La Catalogne a été l'une des pionnières de la Révolution industrielle du XIXe siècle, ce qui lui a permis de s'imposer comme une région européenne de premier plan pour son dynamisme économique. Elle a, depuis, cultivé ce goût pour l'innovation et ce, même dans le domaine artistique, comme en témoigne l'étonnant mouvement d'architecture moderniste qui a transformé le visage de Barcelone au siècle dernier. C'est sur ce terreau fertile que s'est développée une structure sociale assez favorable à l'entreprenariat.

Un pouvoir d'attraction unique

De nombreuses initiatives ont vu le jour ces quinze dernières années pour accompagner et aider à la création d'entreprise: incubateurs, réseaux de business angels, centres de formations. L'exemple le plus parlant est sans doute Barcelona Activa, une structure publique qui accompagne les créateurs, qu'ils soient catalans ou étrangers, dans la mise en place de leur projet et la croissance de leur entreprise. Créée en 1986, cette initiative de la mairie de Barcelone est devenue une référence européenne. Elle a permis de créer l'an dernier environ 1 700 entreprises générant un total de 3 200 postes de travail.

Mais la Catalogne, c'est aussi la mer, le soleil, la vie méditerranéenne. « Cette région possède un pouvoir d'attraction considérable, constate Mathieu Carenzo, maître de conférences en entreprenariat à l'école de commerce IESE. Nombre d'Européens viennent s'y installer, créant un bouillon de culture très positif. » A Barcelone, il est très facile de créer une entreprise avec une dizaine de nationalités différentes, ce qui lui permet de se positionner rapidement sur le marché européen. Un personnel souvent très qualifié pour des salaires moins élevés que dans les autres grandes villes européennes, un atout pour la compétitivité des entreprises locales.

L'Espagne, 3e pays le plus visité au monde avec 60 millions de touristes par an, et Barcelone, ville la plus visitée d'Espagne, possèdent un fort potentiel de création d'emplois. « Une force dont il faut savoir profiter », pour Mathieu Carenzo, qui pense également que la capitale catalane deviendra bientôt, pour le sud de l'Europe et de la Méditerranée, un cluster aussi intéressant que Londres ou Berlin au nord.

La crise, moteur de créativité

Mais si la Catalogne a souvent impulsé la créativité et l'innovation, la prise de risques liée à l'entreprenariat reste encore timide. La plupart des structures appuient la création d'entreprises, mais peu d'initiatives et d'investisseurs en capital-risque permettent d'accompagner la croissance et d'en faire des entreprises d'envergure mondiale. La crise semble toutefois avoir fait évoluer les mentalités, et les jeunes talents, qui ont une envie réelle d'avancer, se voient forcés de recourir à davantage de créativité, d'innovation, de prise de risques.

Audrey Damas, directrice de la Fundació Escola Emprenedors qui promeut l'esprit d'entreprise parmi les lycéens et étudiants de la région, a remarqué cette récente évolution : « En 2010, nous travaillions avec 4 écoles en Catalogne, aujourd'hui, nous croulons sous les demandes et collaborons avec plus de 70 établissements. » La création d'entreprises est devenue une véritable alternative pour les jeunes, touchés par un taux de chômage de plus de 55 % (1er trimestre 2014 - actifs de moins de 25 ans). Une vision encouragée par les dernières mesures du gouvernement espagnol qui allège les charges pour les nouveaux travailleurs indépendants et les nouvelles entreprises.

Malgré le traumatisme de la soudaine crise qui a mis fin à des années de miracle économique, les Catalans semblent disposés à créer de nouveau et à prendre des risques, les initiatives se multiplient, la société s'adapte. Un changement durable ? Les prochaines années le diront.