Une tribune publiée par José Bové dans Libération a mis le feu aux poudres. Le député européen affirme que l'Europe a sacrifié 32 fromages au nom du CETA, l'accord de libre-échange entre l'Union européenne et le Canada, dont la ratification doit débuter en octobre.
En cause ? Sur la liste des indications européennes qui seront protégées dans le cadre de l'accord, 32 fromages dont 13 de la région Auvergne Rhône-Alpes manquent à l'appel*.
Cependant, le débat est plus compliqué qu'il n'y paraît. Surtout, contrairement à ce qu'affirme José Bové, le CETA va dans le sens d'une meilleure protection des fromages français. "Le CETA est une avancée", affirme même Paul Zindy, chargée de mission au sein du Conseil national des appellations d'origine protégée, le CNAOL.
Liste restreinte
Actuellement, si un fromage labellisé AOP ou IGP veut protéger sa marque au Canada, afin qu'elle ne soit pas copiée, il doit déposer lui-même la marque : un système coûteux puisqu'il nécessite des avocats, des juristes. Si son fromage est copié outre-Atlantique, la seule voie de recours se fait devant un juge de droit privé. "Sans cet accord, les transformateurs canadiens peuvent faire ce qu'ils veulent", souligne Sébastien Breton, directeur de l'AFTAlp (association des fromages traditionnels des Alpes savoyardes).
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Or, dans le cadre du CETA, plusieurs fromages ont été inscrits sur une liste restreinte. Ceux-là seront protégés. Ainsi, les producteurs canadiens ne pourront pas commercialiser du reblochon ou du comté au Canada.
"Nous militions pour une reconnaissance totale des AOP dans tous les pays du monde. Alors certes, quand une liste est restreinte, nous sommes moins satisfaits. Mais l'idée est de pouvoir ensuite consolider la liste actuelle", tempère Paul Zindy.
Exportations
Quant aux produits qui ne figurent pas sur la liste, "ils ne sont pas mis en péril", indique Paul Zindy. Ce sont, en effet, de plus petits fromages, qui ne réalisent pas leur chiffre d'affaires à l'international.
Pour choisir quels produits figurent sur la liste restreinte, les législateurs ont pris en compte deux critères : la présence d'exportations, et l'existence de problèmes avérés d'usurpation. Paule Ballet est directrice du syndicat du Picodon, un fromage de chèvre produit entre la Drôme et l'Ardèche. Pour elle, l'absence du Picodon sur la liste restreinte n'aura "pas d'impact, car nous ne réalisons pas de ventes à l'extérieur. Comme nous produisons peu, nous avons ciblé un marché allant de Marseille à Grenoble."
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Or, cette réalité est celle de nombre de fromages produits en Auvergne Rhône-Alpes. Les achats et la consommation se font localement. "On croit toujours que le miracle vient de l'export. Mais il faut mieux vendre aux Chinois qui viennent en France, plutôt qu'aux Français qui vivent en Chine", indiquait ainsi Yvon Bochet, de l'Union des producteurs de Beaufort, dans les colonnes d'Acteurs de l'économie - La Tribune.
Picodon canadien ?
Quant aux importations, si l'accord CETA est adopté, rien ne changera. "Le droit communautaire est ferme sur ce point : les produits copiés ne peuvent pas rentrer sur le territoire", précise Paul Zindy.
En d'autres termes, il sera interdit d'importer du Picodon canadien.
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