Acies : Patrick Duvarry, l'énigmatique dirigeant

Depuis le début des années 1990, Patrick Duvarry dirige la société de conseil en crédit impôt recherche Acies Consulting Group, aux côtés de son associé de toujours Franck Debauge, ami et homme de réseaux. Aujourd'hui, sans doute fatigué par les nombreuses critiques et les différents procès intentés contre son entreprises par d'anciens salariés, le dirigeant se dit retiré de l'opérationnel, préférant mener d'autres activités entre mécénat et pétanque.
Patrick Duvarry, dirigeant d'Acies.

D'une période de domination du marché à des années plus difficiles côté clients, Acies Consulting Group, pionnière dans le conseil aux entreprises sur le dispositif du crédit impôt recherche, connaît un climat social tendu depuis 2005, « du moment où Patrick Duvarry nommera ses « fils spirituels », à des postes de direction ».

Des surnoms donnés en interne par les salariés en voyant l'entrepreneur lyonnais leur offrir sa plus grande confiance. Une erreur ? Parmi eux, le nom d'Arnaud Lacomme a été à plusieurs fois évoqué dans les témoignages recueillis. Entré en 2001, l'homme a démarré au plus bas de l'échelle, jusqu'à devenir directeur commercial de la société en 2005 avant de se voir, en 2007, intégrer le comité de direction de l'entreprise, jusqu'à son départ en 2009 pour divergences.

L'ascension est fulgurante, Patrick Duvarry, Pdg de la société, en fait son plus proche collaborateur et lui offre argent, pouvoir et reconnaissance. Si bien qu'une relation d'amitié nait entre les deux hommes.

« Paranoïa »

Arnaud Lacomme est en confiance, gère une grande partie de la société, et règne à bord... mais devient la bête noire de certains salariés. Car au-delà de ses missions, plusieurs ex-collaborateurs interrogés lui reprochent d'avoir été, durant toutes ces années, « l'informateur » de Patrick Duvarry, n'hésitant pas à lui faire remonter des informations sur des salariés, de peur qu'ils fournissent des éléments à la concurrence.

« On nous fliquait tout le temps, affirme une salariée, restée à peine une année. La première semaine, j'ai compris dans quelle entreprise j'étais tombée. »

Et c'est à partir de 2006, que les premiers gros soupçons de concurrence déloyale envers plusieurs salariés sont apparus - débouchant sur les affaires d'espionnage. Dès lors « tout le monde virait à la paranoïa de peur d'être surveillé », indique une ancienne collaboratrice ayant tenu « 20 mois ».

D'autres témoignages corroborent le malaise. En 2007, l'entreprise connaît sa première vague de départs, une vingtaine de personnes, dont certaines en ont profité pour créer leur société spécialisée dans le crédit impôt recherche.

De quoi rendre Patrick Duvarry furieux. À cet instant, ses contempteurs considèrent qu'il devient « aigri », « méfiant », « machiavélique », « abusant même de son pouvoir ».

L'intéressé se défend : « Lorsque vous donnez trop, vous avez des retours de bâtons, c'est comme cela. »

Compétition entre directeurs

Les mots sont rudes pour qualifier l'entrepreneur lyonnais. La plaie est ouverte et ses relations se détériorent parfois même avec des collaborateurs à qui il faisait confiance. D'abord avec certains consultants et salariés administratifs, les « humiliant » parfois, « s'emportant violemment contre eux ». Un management par « la peur » qu'il aurait transmis à ses directeurs sommés de l'appliquer, et vivement critiqué par ceux qui l'ont subi.

Acies

Bruno Demortière, directeur général des opérations et Etienne de la Bourdonnaye, DRH.

« Au début tout allait bien, on vous promettait d'évoluer très rapidement, et puis au bout de quelque temps, tout s'inversait et vous n'étiez plus en odeur de sainteté, par exemple lorsque vous preniez des initiatives », explique une ancienne cadre.

« Ils avaient un dossier sur chaque personne et lorsque vous ne conveniez plus, on pouvait vous supprimer vos primes de participation ou vous licencier sans aucun motif. Comme je ne suis pas rentrée dans le moule, ils ont fini par me faire faire des tâches ingrates », raconte une ancienne salariée partie en 2010, ayant remporté son procès pour harcèlement.

Un constat partagé par d'anciens managers :

« Lorsque nous étions embauchés, nous étions là pour « virer » les plus anciens », se souvient un cadre.

« Il y avait toujours cette même mécanique », confirme un autre. Au plus haut de la hiérarchie, les salariés assistaient même à une compétition entre directeurs. Chacun essayant d'obtenir davantage de pouvoir, quitte à jouer des coudes.

Et ce, en utilisant habilement les mêmes méthodes - critiquées - des prédécesseurs, avant d'être écartés ou rétrogradés par Patrick Duvarry. L'histoire se répétant inlassablement, jusqu'à il y a peu encore.

Une belle équipe pourtant

Des souvenirs toujours présents, entre burn-out, dépression, perte de confiance en soi, Acies aurait été une « machine à broyer », estiment de nombreux salariés partis de l'entreprise. Certains ont réussi à tourner la page, ont voyagé, créé leur société ou retrouvé du travail.

« Mais la blessure met du temps à cicatriser puisque l'on en vient à douter de soi-même », remarque une ancienne salariée.

Quand d'aucuns ont su résister par ambition professionnelle ou cautionner grâce à une confortable rémunération (de 4 000 à 10 000 euros mensuels), d'autres n'ont pas tenu, préférant se résigner, abandonner ou se sont fait licencier.

« C'est regrettable, car Acies possédait et encore aujourd'hui dispose de belles équipes, composées de personnes compétentes reconnues par les clients. Acies sait recruter de beaux profils. »

Acies

Les bureaux d'Acies dans le centre de Lyon.

Une remarque plusieurs fois entendue. Des équipes composées de profils scientifiques et financiers, de niveau bac + 5 dont certains bénéficient d'une large expérience au sein de groupes internationaux. Mais lorsque les premiers problèmes sont survenus, l'entreprise est devenue l'ombre d'elle-même, victime d'un « turn-over important ».

"Il a été influencé"

De la réorganisation que connaît sa société, Patrick Duvarry se dit « satisfait ».

« 2015-2020 sera enfin une bonne période », annonce-t-il comme pour prévenir ses concurrents qu'Acies est de retour dans un marché concurrentiel (pesant six milliards d'euros) qui connait lui-même des difficultés (le cabinet Alma annonce un PSE de 200 personnes) et faire taire les mauvaises langues.

L'homme de 60 ans annonce avoir désormais pris ses distances avec l'opérationnel affirmant donner les clés à sa nouvelle équipe dirigeante. Il aurait tourné la page des années difficiles malgré des blessures longues à panser.

« Moralement, cela a été compliqué à vivre pour lui, raconte l'un de ses amis Jean-Claude Michellier, vétérinaire à la retraite. Il a commis des erreurs me disait-il, mais aujourd'hui, il a remis de l'ordre et a su mieux s'entourer. »

« Il a été influencé. Dans l'histoire, il n'est pas à blâmer, mais plus à plaindre. Certains ont profité de lui pour le plumer », nous indique-t-on.

Franck Debauge, l'ami fidèle

Autodidacte, celui qui rappelle ne pas avoir de diplôme, peut toujours compter sur son ami fidèle Franck Debauge pour « faire tourner la maison ». Actionnaire d'Acies Consulting Group depuis le début, aujourd'hui à hauteur de 4 %, il est le « monsieur lobbying » et relations extérieures de la société.

Et avec lui, Patrick Duvarry partage « le plaisir de travailler ensemble, de rire et de faire de bonnes journées », peut-on apprendre dans un portrait publié dans l'ouvrage Entrepreneurs en mouvement, éditions Autrement (2005).

Franck Debauge

En multipliant les casquettes, Franck Debauge s'est forgé l'image d'« un des principaux experts du financement de la recherche et de l'innovation en France » régulièrement sollicité par les médias : blog sur le site du monde.fr, auteur de plusieurs ouvrages sur l'innovation, contributeur du Livre blanc du crédit impôt recherche du Medef et à l'origine de l'Observatoire annuel du dispositif.

Franck Debauge est l'homme des réseaux. Membre du bureau de la commission recherche innovation du Medef, de l'Ordre des experts comptables ou encore de l'Association des directeurs financiers et de contrôle de gestion, il est intégré jusqu'au plus haut de l'État, au sein du Sénat. Avec Patrick Duvarry, il forme ainsi « un couple » indissociable.

« Il lui a offert un nom, de l'argent et une reconnaissance », estime un ex-collaborateur de Franck Debauge. A travers lui, la réputation d'Acies est en jeu, mais aussi la caution business de l'entreprise.

Mécénat et pétanque

Aujourd'hui, présent dans l'entreprise plus « qu'une fois par semaine », Patrick Duvarry préfère s'engager sur d'autres activités : le mécénat et la pétanque. Chaque année, il fait don, sur sa fortune personnelle, de plusieurs milliers d'euros à des projets lyonnais.

« On doit être un acteur de la cité », précise-t-il.

C'est alors qu'il s'investit pour la Fête des Lumières en soutenant des projets dont Terreaux Lumière, lors de la dernière édition.

« C'est un allumeur d'étoiles, attentif à toutes les découvertes qui ont pu ou peuvent transformer le quotidien et créer des emplois », précise Gilbert Coudène, l'un de fondateurs de la Cité de la création, qui l'accompagne parfois sur des terrains de pétanque ou lors de virées dans des vignobles à bord de ses bolides.

La pétanque, une passion devenue un nouveau métier pour celui qui a démarré sa carrière professionnelle comme vendeur d'encyclopédies Tout l'univers. D'abord mécène pour le club lyonnais La Pétanque des Canuts, qu'il fera grandir pour en faire un club d'élite, il en deviendra président.

Mais tel un chef d'entreprise, il voit plus loin et plus grand dans ce milieu composé principalement d'amateurs. « Poussé par mes copains », il répondra fin 2013 à l'appel d'offres lancé par la Fédération française de pétanque et jeu provençal qui souhaite renouveler la gestion de ses droits d'images, de marketing et de communication, gérée depuis 15 ans par l'agence Quaterback. Appel d'offres que Patrick Duvarry remporte.

Le milieu s'interroge

Quelques mois plus tard, il crée l´agence Pulz qui devient l'agence officielle d'une fédération comptant 296 000 licenciés en France. Choisie entre autres pour ses capacités à faire « rentrer des ressources issues de partenaires privés dans les caisses d'une fédération au budget stagnant à deux millions d'euros », Pulz se verra confier son premier tournoi en mars dernier après une année blanche pendant laquelle la fédération retardera la signature du contrat pour cause de querelles internes à ladite fédération.

alès

Pulz a géré la finale de la Coupe de France de pétanque 2015 à Alès.

Avec cet engagement Patrick Duvarry voit à nouveau plus loin et projette de grandes ambitions pour la discipline, plus largement pour les bowls sport (regroupant la pétanque, la raffa volo, la lyonnaise et la lawn bowls pratiquées par plusieurs millions de personnes dans le monde).

« Je rêverais que ces sports populaires deviennent olympiques », déclare-t-il, et imaginant dans le rôle de capitale en la matière, la ville de Lyon.

Mais ses motivations restent floues et les interrogations interpellent le milieu.

« On n'arrive pas à le cerner ni à connaître son intérêt », indique un spécialiste. Patrick Duvarry avoue être un homme discret, et n'être d'aucun réseau.

Aussi bien en pétanque que dans les affaires.

Fortune

Il dit vivre simplement pouvant aussi bien dormir dans de grands hôtels qu'en Airbnb lorsqu'il voyage. Ses amis le qualifient d'« homme généreux, qui peut payer les notes de restaurant pour de grandes tablés » ou se rendre les week-ends visiter des personnes âgées dans une maison de retraite. Acies a fait sa fortune.

Le « paysan de l'Ain » comme il aime se définir, Rolex au poignet, a bâti un petit empire composé d'« un des plus beaux appartements du Vieux-Lyon », de biens immobiliers ou encore de luxueuses voitures. « Il se fait plaisir », lance Jean-Claude Michellier. « Tout en ayant le sens du partage », ajoute Gilbert Coudène.

Refusant toute photographie de lui prétextant ne pas vouloir personnifier l'entreprise à son dirigeant, ce fils d'ouvriers, timide de nature, n'est pas programmé pour raccrocher. Acies restructurée, l'homme confie aujourd'hui aspirer à partager son amour pour l'entrepreneuriat, apparu à l'âge de 14 ans, aux plus jeunes en créant un fonds d'investissement pour les jeunes. Patrick Duvarry, « un allumeur d'étoiles ? »

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