Guillaume Mulliez : "L'échec constitue un apprentissage"

L’association 60 000 rebonds tient son forum national mardi soir à Lyon. Fondée par Philippe Rambaud, elle vise à relancer des chefs d’entreprises en faillite en les épaulant pour surmonter leur échec et relancer une nouvelle entreprise. Guillaume Mulliez, dirigeant de Dimo Gestion, préside l’association en Rhône-Alpes, il revient sur l’accompagnement apporté par 60 000 rebonds et espère pouvoir aider 200 entrepreneurs à rebondir d’ici trois ans.

Acteurs de l'économie-La Tribune : Vous présidez 60 000 rebonds en Rhône-Alpes depuis six mois. Cette association fondée par Philippe Rambaud se bat pour relancer des entrepreneurs qui ont fait faillite. Vous êtes entrepreneur depuis plus de 20 ans, qu'est-ce qui vous a motivé pour vous engager dans cette association ?

Guillaume Mulliez : Je ne connaissais pas cette association. Mais il y a un réel besoin. Tout ce que j'ai pu faire dans ma vie d'entrepreneur m'amène logiquement dans cette association. J'ai traversé moi-même des difficultés personnelles qui m'ont amenées à des phases de rebonds. Il y a en France, chaque année, 60 000 entrepreneurs qui sont assommés. Cette année, il y en a même plutôt 63 000. Si vous les aidez très vite, ils peuvent repartir. Ne pas les aider, c'est un immense gâchis pour notre pays. Pour créer une entreprise, le plus difficile, c'est de trouver un entrepreneur, là, vous en avez plus de 60 000 à disposition.

Quand on plante sa boite, ce n'est pas seulement son entreprise que l'on perd, mais son train de vie. On perd ses revenus, on change complètement de statut et l'on perd souvent sa maison, parfois également son conjoint. Avec à la clé pour certains, la dépression, voire le suicide quand la personne ne voit pas d'issues.

Or il y a des issues...

Oui et notre association a un taux de réussite très important. Là où il n'y a pas de soutien, un entrepreneur en faillite met huit ans en moyenne pour rebondir. Ce qui est énorme. Grâce à la main tendue, au côté collectif de 60 000 rebonds, à l'accompagnement pour accepter l'erreur et l'échec, 80 % des personnes que nous aidons rebondissent entre 6 et 18 mois.

Il faut accepter l'échec comme faisant partie de la construction de l'expérience. Si on l'accepte, l'échec constitue un apprentissage. Nous avons une culture en France du négatif et il y a deux choses très mal vues : l'échec et la réussite. Nous avons tendance à ne pas positiver même dans les difficultés. Quand vous êtes entrepreneur, vous prenez des risques et donc vous pouvez échouer. Le but, c'est que ce risque soit le plus limité possible.

Quel est le processus pour aider les entrepreneurs en faillite dans l'association ?

La première étape de l'association, c'est de faire en sorte que les gens ne soient plus seuls. D'abord, nous examinons si nous sommes en capacité d'accompagner un entrepreneur. Nous avons deux filtres : s'assurer que la personne n'est pas dans une dépression lourde et également regarder s'il ne s'agit pas de faillites frauduleuses. Hormis ces deux cas, on accueille. La première étape, c'est donc l'accueil.

Chaque mois, nous organisons une réunion de groupe, dans laquelle se trouvent 20 à 30 personnes, des entrepreneurs en rebonds. On se met en projection, on va parler de cette faillite, l'analyser. Dans chacune des réunions, nous permettons à tous de se présenter, de raconter son parcours de manière à évacuer la honte. Pour pouvoir profiter de cette expérience, il faut pouvoir faire une analyse, mais si vous avez honte vous refusez de regarder les choses en face. Nous partons avec des gens qui sont blessés et nous leur disons qu'il y a un espoir.

À l'issue de ces groupes, comment cela se traduit-il ensuite ?

En parallèle, vous avez un double suivi, par des coachs en développement personnel, avec sept sessions de 2 h 30 confiées à des professionnels bénévoles. Toutes les personnes qui interviennent dans l'association le font bénévolement. Ces coachs vont permettre à chaque entrepreneur de faire son deuil en acceptant sa part de responsabilité. Quand ils arrivent, ceux que nous aidons sont en colère. Il faut retrouver la paix pour retrouver de l'énergie.

Un second coaching intervient sur un plan de projet de vie. 30 % des personnes se rendent compte qu'ils ne sont pas faits pour être patrons et repartent sûrs du salariat. 70 % confirment leurs choix et repartent vers un projet d'entrepreneuriat. Là, nous les accompagnons pour redémarrer, pour leur redonner du réseau. Nous travaillons également sur les phases de financement. Nous travaillons avec le Crédit Agricole et nous avons des contacts avec d'autres banques.

Nous avons aussi un volet important de formation. On profite d'avoir sous la main ces entrepreneurs pour compléter leur formation sur un certain nombre de sujets : qu'est-ce qu'une vraie dynamique commerciale ? Comment se forme-t-on aux réseaux sociaux quand on a 50 ans ? Etc...

Combien de personnes suivez-vous ?

Pour l'instant à Lyon, nous accompagnons une vingtaine d'entrepreneurs en rebond. Mon objectif est de développer l'association sur le territoire. 60 000 rebonds fonctionne à l'échelle nationale, nous avons la preuve que le concept marche. Nous aidons 20 personnes pour le moment, alors qu'à Lyon, chaque année 1 700 entrepreneurs font faillite. On peut donc largement en aider plus. L'objectif, c'est d'arriver d'ici trois ans à 200.

Pour cette année, l'idée est de passer de 20 à 80 et pour cela, il nous faut des coachs supplémentaires (une trentaine), et environ 50 parrains supplémentaires qui suivent individuellement chaque entrepreneur en rebond. Nous allons aussi développer nos ressources avec pour 2016 un budget de 120 000 euros.

D'autres développements sont-ils prévus ?

Nous allons ouvrir une antenne à Grenoble début janvier, puis à Valence en juin 2016, avec des projets également d'ici 2018 à Saint-Étienne et Bourg-en-Bresse.  L'idée, c'est de mailler le territoire et d'avoir une vraie dynamique régionale autour de cette question. Potentiellement, je pense que nous pouvons accompagner 2 000 personnes dans la région Rhône-Alpes chaque année.

Il y a un retour extraordinaire de ces gens qu'on pensait noyés et qui redeviennent des personnes qui contribuent à redynamiser notre pays. Sur 20 entrepreneurs que l'on a accompagnés, six sont impliqués dans l'association. C'est important d'être dans une chaîne. L'échec peut permettre de grandir.

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Commentaire 1
à écrit le 26/11/2015 à 8:26
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Bonjour et merci pour ce commentaire ,je suis en Normandie et il n’existe pas de structure comme celle ci . je postule des aujourd’hui , a très bientot c.maurer

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