Zannier, l’étoffe de la reconquête

Au terme de la cession de son pôle vêtements adultes (IKKS, I-code, One step) et d’un plan social de 220 emplois, Zannier met en œuvre une stratégie de reconquête pour espérer renouer avec la rentabilité d’ici à 18 mois. Le groupe familial basé à Saint-Chamond (Loire), leader européen du prêt-à-porter enfant, mise sur son large portefeuille de marques (Z génération, Catimini, Chipie, Kenzo kids, Paul Smith junior, etc.) pour trouver des relais de croissance à l’international. Le plan d’attaque porté par son jeune directeur général Rémy Baume s'effectue dans un contexte concurrentiel difficile et ne rassure pas les salariés.
Étoffe 2018, la stratégie que veut mettre en œuvre la nouvelle direction va t-elle réussir ?

Un an après l'annonce d'un PSE, dont les négociations ont abouti fin février 2015, le climat social est encore à vif au sein du groupe Zannier. Le leader européen de la mode enfant, basé à Saint-Chamond (Loire), a opéré une profonde restructuration qui s'est soldée par 220 licenciements, la fermeture programmée d'une douzaine de points de vente et le regroupement de plusieurs sites de création.

Ainsi, l'unité de Carcassonne (Aude) qui travaillait pour la marque Chipie a-t-elle été transférée sur le site de la marque Levi's kids à Beaurains (Pas-de-Calais). "À 800 kilomètres de distance, les salariés de Chipie n'ont pas suivi", déplore Géraldine Mailler, déléguée syndicale CFDT du groupe et secrétaire du comité d'entreprise. La vingtaine de salariés de la marque Lili Gaufrette travaillant sur le site de Saint-Maur-des-Fossés (Val-de-Marne) a, pour sa part, été invitée à rejoindre l'unité de Rillieux-la-Pape.

"Nous avons fait ce PSE pour deux raisons, souligne Rémy Baume, directeur général du groupe. Tout d'abord, nous souhaitions rapprocher certaines de nos marques de leurs grandes sœurs afin de leur donner davantage de moyens. Ensuite, nous voulions renforcer la collaboration entre nos marques. Pour cela, nous avons notamment changé l'organisation des achats."

"La vente d'IKKS group était dans l'ordre des choses"

En juillet 2014, les enfants, très discrets, du fondateur Roger Zannier, actionnaires majoritaires du groupe depuis 2005, ont revendu les marques IKKS, I-code et One step à leur père. Ce pôle vêtements adultes du groupe Zannier représentait plus de 300 de ses 730 millions d'euros de chiffre d'affaires annuel. Le produit de la vente doit permettre au groupe Zannier de se désendetter et de financer sa nouvelle stratégie de croissance.

"La vente d'IKKS group était dans l'ordre des choses, estime Rémy Baume. D'une part, il était logique que la marque prenne son indépendance. D'autre part, cela nous permet de redevenir un acteur exclusif de la mode enfant. Cette cession simplifie notre modèle opérationnel, car les secteurs de la mode adulte et de la mode enfant ne répondent pas aux mêmes processus ni aux mêmes rythmes, et les fournisseurs sont différents. Nous recentrer sur l'enfant nous permet d'être mieux compris de nos partenaires internationaux."

Rémy Baume

Rémy Baume, directeur général du groupe Zannier (crédit : Laurent Cerino/ADE)

Un marché en recul depuis dix ans

Nommé en novembre 2013 à la direction générale, Rémy Baume doit relancer le groupe dans un contexte de marché difficile. Selon la dernière étude du cabinet Xerfi France, la distribution de prêt-à-porter pour enfants a reculé en France de 10 % sur les neuf dernières années, le budget annuel moyen par enfant tombant en moyenne de 342 à 315 euros entre 2009 et 2014. Un constat morose assorti toutefois d'une note d'optimisme : "La reprise économique dès 2017 boostera le pouvoir d'achat des ménages et le scénario démographique stimulera le secteur", anticipe Xerfi France.

Reste que le contexte concurrentiel se fait également toujours plus dense. Les distributeurs doivent faire face aux nouvelles pratiques d'achat sur Internet, à l'essor du marché de l'occasion (brocantes, dépôts-ventes, vide-greniers...) et à l'étalement des achats au gré des soldes et promotions tout au long de l'année. Les spécialistes de la mode enfant doivent aussi rivaliser avec des enseignes généralistes disposant de concepts dédiés (Mango kid, Muji kids...) et des grandes chaînes de distribution particulièrement offensives sur les prix. D'une manière générale, le modèle économique du secteur de la mode enfant est assez tendu.

"Dans le prêt-à-porter pour enfants, les coûts de production sont les mêmes que dans la mode adulte, mais les produits sont vendus en moyenne de 30 à 40 % moins cher, explique Rémy Baume. Donc ceux qui savent faire fonctionner ce modèle économique plus sensible sont moins nombreux."

Capter de la croissance au Moyen-Orient et en Russie

Baptisée Étoffe 2018, la stratégie que veut mettre en œuvre la nouvelle direction s'appuiera sur trois leviers : la redéfinition de l'identité de chacune des quinze marques du groupe, l'amélioration de l'efficacité commerciale et la massification industrielle en favorisant les coopérations entre marques. Cette stratégie doit permettre le retour du groupe à la rentabilité d'ici 12 à 18 mois. Rémy Baume compte particulièrement sur le développement à l'export.

"En France, le marché du prêt-à-porter enfant s'effrite légèrement, mais au niveau mondial, il progresse en moyenne de 5 % par an. Il y a de la croissance et nous sommes bien placés pour la capturer."

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Le groupe Zannier possède une quinzaine de marques (crédit : Laurent Cerino/ADE).

À ce jour, Zannier réalise 430 millions d'euros de chiffre d'affaires, dont 55 % sur le marché hexagonal. Le solde est généré en grande partie par un réseau de filiales internationales (Italie, Espagne, Portugal, Benelux, Royaume-Uni, USA, Allemagne). L'export hors filiales ne représente que 8 % des ventes du groupe. C'est cette part que le directeur général entend tripler à l'horizon 2018. Un essor qui passera par la signature de partenariats avec des distributeurs. D'ici à cinq ans, Zannier vise l'ouverture d'une soixantaine de magasins (enseignes Z génération, Absorba et 3 Pommes) au Moyen-Orient ainsi qu'une trentaine en Russie (Z génération).

Des discussions sont en cours en Asie et en Amérique centrale. "Notre portefeuille de marques et notre taille sont des atouts très importants face à la concurrence", assure Rémy Baume. Présent dans 120 pays, le groupe emploie 3 500 salariés dans le monde et dispose d'un réseau de près de 900 boutiques (dont 480 en France). Son offre est constituée de quinze marques milieu de gamme (Z génération), premium (Chipie, Catimini, Jean Bourget...) et de créateur (Kenzo kids, Junior Gaultier, Paul Smith junior...), dont six licences.

Une nouvelle filiale en Allemagne

Début juin, le groupe Zannier a annoncé la signature d'un partenariat de cinq ans portant sur le développement, la fabrication et la distribution de la collection de la marque allemande Esprit kids. Cette nouvelle licence pourrait rapidement devenir la troisième marque la plus importante du portefeuille du groupe en terme de chiffre d'affaires.

L'opération se double de la création d'une filiale outre-Rhin, un secteur géographique porteur sur lequel le groupe ligérien était jusqu'alors peu présent. "Le marché germanophone est très différent du marché latin en matière de style, constate Rémy Baume. Les marques doivent d'abord y faire leurs preuves. Entrer en Allemagne avec la marque Esprit kids va également nous permettre d'y exporter nos marques Levi's kids et Absorba."

Parallèlement à son développement à l'international, le groupe Zannier entend rapprocher sa boutique en ligne Kidiliz.com et son réseau de 120 points de vente multimarques (Teen factory, Enfance, Mon plus beau souvenir, etc.).

"Nous faisons actuellement des tests concernant les possibilités de faire du click-and-collect et du store-to-web, détaille Rémy Baume. Nous présenterons le concept Kidiliz aux affiliés en espérant qu'un maximum se convertira grâce aux performances supérieures de ce modèle alimenté d'exclusivités commerciales."

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Présent dans 120 pays, le groupe emploie 3 500 salariés dans le monde et dispose d'un réseau de près de 900 boutiques, dont 480 en France (crédit : Laurent Cerino/ADE).

Cette stratégie omnicanale doit permettre de multiplier les chances de toucher un consommateur volatile. Au rayon des nouveautés toujours, le groupe a lancé cet été une nouvelle marque baptisée Chill around dédiée au segment des préados et exclusivement distribuée dans son réseau de boutiques multimarques. Zannier entend également se renforcer sur le créneau de la petite enfance en lançant Myfirstdressing, un coffret cadeau permettant à la jeune maman de choisir parmi les différentes marques du groupe.

"Il y a 800 000 naissances chaque année en France et chaque nouveau-né reçoit en moyenne entre 30 et 35 cadeaux", justifie Rémy Baume.

Enfin, la direction du groupe travaille sur la rénovation d'ici à deux ans des 500 magasins Z implantés en France et en Italie. "Il faut rajeunir l'enseigne et l'ensemble du parc de magasins, insiste Marie-Paule de Carvalho, déléguée syndicale CGT du groupe et responsable d'une boutique Z génération à Dieppe (Seine-Maritime). Dans la tête des gens, c'est une vieille marque. Beaucoup ignorent qu'elle existe encore. » L'enseigne, dont plusieurs concepts − parfois assez anciens − coexistent actuellement, manque cruellement de cohérence et de lisibilité. « Les clients s'y perdent un peu. »

"Là pour faire le ménage"

Selon Matthieu Bruneau de la Salle, délégué syndical CFE-CGC du groupe, "le plan stratégique est bien perçu par les équipes − du moins par l'encadrement −, car le projet présenté est clair et ouvre des perspectives d'avenir". L'homme reste prudent, mais voit "des sources d'optimisme". Chez les autres représentants des salariés, l'enthousiasme est nettement plus mesuré.

"Il va falloir qu'on aille chercher la croissance. Mais les forces du groupe (portefeuille de marques, réseau de boutiques, savoir-faire industriel, NDLR) suffiront-elles à sortir la tête de l'eau ?", s'interroge, inquiète, Marie-Paule de Carvalho. "Dans ma boutique, la fréquentation est en recul par rapport à l'année dernière. Pourtant le groupe a fait énormément d'efforts sur la collection", poursuit-elle. Après la vente d'IKKS pour rembourser les dettes, Géraldine Mailler (CFDT) se demande pour sa part si le groupe a encore les moyens de ses ambitions.

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Zannier réalise 430 millions d'euros de chiffre d'affaires, dont 55 % sur le marché hexagonal (crédit : Laurent Cerino/ADE).

"Tout va se jouer en boutique, estime la déléguée syndicale. Pour y arriver, il faut que les deux locomotives du groupe, Z et Catimini, redémarrent."

Le nouveau directeur général devra composer avec la défiance des salariés. "Rémy Baume est arrivé avant le plan social. Dans la tête des gens, il est là pour faire le ménage", constate Marie-Paule de Carvalho. "Son nom est associé au PSE", confirme de son côté Géraldine Mailler. Les deux déléguées syndicales dénoncent d'une même voix le manque de présence du nouveau directeur.

"Nous ne l'avons vu qu'une seule fois durant les négociations du PSE, note la représentante de la CGT. Nous avons surtout traité avec le secrétaire général du groupe, Loïc Josse, et la DRH. Aujourd'hui, Rémy Baume fait le tour des sites pour rassurer les gens, mais il arrive après la bataille."

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