Pourquoi les vignerons de Cerdon ne veulent pas d'une Clairette rosée

C'est une guerre de coteaux et de marketing sur le marché juteux des vins pétillants. Les producteurs de Cerdon, dans l'Ain, s'inquiètent de la création d'une Clairette rosée dans la Drôme. L'Institut national des appellations d'origine va devoir trancher le litige.
Les producteurs des vins du Bugey veulent pointer du doigt un problème de fond.

Depuis le mois de mai, les producteurs des vins du Bugey sont en conflit avec leurs homologues de la Clairette de Die. Leur point commun : être deux AOC (appellation d'origine contrôlée). Mais dans l'Ain, on accepte mal l'idée qu'une clairette rosée puisse être créée. Le syndicat des vins du Bugey a ainsi fait une opposition auprès de l'INAO (Institut national des appellations d'origine) sur la demande de modification du cahier des charges de l'appellation Clairette-de-Die, qui prévoit de pouvoir produire une Clairette-de-Die tradition rosée.

Un problème de fonds pour l'Ain

Eric Angelot, président du syndicat des vins du Bugey craint notamment que ce nouveau produit fasse de l'ombre au Cerdon sur le marché. "Historiquement, la clairette de Die est un vin blanc à base de muscat, le Cerdon, est quant à lui un vin rosé à base de gamay. Nous sommes sur un marché qui s'apparente au niveau de la commercialisation. Dans nos caveaux, cela ne pose pas de problèmes. Mais nos deux appellations sont également présentes en GMS ainsi qu'à l'international", s'indigne-t-il.

L'élu souhaite également soulever un problème de fond : celui de créer un nouveau produit sans lien historique, tout en bénéficiant de l'appellation d'origine contrôlée.

"C'est une création de toutes pièces, sans lien historique. Une AOC, c'est un cahier des charges défini, un lien à l'histoire et un territoire donné. Ce sont les trois piliers. Avec des vins de pays, des vins de France, on peut faire des choses. Là, c'est complètement différent. Le problème pour nous, c'est que ça veut dire que sans antériorité, on peut tout faire et n'importe où. Le rôle d'un syndicat, c'est de protéger les producteurs, la rareté donne de la valeur. Que deviennent les AOC ? Un rosé à Die, on s'y oppose", poursuit-il.

L'INAO en arbitre

En Drôme, on accepte volontiers l'opposition des producteurs de Cerdon, même si on pense que les producteurs du Bugey se trompent totalement. "Les producteurs de l'appellation Cerdon ont fait opposition auprès de l'INAO sur notre demande de modification de cahier des charges de l'appellation Clairette-de-Die en vue de pouvoir produire de la Clairette de Die Tradition Rosée. Nous pensons que pour le moins ils se trompent totalement d'adversaire, vu qu'ils n'ont pas le monopole du vin effervescent rosé en France [...] Le simple prétexte d'un cépage commun, le Gamay, ne nous semble pas un argument déterminant", réagit Jean-Louis Berges, directeur du groupe Jaillance.

Décision avant la fin de l'été

Dans un communiqué, le syndicat de la clairette de Die précise en effet que la clairette de Die rosée n'a pas vocation a faire de l'ombre au Cerdon.

"Le Cerdon reste le plus important producteur d'effervescent rosé en Méthode Ancestrale avec 15 000 HL annuels. La Clairette de Die rosé ne représentera que 10% du marché de la Clairette de Die, soit environ 9 000 HL. Elle ne sera pas la production principale des vignerons de la Clairette de Die. De plus, les vignerons du Cerdon ont un rendement supérieur de 15% à la Clairette de Die. [...] La Clairette de Die rosé ne peut absolument pas être considérée comme étant  une copie de Cerdon", précise le document.

L'organisme précise par ailleurs que la Clairette de Die rosée sera fabriquée à partir de muscat blanc à petits grains et du muscat rouge. Le gamay ne serait qu'accessoire. Toutefois, la structure note que celui-ci est implanté sur la zone d'appellation depuis 300 ans. La décision de l'INAO pourrait intervenir avant la fin de l'été.

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