aide au développement des partenaires étrangers.

Le gouvernement malien cherche tout de même à encourager les jeunes via l'une de ses trop rares structures opérationnelles sur place : la direction générale pour la promotion du volontariat. Elle apporte un soutien financier aux jeunes entrepreneurs, et a permis notamment au secteur de l'assainissement de se développer à travers des initiatives privées.

Ceux qui tournent les yeux vers la frontière mauritanienne rappellent également que le commerce transfrontalier, poumon économique ancestral de la bande sahélo-saharienne, est une valeur sûre d'investissement. Les liens familiaux des opérateurs économiques d'un côté et de l'autre de la frontière mauritanienne, notamment, encouragent les sociétés de transport à revenir alimenter les nombreuses petites boutiques qui parsèment les villes et villages de Tombouctou.

Formation professionnelle insuffisante 

Si la volonté des jeunes artisans, éleveurs et commerçants à entreprendre n'est pas à démontrer, les opportunités de formation professionnelle restent cependant largement insuffisantes au niveau régional, admet l'État. Dans un pays où 70 % de la population a moins de 25 ans, les secteurs ouverts à l'entrepreneuriat des jeunes sont tributaires de la qualification de ces derniers. Les écoles sont pleines, mais les professionnels jugent le niveau de formation « largement insuffisant » au sortir des institutions nationales. 

Les entreprises se tournent vers les cadres maliens formés à l'étranger, quand elles n'embauchent pas directement des agents venus de l'extérieur pour occuper les postes de direction, se plaignent les Tombouctiens. C'est le plafond de verre auquel se heurtent les entrepreneurs de la région. Le savoir-faire et l'envie de réussir des jeunes professionnels ne connaîtront pas, sans l'accès à une formation de qualité, l'essor auquel la région peut aspirer.

Sujets les + lus

|

Sujets les + commentés

Commentaire 0

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

Il n'y a actuellement aucun commentaire concernant cet article.
Soyez le premier à donner votre avis !

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.