Eric de Montgolfier : « Le problème n'est pas le lieu, mais ce que l'on y fait »

Le procureur de la République Eric de Montgolfier fait face aux dérives affairistes des loges. Il prend le soin d'établir une claire démarcation entre l'école maçonnique, « hautement respectable », et les dévoiements dont se rendent coupables les moutons noirs.

Franc-maçonnerie et entreprise font-elles mauvais ménage ?

 

Je connais peu de personnes qui se vantent d'utiliser leurs relations maçonniques pour réaliser des affaires. Il existe toutefois des procédés qui suscitent l'interrogation. Par exemple le club des 50 ; officiellement condamné par la plupart des obédiences, il forme une fraternelle très ciblée sur l'activité économique. A ce titre, il constitue potentiellement le regroupement d'intérêts économiques, et donc un club d'affaires. Ses statuts sont d'ailleurs implicitement révélateurs de possibles pratiques affairistes, puisqu'ils indiquent qu'il ne faut pas profiter des agapes fraternelles pour faire des affaires…


Quelle différence faites-vous entre l'espace maçonnique et les clubs officiels, de type Rotary, qui sont aussi des leviers de lobbying et de coopération professionnelle ?

 

Je ne fais pas de différence. On peut procéder à des regroupements sans y « faire des affaires ». Lorsqu'il a pour motivation de persuader - à propos d'une philosophie, d'un projet…-, le lobby n'est pas dangereux. Il le devient lorsqu'il incite à la corruption. Or la frontière est ténue.
La fraternité et l'idéal maçonnique ne prennent pas pour hypothèse de « faire des affaires ». Le problème n'est pas le lieu mais ce que l'on y fait, il est dans la capacité de l'homme à dévoyer ce qu'il a crée. Regardez l'ordinateur : il est tout à la fois un outil exceptionnel de communication et d'approfondissement des connaissances ; lorsqu'on y inclut des images pédophiles, il prend une toute autre dimension.


La présence de dirigeants maçons constitue-t-elle pour les entreprises davantage un atout ou un danger ?

 

Dans le principe, il n'existe pas de danger. Au contraire, si l'on s'en tient à l'idéal affiché par les obédiences maçonniques qui trace une marche vers la lumière et un apprentissage permanent. Une fois les règles éthiques respectées, je ne vois même que des avantages. Il en irait différemment si un dirigeant d'entreprise entrait une maçonnerie pour améliorer ses marges en bénéficiant des pratiques fraternelles qu'elle développe.


Comment peut-on distinguer aux plans éthique et juridique ce qui relève de l'entraide ou de la fraternité et ce qui constitue du favoritisme ?

 

Prenons pour exemple un avantage donné à un maçon dans le cadre d'un recrutement ou d'une promotion. L'éthique maçonnique est clairement transgressée. Le danger est d'autant plus crédible que la franc-maçonnerie évolue dans la pénombre. Cette dérive est propre à l'ensemble des groupes humains, quels qu'ils soient, ils peuvent être tentés de dépasser la simple fraternité pour verser dans ce qui s'apparente à un corporatisme étriqué. A ce titre, la disparition des fraternelles donnerait du sens à l'éthique maçonnique. Pour autant, ne nous leurrons pas : les obédiences ne pourront jamais rien contre le candidat dont le masque, respectable, d'une recherche de la lumière cache en réalité l'avidité et l'ambition de progresser plus vite que ne le permettraient ses compétences professionnelles.


Faites-vous une distinction entre les loges ? Notamment entre la GLNF et les autres ?

 

Il faudrait avoir une connaissance encyclopédique des dossiers suspects d'affairisme maçonnique pour affirmer qu'une obédience est plus corrompue qu'une autre. Il se trouve seulement que là où je suis, ce sont les adhérents de la GLNF qui me sont apparus comme suspects de pratiques discutables. Il ne peut s'agir dès lors que d'une conclusion relative.


Considérez-vous « livrer un combat ?

 

Par nature la justice me paraît être un combat contre ce qui nuit aux équilibres de la société. J'espère toujours qu'en portant le fer dans la plaie et en le disant à voix haute, on fera reculer ceux qui seraient tentés de confondre fraternité et affairisme. S'il s'agit d'un combat, je ne doute pas que nombreux sont les Maçons qui, par respect de leur idéal, sont prêts à le mener avec moi.


Estimez-vous que l'exercice indépendant et intègre du métier de magistrat est difficilement compatible avec une appartenance maçonnique ?

 

Ce qui est menacé, c'est davantage l'intégrité des professionnels que celle de la profession. Certaines sont plus exposées que d'autres, et les décisions qu'elles rendent concernent trop la collectivité pour que celle-ci, qui n'est déjà que trop portée à le faire, ne les suspecte. Les décisions de justice en font partie. Plus largement, toutes les décisions d'une autorité publique de référence doivent être protégées. Alors certes la vie privée de celui qui le rend peut être atteinte, et l'on finirait par penser que l'on a moins de droits dans certains emplois que dans d'autres. Je connais cela en qualité de procureur de la République. Parfois, je me vois renoncer à l'exercice d'un droit qui m'est reconnu par ailleurs parce que je sais que si je l'applique, on pensera que l'auteur n'est pas l'individu mais le procureur.
L'éthique du dirigeant doit conduire tous ceux qui ont de lourdes responsabilités dans la société à se priver de choses pour lesquelles ils auraient naturellement et honnêtement de l'appétit, au seul motif que cela peut éveiller une suspicion qui ne ferait que contribuer à abaisser, à rendre illégitimes, voire à corrompre les décisions qu'ils prennent.
Si un magistrat considère, parce qu'il est Maçon, qu'il ne peut statuer dans un dossier concernant certains de ses « frères », il doit se retirer. On pourrait considérer qu'il pourrait également « se mettre en sommeil » de sa loge mais cela ne pourrait suffire. Entre dire que l'on a démissionné et le faire vraiment, il existe une marge, celle de la bonne foi… Si je crois certains de ceux qui m'ont confié avoir renoncé à leur atelier au nom d'une incompatibilité entre ce qui leur était demandé et leur idéal maçonnique, je dois aussi m'en tenir à ce que je sais, pas à ce que je crois ou que je puis éventuellement deviner. Mais ce que je sais me suffit pour penser que le problème existe. Un maçon m'avait écrit il y a quelques années une phrase que je ne puis oublier : « il y a chez nous trop d'initiés qui sont restés des profanes ».

 

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Commentaire 1
à écrit le 16/07/2014 à 2:19
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Montgolfier est une ordure tout le monde le sait c`est le syndicat de la magistrature ces gens la sont proteges jusque quand et bien lisez Alexandre Dumas

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