L’export, source de débouchés pour les fromages AOP ?

Si les fabricants savoyards misent avant tout sur l’échelle locale ou régionale pour vendre leurs produits, certains ont tenté l’export : Belgique, Suisse ou encore Japon et États-Unis… Mais les marchés internationaux représentent encore des défis pour cette filière composée majoritairement de petites exploitations.
Selon le syndicat interprofessionnel du fromage abondance (SIF), près de 100 tonnes de ce fromage sont déjà vendues en direct à l'étranger par les producteurs sur 2 800 tonnes fabriquées en 2015.

A l'échelle nationale, les fromages sont les produits laitiers qui se dirigent le plus vers l'export, avec 3 milliards d'euros d'exportations réalisés en 2014, principalement vers l'Europe (79 % des débouchés), d'après les chiffres fournis par la filière.

Si la tendance existe dans les pays Savoyards, elle se heurte à la petite taille des exploitations de la filière AOP/IGP, qui compte pas moins de 2 000 producteurs, 60 ateliers de transformation collectifs et plus de 340 ateliers de transformation. Vente en direct ou par le biais de grossistes à l'étranger...

Tradition culinaire française

En fonction des marques, les fromages AOP savoyards se dirigent plus ou moins vers l'export, aidés par l'image qualitative des AOP et une tradition culinaire française enviée par plusieurs pays étrangers. Tous les pays ne sont pas nécessairement visés : on retrouve, en priorité, des destinations ayant une forte habitude de consommation de fromage, comme le Benelux ou l'Allemagne.

"Dans les autres pays européens, il existe certaines barrières sanitaires qui limitent l'exportation. L'Italie pourrait par exemple être un pays cible, mais l'implantation d'un réseau de distribution est moins facile à conquérir", analyse Sébastien Breton, directeur de l'AFTAlp (association des fromages traditionnels des Alpes savoyardes).

L'Abondance, un fromage encore en plein développement depuis sa labellisation en 1990, regarde notamment du côté de l'étranger pour accroître ses débouchés en dehors du marché français ultra-concurrentiel.

"Même si l'on sait qu'on ne vendra pas tout notre Abondance à l'étranger, on serait intéressés pour en commercialiser une petite part", glisse Joël Vindret, responsable administratif du Syndicat interprofessionnel du fromage abondance (SIF), qui estime que près de 100 tonnes de fromage sont déjà vendues en direct à l'étranger par les producteurs sur 2 800 tonnes fabriquées en 2015.

Récemment, le syndicat a même développé des supports de communication en anglais et en allemand pour épauler les producteurs.

Des défis pour les PME

Car l'un des défis pour ces petites exploitations fromagères est non seulement de trouver des partenaires, mais aussi de gérer l'aspect administratif et réglementaire de l'export, tout en possédant peu de ressources.

Des raisons pour lesquelles Louis Gachet, à la tête du regroupement pastoral de Precol,  n'envisage pas d'exporter. Avec sa production de 15 tonnes de Beaufort à l'aide de 140 vaches en été, il affirme :

"Encore faut-il arriver à se faire des contacts à l'international et arriver à se faire payer. Nous nous appuyons plutôt sur des crémiers ou des grossistes, en plus de réaliser une grande part de vente directe sur place".

Car les coopératives savoyardes comme la sienne restent des PME avant tout. "Nous n'avons pas de système commercial à l'export, encore moins lorsqu'on est monoproduit. Si l'on avait une palette de fromages à présenter, ce serait plus facile", estime Pierre Laurent, dont la coopérative laitière du Beaufortain représente 23 % du tonnage produit sur la zone, avec 132 exploitations.

Faut-il pour cela imaginer des regroupements de fromages savoyards, capables de présenter des plateaux à l'export comme le font déjà les grossistes auprès de la grande distribution ? Un handicap d'autant plus fort que la notoriété et le taux de pénétration des fromages savoyard pouvant encore être améliorés à l'échelle nationale, les priorités des exploitations sont donc ailleurs.

Le miracle de l'export ?

Face à un marché hexagonal qui n'est pas encore saturé mais où les acteurs se multiplient, "les grossistes et transformateurs sont de fait moins attirés par l'export", analyse M. Breton. Si des fromages comme le reblochon se positionnent jusqu'au Benelux, le Beaufort vise quant à lui plutôt une distribution nationale, et les autres, plutôt l'échelle régionale.

"On croit toujours que le miracle vient de l'export. Mais il vaut parfois mieux vendre aux Chinois qui viennent en France, plutôt qu'aux Français qui vivent en Chine", nuance Yvon Bochet, de l'UPB.

Selon lui, le marché hexagonal pourrait largement suffire à des fromages comme le Beaufort, pour lequel les ventes au sein des pays voisins représentent à peine 5 %.

"Quand on fait des tests de notoriété spontanée sur les fromages, on ne ressort pas les premiers. Mais avec des actions de communication ciblées, on peut faire bouger le curseur de 1 à 3 %, ce qui serait déjà énorme !", pense Pierre Laurent, à la coopérative laitière du Beaufortain.

"La valeur d'une AOP, c'est d'être consommé au plus près de l'endroit où il est produit. Si l'on va en Auvergne, on a plaisir à manger des fromages de là-bas", rappelle Yvon Bochet.

Lire aussi : Les Salaisons d'Auvergne décrochent l'IGP, une bonne affaire ?

Car chez les AOP, le territoire reste l'une des principales marques de fabrique des fromages qui y sont produits. "Les gens viennent sur place pour ramener un petit bout de Savoie", estime Pierre Laurent.

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