Les MOOC ont-ils enfin trouvé leur modèle économique ?

Les Massive online open course (Mooc) quittent peu à peu le champ académique pour faire leur entrée dans les entreprises. Ces dernières les utilisent comme un véritable outil de formation de leurs salariés. Un moyen pour les universités de réaliser un retour sur investissement.
Lyon 3 a développé son premier MOOC sur la cartographie des processus métiers. Une thématique qui a attiré de nombreux professionnels.

"Au départ, les universités pensaient que les Mooc (pour Massive online open course, NDLR) s'adresseraient en priorité aux étudiants. Or, il s'est avéré que 70% des apprenants inscrits étaient en activité."

En 2013, Jérémie Sicsic lance Unow, une startup spécialisée dans la conception de Mooc. Avec son associé Yannick Petit, ils accompagnent plusieurs établissements tels qu'EMLYON, dont ils sont diplômés, ou Centrale Lille, dans la mise en place de Mooc à destination de leurs étudiants. Toutefois, les deux hommes observent un changement : les Mooc normalement destinés aux élèves sont étonnement plébiscités par les personnes issues du monde professionnel.

"Quitter l'espace académique"

Un constat que partage l'Université Jean-Moulin Lyon 3. Au départ, l'établissement a décidé de se lancer dans la conception de ces Mooc pour développer l'image de l'université ainsi que son rayonnement.

"Cela permet de montrer de quoi sont capables les équipes pédagogiques", indique Alexandra Codina, adjointe au chef de service du PAPN (Pôle d'accompagnement à la Pédagogie Numérique), et coordinatrice des Mooc à Lyon 3.

Rapidement, outre les Mooc académiques, l'établissement opte pour des formations davantage professionnalisantes. Avec, par exemple, un Mooc sur la cartographie des processus métiers.

Le véritable enjeu des Mooc en France est de toucher un public professionnel. "

7 500 personnes se sont inscrites pour la formation Cartographie des processus métiers, preuve de la pertinence de cette stratégie.

"On demande au salarié d'avoir sans cesse des connaissances supplémentaires, d'être en renouveau constant", souligne Alexandra Codina.

Des MOOC aux SPOC, de la formation initiale à celle continue

Alors les MOOC ont-ils vocation à quitter l'espace académique ? À passer de la formation initiale à celle continue ? C'est en tout cas la tendance qui semble se dessiner. Jean-Marc Hasenfratz, responsable du Mooc Lab de l'Inria, un organisme public de recherche dédié aux sciences et technologies du numérique, est affirmatif :

"C'est ce qui va se développer. D'autant plus que le budget pour la formation permanente des entreprises est de trois milliards d'euros."

C'est d'ailleurs dans ce glissement vers le monde économique que se situerait le business model des Mooc développés par les universités.

"Nous avons des partenariats avec des entreprises privées, qui nous rémunèrent pour que nous leur créions des Mooc", indique Jean-Marc Hasenfratz.

Ce phénomène porte un nom, qui tient lui aussi en quatre lettres : Spoc (Small private online course). Ces derniers sont restreints aux employés de l'entreprise. Unow a ainsi lancé, depuis un peu plus d'un an, Captain Spoc. De l'accompagnement dans la création, ils proposent désormais leurs propres cours aux entreprises.

"Les formations SPOC ne sont pas développées par des académiciens mais par des formateurs qui connaissent déjà le monde de l'entreprise ", affirme Jérémie Sicsic.

La startup a notamment collaboré avec BNP Paribas, Total ou AG2R.

Accès personnalisé

L'Université Jean-Moulin Lyon 3 a opéré le même tournant. Sauf que, comme le précise Alexandra Codina :

"Nous ne vendons pas l'accessibilité aux MOOCs, puisque pour nous l'accès au savoir doit rester gratuit. Par contre nous vendons l'accompagnement."

On parle alors de blended-learning. Autrement dit, l'entreprise peut demander une personnalisation du contenu ou encore un accompagnement sur les problématiques même de l'entreprise. Une prestation qui a un coût pour l'entreprise. Celui-ci est différent, selon les modifications apportées au Mooc initial. Toutefois, l'université préfère ne pas le communiquer.

La stratégie est payante :

" Ces Mooc professionnalisants nous permettent de réaliser un retour sur investissement et de financer les projets académiques ", souligne Alexandra Codina.

Au sein de l'université, les coûts de conception sont internalisés puisque "nous disposons de tous les corps de métiers et d'un studio audiovisuel", assure Alexandra Codina. Seule dépense externe: un acteur professionnel vient aider les enseignants en charge du Mooc à rendre leur texte plus dynamique. Externalisé, il faut en moyenne compter entre 50 000 euros et 100 000 euros pour concevoir un de ces cours en ligne.

Les Mooc, une plus-value pour la formation initiale

Pour Christophe Batier, les MOOCs doivent servir la formation initiale comme continue.

Du côté de l'université Claude-Bernard Lyon 1, si l'importance de la formation continue est avérée, on ne note pas une évolution aussi significative vers le secteur privé.

"Tout simplement car nous n'avons pas de formats courts. Nos Mooc durent plutôt 4 ou 5 mois", indique Christophe Batier, directeur technique du service technologies de l'information et de la communication pour l'enseignement au sein de l'université Claude-Bernard Lyon 1.

L'université a décidé de miser sur la formation initiale en mettant en place un système de classe inversée, notamment en Staps ou en médecine. Le principe ? Les étudiants se familiarisent avec le cours chez eux, grâce aux Mooc. Ce qui permet, une fois en TD, d'approfondir réellement le sujet. Les étudiants qui suivent ce parcours en Staps "ont souvent deux points de plus en moyenne ", souligne Christophe Batier.

Lire aussi : La révolution des Moocs arrive en Rhône-Alpes

L'établissement propose également un Mooc e-learning en formation continue ,donnant ensuite le droit à un diplôme universitaire correspondant à 10 crédits ECTS.

"Beaucoup de professionnels s'inscrivent, notamment des membres de l'enseignement privé ou des formateurs. "

On voit là se dessiner un autre modèle économique possible pour les Mooc : la vente de certification.

"Les MOOCs ne sont pas payants. Mais pour obtenir une certification, les étudiants doivent verser 1 500 euros ", indique Christophe Batier.

Lors de la dernière session, sur 340 inscrits, quatre sont allés jusqu'à la certification. Une autre façon de trouver des solutions de financement pour la formation initiale.

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