Sur Skype, outil qu'il affectionne particulièrement, Jean-Baptiste Hibon sait capter son auditoire, avec présence - même à l'écran -, profondeur et naturel. Infirme moteur cérébral, il présente quelques difficultés pour parler et se mouvoir.

À 42 ans, cela fait plus de 20 ans que ce Lyonnais se classe parmi les entrepreneurs. Alors, à la fin de ses études en psychologie sociale, c'est la seule voie que les recruteurs et l'Agefiph lui laissent entrevoir :

« Avec bac + 5, je faisais partie d'une minorité parmi les personnes handicapées. Et avec mon handicap, j'étais dans la minorité des diplômés du supérieur. Ce qui était déjà en place ne me correspondait pas. Je sentais le besoin d'innover, de créer », raconte-t-il, aujourd'hui conférencier en mode auto-entrepreneur et bientôt entrepreneur individuel.

S'adressant d'abord à un public de collégiens et de lycéens pour faire tomber les préjugés face aux handicaps, il s'est rapidement professionnalisé à la demande de managers pour former leurs équipes. Il a notamment formé, via un cabinet de conseil, 500 employés de L'Oréal dans le cadre de la politique Diversité et Handicap de la société. Il a ensuite multiplié les interventions au sein des services ressources humaines et dans le secteur médico-social.

Depuis deux ans et demi, il nourrit une fibre d'entrepreneur plus solide. Son projet est de créer, puis de diriger, une plate-forme numérique « adaptée au monde du handicap et de la dépendance » - qui conviendrait aussi au télétravail -, sous le nom de Réseau Humain, en SAS.

L'étape à venir ? « Déposer les statuts et trouver des financements », répond Jean-Baptiste Hibon. Le principal partenaire serait de taille, à savoir Visiativ, éditeur de plate-formes numériques collaboratives à l'international.

Quand il évoque ce projet, l'entrepreneur aborde d'emblée un obstacle :

« Nombreux doutent de ma capacité à diriger une entreprise. Je suis obligé de m'entourer de personnes compétentes qui crédibilisent ce projet et valident mes compétences face aux préjugés, qui sont naturels. »

Des personnes qui apporteront aussi des aptitudes complémentaires aux siennes :

« Je peux donner mon leadership, je vois le succès que j'ai dans les conférences. Par contre, l'opérationnel d'une vie d'entreprise est difficile pour moi, les déplacements me fatiguent », aborde-t-il.

Alors, le projet va au rythme de celui qui l'impulse, un rythme qui ne néglige pas l'Humain et sa capacité à se mettre en réseau.

Patricia Gros-Micol, la pugnacité en partage

C'est une femme qui n'hésite pas à décoller la vieille moquette, à repeindre les murs en vert et à transformer de vieux bureaux grisous en une oasis. Une femme qui décollerait bien de la même manière l'image du handicap posée sur ceux qui le vivent. Une entrepreneuse qui détonne.

En 2010, après avoir travaillé comme commerciale, directrice marketing et directrice adjointe dans de grands groupes (Procter & Gamble, Black & Decker, Demurger, etc.), elle fait face à un licenciement « en trois secondes, à l'américaine ».

Investie dans l'humanitaire depuis longtemps, son entourage lui souffle le droit à une reconnaissance « handicap », la « RQTH » par l'Agefiph, à cause de problèmes de santé qui remontent à un accident de train à l'âge de 17 ans. C'est le déclic.

Elle associe ses compétences managériales à sa fibre sociale et à son vécu personnel. Et passe une à une les étapes de la création d'entreprise.

« Je ne pense pas au handicap au quotidien mais ça me donne la force de me battre. Face aux claques de la vie, soit je devenais aigrie, soit j'en profitais pour construire. Vu tout ce qui m'est arrivé, je n'ai pas envie d'attendre : il faut que j'aille le plus vite possible pour réaliser tous les projets que j'ai en tête », partage-t-elle.

Trois ans plus tard, Patricia Gros-Micol (ici entourée de son équipe) est à la tête d'Handishare, société de solutions administratives et d'assistance aux fonctions de support, notamment ressources humaines, basée à Limonest (300 000 euros de chiffre d'affaires), en banlieue de Lyon.

Elle emploie neuf salariés, avec un agrément d'entreprise adaptée (EA), soit la possibilité pour les clients de faire figurer les prestations dans les obligations d'emploi de travailleurs handicapés (OETH). L'équipe est composée à 100 % de personnes en situation de handicap... et presque 100 % de ces handicaps sont invisibles.

« Ce sont des personnes qui ont eu besoin de se reconvertir suite à un accident de la vie et qui ont des aptitudes intellectuelles, la capacité d'apprendre et d'évoluer. Nous insistons sur la prise en compte du handicap, pas sur sa prise en charge. On organise le travail en fonction de ces contingences de santé et après, on n'en parle plus », appuie l'entrepreneuse. « Parmi nos clients, il y a une majorité de grands comptes, dont certains ont une vraie logique de responsabilité sociale. D'autres sont plus intéressés par les avantages financiers d'une EA mais il s'agit pour nous d'un moyen de les sensibiliser au handicap et de faire évoluer le regard qu'ils portent sur cette réalité. Ceux qui nous connaissent viennent surtout chercher un savoir-faire et des compétences », soutient-elle.

Depuis sa création, l'entreprise et sa dirigeante multiplient les trophées, le dernier Lyon Ville de l'Entrepreneuriat remontant à décembre 2014. Patricia Gros-Micol poursuit sa course.

Face à la demande qui lui arrive des entreprises et de professionnels en situation de handicap, elle prévoit de développer un volet intérim en parallèle de l'activité d'Handishare, d'ici juin 2015.