Cenntro Motors France (ex-SITL et FagorBrandt) : qui y croit encore ?

Un dossier exceptionnel par le nombre d'emplois concernés, la complexité de sa résolution, et la polarisation politique dont il fait l'objet : ainsi peut-on résumer « l'affaire » SITL (ex-FagorBrandt), aux mains de Cenntro Motors France depuis juin 2014. L'épilogue, heureux ou funeste, s'écrira ce printemps. Cette semaine, Acteurs de l'économie - La Tribune décortique et analyse le dossier d'un redressement judiciaire « hors norme ».

395 emplois en jeu : c'était un « dossier » industriel et social lesté de lourds symboles et d'enjeux, en premier lieu politiques à l'approche des scrutins présidentiel puis municipal, tout aussi considérables. Le 18 juin 2014, le Tribunal de commerce de Lyon remettait au groupe américain Cenntro Motors les actifs de SITL, en redressement judiciaire depuis le 2 janvier de la même année.

Une situation initiale dramatique

Une issue presque inespérée, tant la situation de l'entreprise, créée trois ans et demi plus tôt par l'industriel Pierre Millet pour accomplir la mutation vers les clean techs (véhicules électriques à usage professionnel, filtres à eau) d'un site Fagor-Brandt historiquement dévolu à la production de machines à laver, était dramatique.

Et une victoire « collective », accomplie grâce à la coopération exemplaire des pouvoirs publics, des services de l'État, du Tribunal de commerce et des collectivités locales, orchestrée avec sa détermination coutumière par le préfet de Rhône-Alpes Jean-François Carenco. Huit mois plus tard, ce dernier l'affirme : « Tous les clignotants sont au vert ». Et l'ancien directeur de cabinet du ministre de l'Écologie Jean-Louis Borloo, de placer au « 7e rang sur une échelle de 10 » son degré de confiance en l'avenir.

« Nous déciderons d'ici l'été »

Réelle ou feinte, sincère ou tactique, cette déclamation - assortie de vitupérations contre toute contestation ou perspective contraire - est fidèle au « style » d'une personnalité adepte des phrases chocs et de la méthode Coué, et dont l'investissement dans la concrétisation du chantier a impressionné, même chez ses détracteurs. Pourtant, au fur et à mesure que le groupe américain tente de mettre en œuvre sa stratégie et accumule les retards - la production de véhicules électriques, déjà confinée à quelques exemplaires du temps de SITL, tarde à voir le jour -, elle apparaît de moins en moins inexpugnable.

Et cela jusque dans la voix même du patron de Cenntro Motors France, Didier Verriest, qui confesse une « situation plus difficile que prévue », assimile rétroactivement le maintien des presque 400 salariés à « une folie », concède « plausible » l'hypothèse d'un plan social « d'ici 3 à 6 mois », juge que le climat social et syndical constitue un « danger », et se réserve même la possibilité, « au seuil de l'été », de ne pas poursuivre son engagement... La décision du Tribunal de commerce se révélera-t-elle alors n'avoir été qu'un sursis pour une ex-société SITL que tout promettait à l'inhumation ?

Miracle et rebondissements

Acteurs de l'économie - La Tribune a radiographié les quatre années qui précèdent ce printemps 2015 décisif. Et dissèque les faits, les pressions, les négociations qui particularisent un dossier sobrement qualifié par l'administrateur judiciaire Robert-Louis Meynet d'« hors norme ». L'enquête, polarisée sur les pièces maîtresses qui composent la partie d'échecs savamment disputée, révèle une telle succession de rebondissements, une telle accumulation d'écueils, des comportements et des situations d'une telle singularité, un tel enchevêtrement d'aspirations rivales et d'acteurs institutionnels et politiques - locaux et nationaux - aux intérêts contradictoires... que l'issue relève du miracle. Mais qui croit au miracle ? Et les miracles sont-ils pérennes ?

6 millions d'euros exfiltrés

Au nom de l'obsession, louable mais aussi éminemment politique, de préserver le plus grand nombre possible d'emplois, décision aura été prise de procéder à la poursuite d'une activité dont l'administrateur judiciaire lui-même concède « qu'absolument rien sur un plan économique » ne pouvait la justifier lorsqu'il en hérita. Et nombre d'interrogations se bousculent. Les pouvoirs publics ont-ils failli lorsque Pierre Millet était aux commandes de SITL ? La direction de Cenntro Motors, qui dès l'été dernier rapatriait à l'étranger 6 des 7,5 millions d'euros déposés dans le cadre de la procédure de reprise, agit-elle en « chasseur de primes » ? L'offre du fonds Al Amana, moins-disante socialement mais solide aux plans industriel et financier, a-t-elle « payé » un réalisme prémonitoire - « ces 395 salariés forment un boulet social, totalement disproportionné par rapport aux besoins... et cela tout le monde le sait depuis le début », tranche un responsable syndical - ou la préservation des intérêts fonciers du Grand Lyon ?

D'autres solutions - MDA, Grand Frais - ont-elles été victimes de « joutes » ou d'arbitrages politiques, nationaux et locaux ? La manne publique affectée au sauvetage social de l'entreprise aurait-elle dû ou pu être exploitée à d'autres fins ? Autant d'interrogations qui, finalement, posent LA question : fallait-il sauver SITL ? Et au-delà, ainsi résumée par le président du Tribunal de commerce de Lyon Yves Chavent: « Jusqu'où l'État doit-il aller ? ».

Inquiétudes sur la durée

Jean-François Carenco est catégorique :

« Je ne crois qu'aux faits, et ceux-là, si j'en juge les 4 millions d'euros déjà injectés et le règlement chaque mois de tous les salaires par Cenntro Motors, sont têtus. Nous avons tout gagné : un repreneur, des investissements pour développer une technologie d'avenir, près de 400 emplois maintenus, et des garanties en cas d'échec. Que demander de mieux ? C'est un dossier exemplaire, y compris sur un plan politico-économique si j'en juge par la relation de confiance absolue qui a prévalu avec le Tribunal de commerce et l'ensemble des parties prenantes. »

Puisse l'avenir lui donner raison, espèrent aujourd'hui ces mêmes parties prenantes et, en premier lieu, un corps social de 395 salariés légitimement inquiet.

Repères

  • Pierre Millet crée la société SITL le 17 décembre 2010 et démarre l'activité le 1er avril 2011. Cette SASU (société par actions simplifiée à associé unique) a pour objets outre la production des lave-linges jusqu'alors assurée par FagorBrandt, filiale française de Fagor elle-même propriété du conglomérat basque Mondagron, la création de deux nouvelles activités appelées à se substituer d'ici 2016 à la concession conclue avec le groupe coopératif espagnol : la fabrication de véhicules électriques industriels et celle de filtres à eau. L'entreprise emploie au départ 511 salariés, l'effectif étant ramené progressivement à 395 personnes. Fagor assure à SITL une enveloppe de 9 millions d'euros pour former les salariés à la reconversion industrielle.
  • 6 novembre 2013, Fagor et FagorBrandt, qui assure encore la quasi-totalité de l'activité de SITL, déposent le bilan simultanément. En France, 1 750 emplois sont en jeu. Le 15 avril 2014, FagorBrandt sera repris pour environ 200 millions d'euros par le groupe algérien Cevital, qui préserve 1 225 emplois.
  • 27 décembre 2013, SITL se déclare en cessation de paiement et accuse un passif de 27 millions d'euros. Le Tribunal de commerce de Lyon nomme Robert-Louis Meynet administrateur judiciaire et la société est placée en redressement.
  • 18 juin 2014, le Tribunal de commerce désigne pour repreneur le groupe américain Cenntro Motors Group, qui crée Cenntro Motors France, s'engage à investir 15 millions d'euros sur 3 ans et à maintenir les 395 emplois.
  • 395 emplois conservés, 110 sont aujourd'hui effectivement en activité, 94 salariés sont en invalidité ou « pré-retraitables » (Cenntro est déchargé de leur coût), les autres font l'objet de mesures de chômage partiel pris en charge en moyenne à 85 % par les pouvoirs publics et le reste par l'employeur, et de plans de formation.
  • 7,7 millions d'euros : ce qu'ont coûté (au minimum) les dossiers SITL et Cenntro Motors aux pouvoirs publics. 5,125 M€ (aide à la relocalisation, formation continue, prise en charge du chômage partiel jusqu'en décembre 2015) pour la Direccte, 1,4 M€ (acquisition du foncier) pour le Grand Lyon, 940 K€ pour la Région Rhône-Alpes.

>> A suivre ce mardi, Pierre Millet (fondateur de SITL) : « J'ai été volé par l'Etat »

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Commentaires 3
à écrit le 09/07/2015 à 13:36
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bonsoir le lien entre cenntro est clair a un moment il etait prevus que l on soutraite la fabrication de ce vehicule electrique jusqu au moment ou michelle boss a été mi en examen ,elle est déja venu dans l entreprise je l ai vu et a la sortie du tri...

à écrit le 09/07/2015 à 13:35
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a on peut dire dire que ce sont de veritable copieur venu et envoyer par les stats of america , la disparition de la sauvegarde du disque dur des donnés du citelec,le fameux proces avec wv,faire un nouveau filtre en copiant faivre(qui ne doit pas etr...

à écrit le 11/03/2015 à 13:45
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normal,on a repris les méme et on recomence,le personnel qui avait repris le travail ne pensaient car bien ce faire voir par le nouveau directeur,on en oubliant les intéret de l'entreprise et on mal fait leur travail,et on s'apercois aujourdh'ui que ...

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