Les ETTP, une autre solution pour développer la flexibilité du travail

A l'heure où la flexibilité du travail est au coeur du discours politique, les entreprises de travail en temps partagé (ETTP) restent rares en France. Mais dans le Rhône, le phénomène fait son nid. Une stratégie qui permet aux entreprises de s'adapter rapidement aux fluctuations d'activité, et aux salariés, d'observer une certaine stabilité.

En un an et demi, Justine Bègue a travaillé pour trois entreprises. Elle est pourtant en CDI. Embauchée en février 2015 par Sirac, entreprise de travail en temps partagé (ETTP) basée à Villeurbanne, la jeune femme est mise à disposition d'entreprises dans son domaine de compétences - le conseil en insertion- tout en étant assurée de conserver son salaire entre deux missions.

C'est le principe même des ETTP. Autorisées depuis 2005 en France, elles travaillent avec de petites structures qui n'auraient pas la possibilité de signer un contrat en temps plein. Pour une entreprise traditionnelle "l'obligation d'embaucher en CDI peut faire peur", reconnaît Baptiste Dumas, fondateur de Sirac en 2009. Depuis sa fondation, 90 personnes ont été employées et des agences associées sont en création à Villefranche-sur-Saône, Valence, Dijon, Grenoble et Avignon.

Une flexibilité qui avantage, par exemple, les jeunes entreprises. Simon Néouze, gérant du cabinet de communication Better & Stronger, reconnaît :

"Payer le temps partagé, c'est peut-être un peu plus cher qu'un contrat classique. Mais ça économise beaucoup de temps de recrutement et de frais éventuels en cas de licenciement. Cela permet de moduler plus facilement le temps de mise à disposition."

Pour les entreprises, avoir recours à une ETTP permet aussi de trouver une même personne qui viendra régulièrement dans une même entreprise, même seulement quelques jours par mois. "On amène du sur-mesure!", s'exclame Baptiste Dumas. Pour l'entreprise cliente, elle est ainsi assurée de retrouver une personne qui connait déjà son environnement et ses process. Une continuité qui s'inscrit dans la philosophie de Sirac. "Pour qu'un salarié s'investisse, il lui faut de la stabilité. L'ETTP doit offrir autre chose que l'intérim."

Lame de fond

Ce mode de travail inspire de plus en plus de salariés. D'après le baromètre 2016 du travail en temps partagé, 74 % des personnes qui travaillent pour plusieurs employeurs l'ont choisi comme une nouvelle façon de travailler ou comme une nouvelle opportunité. Les ETTP, en revanche, ne sont qu'une forme de travail partagé parmi d'autres et restent peu répandues.

"Quand on voit que l'intérim date des années 1950, on se rend compte que ce type d'entreprise est un phénomène très récent sur lequel on a peu de recul", tempère toutefois Baptiste Dumas, fondateur et gérant de Sirac.

Ce type de structure permet dans certains domaines de trouver plus facilement un emploi, et également d'apporter une plus grande sécurité au salarié. Itzel Jurado, également employé chez Sirac, se rappelle de son arrivée dans l'entreprise :

"J'ai intégré Sirac par une annonce de Pôle Emploi. J'avais alors 25 ans. Je cherchais du travail en parallèle de mes études. Je n'avais que trois heures de cours par jour et j'étais donc disponible pour du temps partiel. Je suis Mexicaine et j'avais déjà travaillé dans l'administration dans mon pays. Mais c'était dur de décrocher des entretiens sans expérience en France. Avoir un CDI m'a ensuite aidée à trouver un logement."

Ce travail flexible présente tout de même des limites pour les salariés. "Sirac, qui ne bénéficie pas d'une convention collective, se fonde sur le droit du travail, explique une salariée de l'ETTP. Il faut donc négocier beaucoup de choses, par exemple pour bénéficier de tickets restaurant, quand on signe la convention de mise à disposition avec une entreprise." Un syndicat du travail en temps partagé, porté par le groupe lyonnais Pro Services Consulting, est en création. "On a besoin de défendre notre modèle face aux mastodontes que sont l'autoentrepreneuriat et l'intérim", considère Baptiste Dumas, intéressé par le projet.

Une forme atypique de travail


Le temps partagé n'a pas attendu les ETTP pour se développer en région lyonnaise. CTP 69 se présente par exemple comme l'association qui a fondé cette forme atypique de travail, avant d'essaimer dans la France entière. Créée en 1992, elle oriente des cadres au chômage vers de petites entreprises en temps partiel.
Le président de l'association, Edouard Desouche, se rappelle : "Nous étions plusieurs cadres et ingénieurs qui voulaient vendre leurs compétences non à des grands groupes, mais à des TPE. Aidés par l'Apec, nous avons trouvé cette solution." Aujourd'hui, l'association accompagne une soixantaine de cadres expérimentés chaque année, incitant les petites entreprises à les employer en temps partiel. "Le modèle traditionnel tend à disparaître, estime Edouard Desouche, sauf dans les grands groupes, qui sont davantage capables de prévoir leurs résultats sur le long terme."

Lexique du temps partagé :


Les ETTP ne sont qu'une forme du travail en temps partagé à ne pas confondre avec:
- Les groupements d'employeurs : autorisés en 1995, ils sont plus nombreux que les ETTP en France. Les employés sont embauchés en CDI puis effectuent des missions auprès des entreprises qui ont adhéré au groupement. Cette forme de travail sera mise en avant cette année lors de la semaine nationale du travail en temps partagé, du 9 au 14 octobre.
- Les slasheurs : la dénomination de cette forme de travail en temps partagé est apparue aux Etats-Unis. Souvent jeunes diplômés, les slasheurs choisissent plusieurs employeurs. Cela peut aussi être un moyen pour eux de parvenir à joindre les deux bouts, ou de conjuguer une passion peu rémunératrice avec un travail alimentaire.
- Le portage salarial : une société, rémunérée par le salarié, lui permet de facturer des services sans avoir de numéro Siret. C'est le salarié qui trouve ses clients. Cela peut lui permettre de tester un projet entrepreneurial.
- Les prestataires de service : le salarié, en CDI, est libre de la mise en oeuvre de sa mission auprès du client du prestataire. En revanche, les ETTP comme les prestataires font de la mise à disposition de personnel en CDI.

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