Grand stade de l'OL, Jérôme Seydoux place ses pions

En devenant propriétaire de son nouveau stade, Jean-Michel Aulas, président de l'OL, prouve aux fonds étrangers propriétaires d'équipes, qu'il peut avoir les moyens de ses ambitions et devenir un grand. Mais à quel prix ? Avant dernier épisode sur les enjeux de ce projet unique en France qui suscite crispations, inquiétudes et doutes.
Où va l'Olympique Lyonnais dirigé par Jean-Michel Aulas ?

Cette ambition qui le conduit à faire des choix parfois judicieux, audacieux, mais risqués puisque depuis ces cinq dernières années, l'Olympique Lyonnais connaît une disette financière, conséquence de résultats sportifs décevants (et donc de baisse des droits audiovisuels, des revenus publicitaires, de billetterie, etc.).

Le stade des lumières doit ainsi permettre au club et à son président de se refaire une santé financière. « L'année a encore été très difficile », annonce Jean-Michel Aulas lors de l'assemblée générale annuelle du groupe, le 15 décembre dernier, avec un déficit de 26,4 millions d'euros pour la saison 2013/2014 pour cause notamment de la taxe à 75 % sur les hauts salaires et les joueurs non vendus.

Mais devant des actionnaires acquis à sa cause, il rassure puisqu'il leur dévoilera sa stratégie pour sortir le groupe du rouge :

« Retrouver une place en Ligue des Champions valoriser le potentiel de l'académie, refinancer l'Océane (Obligations convertibles en actions nouvelles et existantes) avant le 15 septembre, et accélérer la commercialisation du grand stade. »

137 M€ de pertes

En l'espace de cinq exercices, le club a perdu 137 millions d'euros, engloutissant au passage les 93 millions d'euros levés en Bourse en 2007 - pour la construction du stade notamment - mais réussira à réunir plus de 400 millions d'euros pour financer son stade grâce à plusieurs levées de fonds dont un prêt de 136,5 millions d'euros contracté en juillet 2013 auprès de 11 banques. Une somme identique devrait être levée dans les semaines prochaines.

Ce que l'OL n'a pu emprunter, le groupe l'aura financé - mais pas encore remboursé - sur ses fonds propres au travers de la holding de Jean-Michel Aulas, ICMI, et du groupe Pathé de Jérôme Seydoux, actionnaires majoritaires du club (60 % du capital), pour un montant de 135 millions d'euros. La Foncière du Montout a eu recours enfin à deux emprunts obligataires de 112 millions d'euros. L'un, pris en charge à 80 millions d'euros par le constructeur du stade, Vinci (mais 50 % de cet emprunt est garanti par le Département du Rhône), l'autre par la Caisse des dépôts et consignations pour 32 millions d'euros. Remettant alors en cause la question du projet 100 % privé.

Jérôme Seydoux place ses pions

400 millions d'euros empruntés, une situation peu confortable, fragilisant un peu plus le groupe, l'obligeant à engendrer des revenus supérieurs dès la mise en service du grand stade. Mais une situation qui ne semble en rien entamer la confiance du patron qui n'a pas hésité à mettre la main à la poche pour financer son stade.

A l'été 2013, ICMI a en effet emprunté 31,5 millions d'euros afin de souscrire les 32,8 millions d'obligations remboursables en actions émises par l'OL Groupe pour lancer les travaux.

Pour l'association Déplacements citoyens qui épluche les comptes des deux entreprises, « ces montants sont hors de leurs capacités de remboursement. L'OL est surendetté ». « Aulas ne peut plus attendre », entend-on.

Toutefois Bruno Belgodère de l'UCPF reconnaît :

« Tous les clubs se sont endettés pour construire leur stade. C'est de la bonne dette puisqu'en face, il y a des actifs grâce aux prévisions de recettes que génère un tel équipement. »

Jean-Michel Aulas dit pouvoir revenir à l'équilibre sur la saison 2016/2017, soit l'année de la mise en service du nouveau stade, estimant même « être largement bénéficiaire ». Un discours volontariste comme pour faire taire les oiseaux de mauvais augure qui entrevoient la folie d'un président trop gourmand, dont les commandes de l'entreprise pourraient lui échapper au détriment de Jérôme Seydoux, deuxième homme fort du club.

Une hypothèse qui revient régulièrement et que ne nie pas le président de l'Olympique Lyonnais. Héritier de l'une des familles les plus riches de France, l'actionnaire (il détient 29 % de la holding ICMI) place discrètement sa garde rapprochée confirmant un peu plus sa montée en puissance au sein du groupe OL, depuis qu'il a remis de l'argent au pot pour la construction du stade. Ainsi à la tête de la Foncière du Montout, Eduardo Malone, vice-président de Pathé a remplacé Gilbert Giorgi, homme proche d'Aulas. Et Thomas Seydoux-Riboud, 32 ans, est entré récemment au conseil d'administration.

« Jean-Michel Aulas écoute désormais contraint et forcé Seydoux », nous raconte-t-on.

Faisant fi de tout bois, Jean-Michel Aulas est conscient, avec son grand stade, de réaliser ici, son dernier grand coup. Les enjeux sont considérables. Si l'équipe revient à son apogée, le pari du grand stade sera réussi et connu dans le monde entier. À l'inverse, si les résultats sont décevants, il s'agira d'un crash industriel catastrophique tant pour le club que pour le territoire. Alors coup de maître ou coup de Trafalgar ?

>> Quel avenir pour Gerland ?

La question n'est pas encore tranchée. Le Lou Rugby n'envisagerait plus d'y aller, bien installé dans son stade du Matmut Stadium. Mais alors que certains défendaient l'idée que la ville de Lyon puisse vendre le stade de Gerland à l'Olympique Lyonnais afin que le club reste au cœur de Lyon, de ses racines historiques, Jean-Michel Aulas, au contraire, n'a pas pensé une seconde pouvoir rester sur ce site du 7e arrondissement avançant les arguments d'un site propriété de la Ville et inscrit au titre des monuments historiques depuis 1967, puisqu'il est l'œuvre de Tony Garnier - donc difficilement destructible. Ce qui ne convainc aucun opposant :

« Le stade est inscrit, il n'est pas classé. Le préfet pouvait ainsi donner à tout moment son accord pour que l'OL puisse faire ce qu'il souhaite. »

Mais Gerland est aussi trop petit. Trop petit pour le programme immobilier envisagé. Jean-Michel Aulas verrait dans la reconversion de Gerland... un campus d'entreprises. Un argument comme pour souhaiter que Gerland, disposant d'une jauge dont la capacité à remplir est plus facile, ne soit pas en concurrence avec le grand stade pour l'accueil d'événements ?

>> A lire vendredi 6 mars : "Le modèle (exemplaire) du stade de Munich."

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